En cette époque cruciale où la protection de l’environnement est prioritaire, que le coût de la vie ne cesse d’augmenter, qu’il est de plus en plus difficile pour bien des gens de joindre les deux bouts et que les ressources naturelles s’épuisent, quelles actions peut-on réaliser individuellement afin de reprendre le contrôle de notre vie et de notre environnement?
Atteindre l’autonomie sur divers plans de notre vie peut s’avérer compliqué pour certains, voire impossible à atteindre pour d’autres. Autonomie énergétique, autonomie alimentaire, autonomie financière, pour ne nommer que celles dont nous entendons parler le plus souvent, ne sont pas à la portée de tous! À titre d’exemple, posséder une maison écoénergétique demande une capacité financière que bien des familles n’ont pas et ce, malgré les différents programmes de subventions gouvernementales. Cependant, on peut agir sur d’autres plans de vie pour faire un pas vers une certaine autonomie en général?
J’aimerais ici vous faire partager, non pas de grandes théories, mais du concret, mon expérience de vie, mes découvertes sur le plan environnemental. Elles m’ont amené à une plus grande autonomie et surtout une plus grande satisfaction dans ma vie. Après tout, n’est-ce pas le but ultime que nous recherchons?
Tout débute à partir du dicton « Le meilleur salaire c’est l’argent qu’on ne dépense pas! ». C’est d’ailleurs aussi le leitmotiv de toute entreprise qui souhaite faire des profits, car à quoi sert d’avoir un gros chiffre d’affaires si celui-ci passe tout en dépenses?
Œuvrant en jardinage et en horticulture écologiques depuis 1990, j’ai cherché principalement à appliquer ce principe dans mes pratiques de culture, autant sur le plan personnel que professionnel. Atteindre l’autonomie alimentaire était pour moi l’aspect le plus accessible à l’époque. Ne consommant pas beaucoup de viande, je visais donc l’autonomie en fruits et légumes, la nourriture la plus facile à produire pour la majorité de la population. Mis à part les poules, les poulets et les lapins, la production d’autres viandes est très coûteuse en espace et en ressources, et son impact environnemental est beaucoup plus grand.
Produire ses propres légumes, c’est bien! Cependant, la recherche de l’autonomie alimentaire ne devait pas m’amener à une autre forme de dépendance. Je m’explique.
Si pour produire mes légumes je dois consommer plein de ressources que je dois acheter, suis-je vraiment autonome? J’aurai mes légumes mais à quel prix? Je ne dépends peut-être plus de l’épicerie, mais je deviens dépendant des produits qu’il me faudrait pour produire mes légumes, comme de l’engrais, du compost, des paillis, des pesticides et aussi des bacs de culture et du terreau artificiel si je cultive en contenant, etc. Qu’arrivera-t-il si je n’ai pas les moyens de me payer tous ces produits? Comment vais-je produire mes légumes si demain matin ces fournisseurs de produits ne peuvent plus m’approvisionner?
Comment puis-je faire pour être gagnant sur plusieurs plans de ma vie? Alors, au fil des années, j’ai développé une approche de culture me permettant de valoriser tout ce qui se trouve dans mon environnement avec la philosophie que des déchets dans la nature ça n’existe pas!
La nature nous donne plein de ressources que trop souvent nous considérons encore comme des déchets ou bien que nous valorisons bien mal sur le plan écologique. Restants de cuisine, résidus de culture, feuilles, plantes aquatiques, plantes envahissantes, bran de scie, copeaux de bois, bois raméal fragmenté, résidus d’origine animale, excréments d’animaux domestiques, etc., la liste est longue, mais celle des moyens de gérer ces matières est courte. Ces moyens ne conviennent toutefois pas à tous et ont des bénéfices et des impacts plus ou moins importants sur le plan environnemental.
La gestion à la source est, dans la logique environnementale, le moyen le plus sensé de recycler les matières organiques. Pour ce faire, le compostage domestique nous est principalement proposé. Cependant, ce seul moyen de gestion ne convient pas à tous. De plus, il ne permet pas de gérer les matières organiques d’origine animale, ni de pouvoir gérer la (parfois) trop grande quantité de feuilles d’automne et de résidus de culture. Ces matières obligent donc à mettre en place des services de collecte, style bac brun, très coûteux en taxes et pour l’environnement, car cela nécessite beaucoup de transport et d’équipement.
Conscient de cette problématique depuis plus de 30 ans, j’ai développé au fil du temps plus d’une dizaine de façons écoresponsables et, pour la plupart, gratuites de gérer l’ensemble des matières organiques que la nature me donne au fil des saisons. Je composte, oui, mais en dernier recours. J’opte pour les solutions suivantes :
- Compostage : Dans un composteur écologique en bois de mélèze ou de cèdre, évitant le composteur fait de plastique. Je réduis ma dépendance au plastique et celui en bois, je peux le faire moi-même! D’ailleurs, je rends disponible ces composteurs aux écoles et pour le public grâce à des gabarits portatifs qui facilitent leur fabrication.
- Vermicompostage : Il y a eu une grande évolution de cette méthode de compostage à l’intérieur avec des appareils faciles d’utilisation. C’est mon moyen principal de gérer tout ce qui provient de la cuisine.
- Biodigesteur Cône vert: Le seul appareil domestique capable de gérer à la source les résidus d’origine animale (viandes, poissons, produits laitiers, excréments d’animaux domestiques). Pas d’odeur, pas de visite d’animaux et bien esthétique.
- Paillis de feuilles : Bien qu’une partie des feuilles d’automne puisse servir pour apporter une source de carbone au composteur et une autre partie déchiquetée sur la pelouse pour renourrir l’arbre (feuillicyclage), la majeure partie de cette récolte peut être hachée et entreposée humide pour être utilisée comme paillis le printemps suivant et durant tout l’été dans les plates-bandes et les allées de jardin potager. Esthétique, stable et surtout nutritif, ce paillis gratuit évite une foule d’achats de produits.
- Composter sous toiles opaques : C’est un moyen à double avantage! Cela vous permet de gérer les restants de cuisine sous des toiles installées pour éliminer les mauvaises herbes vivaces. (Cette méthode est expliquée en détail dans mon livre Zéro mauvaises herbes, c’est possible!)
- Laisser les matières là où elles sont produites : La logique montre que les plantes se nourrissent de leur propre feuillage dans la nature. Je laisse donc tous les vieux feuillages de mes aménagements et je les recouvre tôt au printemps du beau paillis de feuilles brun foncé que j’ai préparé l’automne précédent. Ainsi je n’ai pas de travaux éreintants de nettoyage de plate-bande à faire, car tout est recouvert grâce au paillis de feuilles. Je recycle ainsi tous mes vieux feuillages sur place ainsi que mes feuilles et je n’ai donc pas besoin d’acheter de produits durant toute l’année.
- Mettre certaines matières sous les massifs : Prendre l’habitude de cultiver en massif permet, en plus de faciliter l’entretien, de cacher en dessous du feuillage des matières telles des fleurs fanées qu’on coupe ou n’importe quelle autre matière qui se trouve près du massif. On évite ainsi de devoir les transporter au composteur ou pire, de les mettre dans le bac brun.
- Les poules : De plus en plus acceptées dans les municipalités, celles-ci transforment plusieurs matières organiques en bons cocos et en engrais pour fertiliser plates-bandes et potagers.
- Les toilettes biologiques : Les résidus humains sont aussi des ressources gaspillées. La toilette bio permet de fabriquer du compost et aussi de réduire à zéro la consommation d’eau potable dans nos toilettes.
En bref, l’adoption de ces différentes méthodes de gestion des matières organiques me permet de me passer d’un service coûteux de collecte à la porte. Rien ne va dans la poubelle pour créer des GES dans les sites d’enfouissement. Je m’assure de la qualité de mon compost et de mon paillis, qualité qui laisse à désirer lorsqu’il s’agit de compost provenant d’un site de compostage industriel qu’aucun producteur bio ne veut utiliser. Gérées de différentes façons, toutes ces matières deviennent pour moi des ressources, des richesses qui ne me coûtent rien et qui m’évitent en plus de devoir dépenser au printemps pour l’achat de plein de produits emballés et transportés. Je réduis ainsi mes dépenses tout en préservant de façon évidente l’environnement et en atteignant une meilleure autosuffisance en général, n’étant plus dépendant d’intrants pour mes cultures, ni de service de collecte pour me débarrasser des matières organiques.
La cerise sur le sundae : je mange de bons légumes dont je connais la provenance et qui n’ont pas eu à être emballés ni transportés!
Sur le plan de la conscience sociale, n’est-ce pas les gens les moins nantis qui devraient tirer avantage d’être autonomes sur le plan de l’alimentation? Alors comment peuvent-ils y arriver si le coût relié aux produits pour jardiner ne cesse d’augmenter?