L’usine pilote d’ÉCO-Captation est la première au Québec autorisée par le ministre de l’Environnement pour recycler les résidus de polystyrène postconsommation.

Pour Gilles Venne, les quelque 18 500 tonnes de polystyrène (PS) dont les Québécois veulent se départir en cette année de pandémie ne sont pas des rebuts volumineux. Il y voit plutôt des matières précieuses que la jeune entreprise Éco-Captation est prête à recycler.

Depuis deux ans, cette entreprise des Basses-Laurentides récupère le PS chez plus de 200 clients commerciaux, industriels et institutionnels (CII) et dans les écocentres de plus de 50 municipalités. Ses clients comprennent Polystyvert qui le dissout avec une huile essentielle et Inject-Styrène Technologie qui isole les maisons. Ce plastique (identifié par son no 6) est par exemple recyclé en résine vierge, en additif à béton, en microbilles d’isolant ou en agrégat de mobilier urbain.

L’usine pilote d’ÉCO-Captation est la première au Québec autorisée par le ministre de l’Environnement pour recycler les résidus de PS postconsommation. Celui-ci vient notamment des emballages des produits que l’on achète sur Internet ou des retailles d’isolation, mais Gilles Venne a tous les produits contenant du PS dans sa mire.

Située à Prévost, l’usine a coûté environ 2,5 millions de dollars et 70 % de la matière qui y est traitée est acheminée à un client situé dans un rayon de 160 km. Comme elle dessert déjà plus de trois millions de Québécois (incluant les Montréalais et les Sherbrookois), le vice-président de l’entreprise affirme que son usine pourrait être rentable d’ici 2023 car la demande pour du PS recyclé excède l’offre. « En 2020, nous avons recyclé l’équivalent de deux ou trois terrains de football emplis de polystyrène sur dix pieds de haut. Les gens n’ont pas voyagé à cause de la COVID-19. Ils sont restés chez eux pour consommer », fait remarquer Gilles Venne.

Inject-Styrène : Ces micro-billes de polystyrène à 50 % recyclé ont permis d’isoler mon sous-sol en perçant des trous d’un pouce à travers le gypse.
© André Fauteux

Une solution payante

Lui et ses deux associés, Sylvain Gagnon et André Gagnon, opèrent un changement de paradigme. Jusqu’ici, l’industrie croyait qu’il était impossible de rentabiliser le recyclage du polystyrène parce qu’il est trop volumineux (il est fait d’air à 98 %).

« Personne ne veut transporter de l’air car on dit que cela coûte cher, souligne Gilles Venne. Mais en réalité, c’est tout le système de gestion des matières résiduelles qui est désuet car il est géré à la tonne. Nous avons développé un système de facturation basé sur le volume récupéré et sur le traitement exclusif et spécialisé selon le type de polystyrène. Le poids n’a plus d’influence sur la rentabilité. »

Leur concept d’écocaptation répond aux besoins du marché, notamment en traçant la matière du générateur jusqu’au produit fini et en classifiant les cinq types de polystyrène grâce à la première application de l’intelligence artificielle dans la gestion des matières résiduelles au Québec. Ce qui fait le bonheur de ses clients qui n’ont plus à payer pour l’enfouissement du PS. « Pour nous la récupération du polystyrène est importante puisque cette matière serait récupérable et réutilisable sans fin, explique Marc Forget, directeur général et secrétaire-trésorier de la Régie intermunicipale des déchets de la Rouge (RIDR), organisme qui dessert 25 municipalités des Hautes-Laurentides. Comme une tonne de PS prend autant d’espace que 34 tonnes de matières compactées, sa récupération, qui peut sembler chère à près de 2600 $/tonne, revient 34 fois moins cher ou 77 $ la tonne car elle prolonge la vie des sites d’enfouissement, confie M. Forget. « Ce coût est relativement inférieur au coût moyen pour enfouir des matières à notre site. Au final, autant du côté environnemental qu’économique, c’est un excellent choix à notre avis, et ce, sans compter l’impact de l’économie circulaire dans les Laurentides. »

En 2017, la MRC des Laurentides fut la première au Québec à permettre à ses citoyens et aux clients CII de déposer gratuitement du PS dans ses écocentres. « Le PS est une matière orpheline qui ne se compacte pas et qui à elle seule fait augmenter le nombre de services requis pour évacuer les déchets de la ville, observe Roxane Mailhot, spécialiste en gestion des matières résiduelles à la MRC. Nous avons récupéré et valorisé plus de 32,3 tonnes de polystyrène entre 2017 et 2020 inclusivement, ce qui a permis de détourner un équivalent de 970 tonnes de déchets compactés représentant environ 183 voyages. »  

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Groupe Gagnon a reçu 641  900 $ dans le cadre du Programme de soutien au développement des débouchés et d’innovations technologiques pour le traitement de matières résiduelles au Québec administré par RECYC-QUÉBEC, selon la relationniste de l'organisme gouvernemental, Brigitte Geoffroy qui nous a transmis les précisions suivantes.

Taux de récupération du polystyrène : www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/fiche-polystyrene.pdf

Ces taux concernent ce qui est mis en bord de rue des résidences uniquement (n’inclut pas le PS récupéré en écocentre). Certaines entreprises/détaillants font affaires avec des récupérateurs/recycleurs directement pour cette matière (ex. Groupe Gagnon, etc.).

Les matières acceptées ou non dans la collecte sélective sont déterminées par les centres de tri ou par les municipalités à même leurs appels d’offres. Si la majorité des centres de tri ne l’acceptent pas, c’est principalement parce qu’ils n’ont pas de débouchés pour cette matière ou que les coûts pour le traiter sont trop élevés. Les taux de récupération de cette matière dans la collecte sélective sont par conséquent, faibles.

Une liste de recycleurs et de conditionneurs se trouve à la fin de cette fiche sur le plastique #6

www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/fiche-polystyrene.pdf