Cosignataires : Dr Karim Zaghib, professeur de génie chimique et des matériaux, Université Concordia; Dr Pierre Langlois, physicien, auteur, chroniqueur et consultant en mobilité électrique; Michelle Llambias Meunier, vice-présidente, opérations, Propulsion Québec ; Eddy Zuppel, chef de programme, transports propres et écoénergétiques, Conseil national de recherches du Canada ; Thierry St-Cyr, président-directeur général, InnoVÉÉ
« Mirage », « illusion », « fausse solution », les qualificatifs ne manquent pas depuis quelques mois pour critiquer, voire discréditer le virage vers les véhicules électriques. Certains évoquent l’impact environnemental des véhicules électriques, l’extraction minière ou le travail des enfants. Qu’en est-il réellement ?
Fabrication des batteries : une réalité qui évolue rapidement
Dans la course à la transition énergétique, la demande pour certains minéraux critiques a considérablement augmenté. C’est pourquoi plusieurs entreprises ont mis au point des batteries avec peu de nickel ou de cobalt, voire aucun, vu la préoccupation liée au travail des enfants dans les mines de cobalt du Congo. C’est notamment le cas des batteries lithium-fer-phosphate (LFP). En 2022, environ 50 % des Tesla vendues étaient équipées de batteries LFP1. Les batteries LFP ont montré un nombre de cycles charge-décharge supérieur à 10 000, ce qui se traduit par plusieurs millions de kilomètres parcourus au cours de la vie de la batterie, qui dépasse 20 ans2.
Fait à noter, le cobalt est aussi utilisé dans le processus de raffinage du pétrole pour les véhicules à essence3, ainsi que les ordinateurs et les cellulaires.
Recyclage : 95 % c. 0 %
Le recyclage des batteries lithium-ion est mené par des procédés hydrométallurgiques dont le rendement de récupération s’élève à 95 % et bientôt 99 %.
Qui plus est, les gouvernements se penchent présentement sur des réglementations qui exigeront des fabricants le recyclage des batteries de véhicules électriques4.
Fait à noter, le pétrole brûlé par les véhicules à essence ou diesel est recyclable à 0 %.
500 à 1 000 fois moins de quantités extraites
L’Agence internationale de l’énergie6 estime la demande de minéraux critiques pour les énergies à faible teneur en carbone nécessaires aux véhicules électriques, au stockage d’énergie et aux énergies renouvelables à 28 millions de tonnes en 2040. En comparaison, 4 milliards de tonnes de quantités minières ont été utilisées par l'industrie du pétrole7 en 2018. Ainsi, à son rythme de déploiement le plus rapide, les quantités de minéraux extraites pour l’économie à faible teneur en carbone seront de 500 à 1000 fois inférieures à la production actuelle d’énergies fossiles8.
Environnement et cycle de vie
Le calcul de l’empreinte écologique globale d’un véhicule doit toujours être effectué en fonction de son cycle de vie complet plutôt que la seule étape de fabrication. Cela inclut l’extraction de matières premières, la fabrication de la batterie et du véhicule, son utilisation, sa mise au rancart ainsi que son recyclage.
Si l’impact de la fabrication de la batterie est réel, celui-ci baisse d’année en année. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) de sa fabrication ont déjà baissé d’environ 60 % par kilowattheure entre 2013 et 20199. Selon McKinsey10, « les acteurs ambitieux ont la capacité de réduire l’empreinte carbone de la production de piles jusqu’à 75 % en moyenne au cours des cinq à sept prochaines années ». Du côté des véhicules à essence, de telles améliorations écologiques ne sont tout simplement pas envisageables.
Électricité c. pétrole au Canada
Le réseau électrique canadien émet de moins en moins de GES. Entre 1990 et 2021, les émissions de GES du secteur de l’électricité canadien ont diminué de 45 % 11, rendant les véhicules électriques de plus en plus verts. Durant la même période, les émissions de GES des sables bitumineux ont augmenté de 463 %. En 2023, plus de 70 % de la production de pétrole canadien provenait des sables bitumineux12 qui représentent 97 % des réserves pétrolières13 prouvées du pays. Or, selon l’Institut Pembina14, l’extraction et le traitement des sables bitumineux généraient 2,2 fois plus d’émissions de GES par baril que la moyenne du pétrole brut extrait en Amérique du Nord. Ainsi, plus le temps passe, plus nos véhicules au pétrole consomment du pétrole non conventionnel, ce qui alourdit d’autant leur bilan écologique.
Selon un rapport publié par l’International Council on Clean Transportation en 202115, les émissions de GES sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules électriques en Europe, aux États-Unis, en Chine et en Inde sont inférieures à celles d’un véhicule à essence comparable de 66 % à 69 % en Europe, de 60 % à 68 % aux États-Unis, de 37 % à 45 % en Chine et de 19 % à 34 % en Inde.
Selon un rapport publié en 2022 par le Conseil national de recherches du Canada16, les véhicules partiellement et entièrement électriques ont toujours des émissions de GES moindres que les véhicules à essence dans toutes les provinces canadiennes. Au Québec, on parle d’un impact environ 60 % moindre sur 150 000 km. Comme les véhicules modernes ont une espérance de vie d’environ 250 000 à 300 000 km, la différence est encore plus grande en faveur des véhicules électriques.
D’aucune manière nous n’affirmons que les véhicules légers et lourds électriques sont parfaits ou qu’ils représentent LA solution à tous nos problèmes écologiques. Si les individus et les entreprises peuvent se passer de voitures et de camions, tant mieux. En effet, nous devons d’abord encourager le transport collectif électrique, le transport actif, ainsi que le covoiturage et l’autopartage électrique tout en décourageant la pratique de l’auto solo (fût-elle électrique) pour diminuer les émissions polluantes et de GES ainsi que la congestion routière.
Mais une chose est sûre, loin d’un mirage ou d’une illusion, les véhicules légers et lourds électriques sont supérieurs aux véhicules à essence et diesel des points de vue écologique et de santé. Il faut simplement qu’on les utilise intelligemment.
Voilà la réalité des véhicules électriques.