Reconnu pour son efficacité à protéger les usagers des risques d'infection, le chlore est un désinfectant abondamment utilisé au Québec dans les piscines publiques et privées. Il est toutefois considéré comme une matière dangereuse, susceptible de représenter un risque à la sécurité et à la santé humaine tant lors de sa fabrication, de son entreposage et de son transport commercial, que lors de son utilisation.
Ces produits d’entretien dans lesquels vous vous plongez ou auxquels vous exposez vos proches ne sont pas anodins. Notamment ces pastilles de chlore stabilisé, conservées dans les chaudières de plastique, devraient strictement demeurer au sec. Sinon, le chlore s’accumule dans le contenant où l’eau s’est infiltrée et la suffocation menace le manipulateur imprudent lorsqu’il ouvre la chaudière. D’ailleurs, plusieurs études médicales de la European Respiratory Society ont démontré que de 20 à 30% des nageurs de compétition ont développé l’asthme après avoir respiré quotidiennement des vapeurs créées au contact du chlore, de l’urine et de la sueur dans l’eau des piscines.
Le chlore, c’est quoi?
Les agents de chloration se répartissent en agents organiques et inorganiques. Les agents de chloration inorganiques contiennent principalement de l’hypochlorite de calcium ou HTH. Il s’agit d’un produit très populaire pour le traitement « choc » de l’eau de piscine, à laquelle il est directement ajouté. L’hypochlorite de calcium est un solide blanchâtre disponible à l’état granulaire ainsi qu’en tablettes d’une concentration pouvant atteindre 70%. Ces produits appartiennent à la même famille chimique que l’eau de Javel (ou hypochlorite de sodium). Leur manipulation requiert donc des précautions similaires. En fait, tous les agents de chloration présentent le même comportement chimique et sont classés parmi les matières comburantes (qui en se combinant avec un autre donne lieu à la combustion de ce dernier). À l’état pur ou sous forme de solution concentrée, l’hypochlorite de calcium possède un pouvoir oxydant très élevé. En d’autres termes, il peut fournir l’oxygène nécessaire pour allumer et entretenir un incendie et peut même provoquer une explosion. Il peut devenir instable et dangereux ou être contaminé par d’autres produits chimiques comme des acides, des alcalis ou des matières facilement inflammables. De nombreux facteurs, dont l’humidité, peuvent entraîner la libération de vapeurs suffocantes.
Piscines publiques
Les principaux produits chimiques actuellement utilisés pour l'entretien des piscines publiques sont l'hypochlorite de sodium, NaOCl (eau de Javel), et l'acide chlorhydrique, HCl, deux composés à base de chlore. Ce sont de puissants oxydants, incompatibles avec la plupart des produits chimiques (algicide, abat poussière, dérivé du pétrole, solvant, peinture, etc.), et nécessitent des conditions d'entreposage spécifiques. Les accidents impliquant le chlore des piscines sont généralement dus au contact (lors d'un mélange accidentel ou volontaire) de l'hypochlorite de sodium avec une solution acide. Lors de la réaction, le chlore est expulsé du liquide sous forme de gaz plus dense que l'air, humide, agressif et corrosif. Ce type de mélange produit un composé appelé dichlore (Cl2). Il s'agit d'un gaz dangereux à concentration élevée dont l'inhalation peut provoquer de graves troubles physiques. Il suffit de savoir que le dichlore a été utilisé comme gaz de combat pendant la première guerre mondiale pour se rendre compte de son degré de toxicité.
Incidents et infections
Les incidents entraînant des émanations de chlore gazeux surviennent principalement dans les piscines municipales et les centres culturels (47 %), suivis des écoles (35 %) et des hôtels (18 %). Les principaux risques d'accident reliés au chlore en piscine publique (et qui s’appliquent aussi aux piscines privées) sont associés aux manipulations inadéquates des produits chimiques et, dans une moindre mesure, aux défaillances techniques du matériel de traitement de l'eau. Il s'agit d'événement non négligeables d'un point de vue de santé publique puisque selon les données recensées, des baigneurs ont été intoxiqués dans 70 % des incidents et hospitalisés dans 50 % des cas.
Par ailleurs, selon la Direction de la santé publique de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, l'exposition à l'eau des piscines, des pataugeoires et des bains tourbillons est reconnue en tant que source d'infections, dont des gastro-entérites, des folliculites, des otites, des conjonctivites, et diverses infections virales. Le chlore n’est donc pas une panacée.
Le nombre d'éclosions d’infections par type d'équipement démontre que les piscines sont les plus souvent concernées; les éclosions surviennent le plus fréquemment dans les établissements hôteliers (46%), suivis des parcs aquatiques ou parcs d'amusements (15%), des maisons privées (13%), des installations municipales (9%), des écoles (5%), des garderies (4%), des appartements (3%) et d'un parc de maisons mobiles (1%).
Des efforts doivent être entrepris pour favoriser l'utilisation de produits moins corrosifs et plus naturels ou de méthodes et d'appareils permettant de réduire l'utilisation des produits chimiques de désinfection comme les ionisateurs dont les électrodes d'argent et de cuivre retiennent les particules en suspension. Dans le contexte actuel, il demeure toutefois difficile d'utiliser des produits autres que le chlore pour la désinfection compte tenu d'abord de la réglementation inappropriée, mais également du monopole des fabricants de chlore.
En effet, bon nombre de piscines publiques sont gérées à la fois par la municipalité concernée et un groupe privé qui se charge du traitement de l'eau. Ce groupe est généralement associé par contrat à un fabricant de chlore qui lui fournit les produits chimiques nécessaires, conférant à ce dernier la liberté de sélectionner les produits chimiques à utiliser.
Références : BISE, le Bulletin d'information en santé environnementale
European Investigators Identify Potential Cause of Asthma in Swimmers : European Respiratory Society