Mise à jour d'un texte publié dans notre numéro de février 1995, inclus en version numérique avec votre abonnement, comme tous les numéros parus de 1994 à 1996.
Ken Taylor est l’essence même du développement durable : docteur en biochimie, il consacre toutes ses énergies à cultiver biologiquement plus de mille espèces végétales rares dans sa pépinière Green Barn Farm (autrefois la ferme Pointe-du-Moulin, située à l’île Perrot. Du séquoia géant à l’épinard d’eau vietnamien (qui goûte la moutarde), cette terre fertile de 30 hectares boréde par le Saint-Laurent accouche d’une incroyable diversité de plantes.
« Il adore les plantes, elles le fascinent, il connaît le nom de chacune d’elles », souligne sa femme, Lorraine. « Ken est brillant et passionné», ajoute le concepteur d’habitats fauniques Stefan Sobkowiak. Il pourrait même vendre un oranger à un Inuit! Ou certainement un kumquat, qui survit jusqu’à moins 12°C! »
Cette passion dure depuis plus de vingt ans. Expert en additifs alimentaires et en produits cosmétiques, Ken Taylor aurait pu devenir professeur d’université, mais il a rejeté ce monde hautement politisé. « Je trouvais que les gens étaient nerveux quand je leur parlais de leurs mauvaises habitudes (les compagnies qu’il dénonçait voulaient l’égorger!), alors j’ai décidé de faire quelque chose de positif. Je fais pousser des plantes pour aider la planète. »
Il importe donc des semences exotiques de toutes tailles, formes et couleurs. Il s’affaire à les greffer, les cloner, les cultiver. Il en aurait même déjà importé clandestinement. À son avis, la mise en quarantaine imposée par le gouvernement fédéral pour éviter des épidémies est absurde. « Les douaniers devraient plutôt laver la terre sous vos semelles, vos ongles et sur vos pneus : elle abrite bien plus de bactéries et de virus! »
De meilleurs choix végétaux
Son site web précise qu'il a « cultivé et sélectionné une collection extensive de variétés de fruits, noix, et baies qui peuvent résister au froid rigoureux de l’hiver canadien. Notamment, nous avons développé des génétiques mieux adaptés pour les climats froids et les forêts d’agroforesterie et de pPermaculture. Les arbres fruitiers de Green Barn sont uniques puisqu’ils sont « Taylor-made » dans notre terre argileuse avec nos propres semences, porte-greffes et méthodes de culture biologiques. Ainsi, nos arbres sont mieux acclimatés aux conditions de culture rigoureuses des climats canadiens.
La ferme Green Barn a un verger PAWPAW et un vignoble avec des raisins résistants au froid et sans pépins. Comment? Venez découvrir pour vous-même à un de nos visites guidées « Taste-n-Talk ».
Nous aimons partager nos expériences d’exploitations fruitières (30 ans) en donnant des ateliers, séminaires et consultations. SVP nous contacter si vous êtes intéressés à organiser un événement dans votre région. »
Le catalogue de Ken Taylor contient des solutions de rechange aux principales plantes populaires. Des solutions plus robustes, plus saines pour la planète et pour les humains. Il y a mieux, par exemple, que l’érable et le frêne pour un terrain de banlieue: « Pourquoi ne pas planter un chêne? J’en ai 10 nouvelles variétés. Le chêne est trois fois plus efficace pour purifier l’air, il a une grande valeur ornementale, il fournit de la nourriture et certains ont vécu 2 000 ans! »
Outré que plusieurs pépinières vendent de « stupides et languissantes difformités génétiques » aux consommateurs (telle l’épinette pleureuse ou les arbres au feuillage multicolore, qui sont très vulnérables), il aimerait bien convaincre les gens de délaisser les haies traditionnelles. Le cèdre, dit-il, a une soif d’ivrogne et il attire les moustiques comme une peau de bébé. « Un robinier faux acacia possède de superbes fleurs blanc-rosé, il fait de l’excellent bois de foyer et il est virtuellement imputrescible; il durera 20 fois plus longtemps qu’un poteau de cèdre! Rustique, il fixe l’azote et tolère les sols secs et pauvres. Coupé à sa souche, il repoussera rapidement. Il fournit ainsi du bois sans qu’on ait à le replanter! Quand à l’argousier, c’est sa plante favorite. Il ne coûte pas plus cher que le cèdre. Son feuillage argenté, très beau et très épais, ne tombe pas avant Noël. Plante maritime robuste, l’argousier résiste au sel de route et n’a jamais à être arrosé ni engraissé. Il pousse dans l’argile ou le sable, au soleil ou à l’ombre. En pente, il règle les problèmes d’érosion en se multipliant. Il produit une baie rouge-orange, comestible, si riche en vitamine C qu’en Russie on la cultive commercialement pour en faire de la confiture. Si on ne la cueille pas, elle fournira de la nourriture aux oiseaux tout l’hiver. Enfin, les petites branches pointues de l’argousier empêchent les humains et les cerfs de passer. Bref, cette plante des plus utiles fait une superbe clôture comestible! »
Ayant grandi sur une ferme, Taylor s’est toujours demandé pourquoi il y avait si peu de diversité dans nos marchés publics, alors que le Grand Montréal est béni de terres fertiles. Il dit que le monde végétal tel qu’on le connaît n’est que la pointe de l’iceberg. « Il faut rebâtir le matériel génétique ici, au Québec, pour que le jour où l’on décidera que les plantes sont importantes, on n’ait pas à dépenser des millions pour les importer. »
Son rêve, c’est que les gens recommencent à se brancher sur Dame Nature, en plantant par exemple des végétaux qui fournissent des baies aux oiseaux. « Sinon, aussi bien acheter des plantes en plastique! J’estime qu’on devrait presque vivre dans une serre. Je me sens si bien dans une pièce remplie de plantes! Elles émettent une sorte d’énergie indescriptible. Vous devriez sentir un citronnier en hiver: ça vous ravigote l’organisme qui souffre de vivre à l’intérieur 90% du temps. »
Ken Taylor a besoin de l’aide de gens pouvant faire pousser, chez eux, des espèces rares. N'hésitez pas à lui rendre visite.
Texte originel publié dans le numéro d’avril 1994 du magazine Guide Ressources