Lancée en 2020, la batterie thermique Thermino a déjà remplacé les chauffe-eau dans plus de 10 000 foyers britanniques. Grâce à son matériau à changement de phase (MCP) breveté Plentigrade P58, elle occupe environ deux fois moins d'espace au sol et en hauteur tout en stockant jusqu'à quatre fois plus de chaleur. Cette solution non polluante, sans entretien et recyclable sera commercialisée cette année en Amérique du Nord.
Elle peut stocker pendant plus de 20 ans la chaleur générée par un élément électrique, des panneaux solaires, une pompe à chaleur air-air ou géothermique, ou une chaudière à combustible. Elle restitue cette énergie à la demande sous forme d'eau chaude sanitaire ou de chauffage hydronique, voire d'air frais si son échangeur de chaleur alimente une thermopompe eau-air.
« La fonte et la congélation de notre MCP Plentigrade P58 permettent de stocker jusqu'à quatre fois plus d'énergie que le chauffage et le refroidissement de l'eau chaude, explique le site Web de son fabricant écossais, Sunamp. La Thermino prend donc quatre fois moins d’espace qu’un chauffe-eau et son isolation sous vide lui confère un classement A+ d’efficacité énergétique, car elle permet d’économiser jusqu’à 1 000 kWh par année. » Au tarif d’électricité actuel, un chauffe-eau de 300 litres (66 gallons) perd près de 800 kWh ou environ 80 $ d’électricité qui chauffe inutilement une maison par temps chaud.
Fondée en 2005, l’entreprise Sunamp fait fureur dans les pays qui subventionnent l’élimination du chauffage aux combustibles fossiles et la réduction de la demande d’électricité en période de pointe, par exemple en stockant l'énergie produite hors pointe avec des énergies renouvelables non polluantes.
« J'ai découvert Sunamp en 2015 grâce à l'émission YouTube Fully Charged, explique le président de l’organisme Énergie Solaire Québec, Patrick Goulet, grâce à qui Sunamp exposera au prochain Festival des Technologies Vertes, du 21 au 23 avril au Stade olympique. Cette batterie thermique à changement de phase contribue à la transition énergétique au Royaume-Uni en remplaçant les chauffe-eau au gaz ou à l'huile, tout en maintenant les mêmes performances. Voici une belle occasion pour le Québec de décarboner le chauffage de l'eau. »
Cette solution pourrait aussi plaire à notre super ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie Pierre Fitzgibbon, qui nous a récemment invités à faire la vaisselle à minuit! Hydro-Québec offre déjà des options tarifaires « dynamiques » aux ménages qui souhaitent réduire leur facture d'électricité en consommant moins d'énergie en période de pointe (de 6 h à 9 h et de 16 h à 20 h les jours d'hiver très froids), alors qu’elle doit importer à fort prix de l’électricité de source fossile.
Hydro-Québec prévoit augmenter sa capacité de production d'électricité de 50 % d'ici 2050 afin de décarboniser notre économie et celle de la Nouvelle-Angleterre en attendant l'électrification des véhicules. Tôt ou tard, ces tarifs dynamiques pourraient devenir obligatoires au Québec, du moins si le gouvernement trouvait des moyens de protéger les ménages à faible revenu et les locataires qui ne peuvent pas réduire leur consommation d'électricité pour le chauffage en période de pointe.
Hydro offre déjà une aide de 10 000 $ aux propriétaires d'appareils de chauffage qui veulent acheter (pour 17 000 $) un accumulateur thermique central qui sera chauffé en dehors des périodes de pointe. Comme peu de maisons ont une fournaise, il a été suggéré que nous pourrions surchauffer les nôtres avant l’heure de pointe matinale, mais cela présente des inconvénients. « Notre technologie évite de surchauffer une maison pendant les périodes creuses, ce qui la rend inconfortable alors que l'on souhaite dormir à une température plus basse et plus saine », explique Andrew Bissell, président de Sunamp.
Une technologie éprouvée et fiable
Sunamp est présente dans 17 pays et vient d'ouvrir un bureau à New York. En décembre 2021, l’État de New York a choisi sa technologie pour « démontrer les moyens potentiels de réduire les émissions de carbone, de diminuer les coûts de carburant et d'améliorer la résilience énergétique associée au chauffage et au refroidissement » dans les bâtiments résidentiels et commerciaux. Sunamp aimerait ouvrir une usine en Amérique du Nord dans un avenir rapproché.
En juin dernier, la British Royal Society of Chemistry a récompensé l'Université d'Édimbourg et Sunamp pour leur « partenariat fructueux qui a conduit au développement et à la commercialisation d'une technologie de stockage de la chaleur utilisant de nouvelles formulations de matériaux à changement de phase ».
Les MCP stockent et libèrent à volonté l'énorme quantité d'énergie nécessaire pour faire passer un matériau d'une phase physique (solide, liquide ou gazeuse) à une autre. La technologie brevetée Plentigrade P58 de Sunamp utilise de l’acétate de sodium trihydraté, un sel non toxique et abondant qui est l'un des plus anciens conservateurs alimentaires (il contribue à la saveur des chips au vinaigre).
Sunamp a inventé un moyen de le stabiliser avec des additifs polymères qui l'aident à fondre proprement et uniformément et à se solidifier avec la bonne structure cristalline.
Selon M. Bissell, sa batterie thermique résidentielle équivalant à un réservoir de 300 litres sera vendue au Canada d’ici la fin de l’été pour 2 000 $ à 3 000 $, installation comprise. Les divers modèles fournissent entre 105 et 436 litres (23 à 96 gallons impériaux) d’eau et un élément électrique est offert en option.
Elle est sans entretien et garantie 10 ans, mais conçue pour durer plus de 20 ans. Une étude publiée en 2021 dans la revue CrystEngComm de la Royal Society of Chemistry a montré que la Plentigrade P58conservait 95 % de sa capacité de stockage sans défaillance après 40 000 cycles de changement de phase. « Si l'on considère que la batterie thermique moyenne équipée d'un MCP Plentigrade subit deux cycles de changement de phase par jour, c'est un bilan de santé irréprochable, sans perte de stabilité ni détérioration après environ 50 ans », explique le Dr David Olivier, diplômé de l'école de chimie de l'Université d'Édimbourg et responsable du développement du MCP de Sunamp. (Comparativement, les chauffe-mains réutilisables à base de MCP que l’on recharge dans de l’eau bouillante durent une centaine de cycles.)
Ces résultats ont permis à Sunamp d’être le premier et seul fabricant de batteries thermiques au monde à avoir obtenu la certification RAL de grade A, la marque de qualité indépendante et la seule norme mondiale pour les matériaux à changement de phase. Cette certification confirme une performance sans dégradation notable jusqu'à 10 000 cycles, soit l'équivalent de plus de 13 ans d'utilisation quotidienne à raison de deux cycles par jour d'application d'eau chaude.
Étant donné que la pile Thermino peut stocker plus d'énergie et à moindre coût qu'une pile au lithium, elle constitue un moyen plus économique et moins polluant de stocker l'énergie en dehors des périodes de pointe, comme celle produite par les éoliennes. De plus, ces batteries thermiques sont ininflammables et en fin de vie, chaque composant peut être réutilisé ou composté, selon Sunamp, qui s'est engagée à réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et à être neutre en carbone d'ici 2050.
« Le stockage de l'énergie est au cœur du fonctionnement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique pour lutter contre le changement climatique. L'économie mondiale consomme deux fois plus de chaleur que d'électricité, alors pourquoi le stockage de la chaleur n'est-il pas un sujet majeur? » demande Andrew Bissell.
Grâce à son échangeur de chaleur, la Thermino peut fournir à la pression du réseau 20 litres par minute d'eau qu'il aura réchauffée de 35 à 55 degrés Celsius. Mais selon le président de Sunamp, ses clients ne sont pas seulement enthousiasmés par le fait qu'ils peuvent remplir leur baignoire avec ce nouveau type de chauffe-eau sans réservoir. « Les gens apprécient particulièrement l'espace qu'ils gagnent et le fait que notre produit augmente la valeur de revente de leur propriété. À Shanghai, il est parfois suspendu à un faux plafond et peut aussi être installé sous un comptoir de cuisine ou un escalier. »