Homme aux multiples formations (droit, administration, travail social et études asiatiques), Daniel Bellerose a finalement écouté son cœur et choisi sa passion. Oeuvrant dans la vente du bois et l'ébénisterie depuis une décennie, il fonde en 2010 l'entreprise Arbres et Bois, spécialisée dans le service-conseil et l'entretien du bois d'extérieur. Dès 2012, il devient le premier Québécois à offrir du bois traité selon une méthode ancestrale japonaise qu'il avait connue à l'université, le shou-sugi-ban. Celle-ci consiste à brûler le bois en surface puis à le nettoyer à l'eau. Il en résulte un produit non salissant et sans odeur baptisé Yakisugi — cèdre (sugi) brûlé (yaki) en japonais — qui devient ainsi plus résistant au feu, aux ultraviolets (UV), aux insectes et aux moisissures. S'il est traité selon les règles de l'art, sa durée de vie excédera les 80 ans, selon Daniel Bellerose.
Étude de marché et tests à la torche sur diverses essences de bois le convaincront de se spécialiser en Yakisugi début 2015, après avoir passé plusieurs semaines au Japon dont deux à Tokyo chez un maître japonais : l'architecte Goshi Shirakawa lui enseigne les secrets du métier, redevenant populaire au Japon après être tombée aux oubliettes. « J'ai vu comment ça vieillissait, c'est important car si le bois n'est plus beau après dix ans, il perd son intérêt. Le plus vieux projet sur lequel je suis tombé au Japon avait 75 ans. C'était une clôture sur du béton. Le premier pied des poteaux était érodé par la pluie. Quant au reste, on aurait juré qu'il avait été brûlé la semaine d'avant. C'était assez impressionnant ! »
M. Bellerose affirme qu'il peine aujourd'hui à suffire à la demande, d'autant plus qu'il y a peu de bois abordable en Europe, où il exporte déjà. « Quatre-vingt-cinq pour cent de nos commandes viennent de bureaux d'architectes ou de projets LEED. Notre clientèle est plus jeune et sensible aux questions environnementales. Je préfère que la consommation de bois revienne dans nos mœurs. Il faut passer à autre chose que la tôle! » Le Yakisugi est un produit très écologique, fait-il remarquer, car fabriqué avec un bois local et non menacé, et c'est un produit « renouvelable, biodégradable, durable et ne nécessitant aucune utilisation de teinture ou autre agent chimique ».
Huile naturelle cristallisée
Son produit phare, l'Atacama (nom d'un fameux désert aride du Chili), est brûlé de façon intense pendant plus d'une minute dans un convoyeur-brûleur. « Cela contribue à modifier la matière ligneuse du bois, à cristalliser l'huile naturelle qu'il contient et à former une couche de carbone en surface qui joue le rôle de super teinture contre les UV », explique le spécialiste. Nous garantissons les revêtements extérieurs ainsi conçus 60 ans contre la putréfaction. Le bois brûlé est aussi offert dans une teinte brun foncé, le Yaki-aamondo (amande grillée en japonais). Elle implique un brossage à la main des planches une fois le processus de carbonisation complété. Certains finis, destinés à un usage intérieur, doivent être faits à la torche. Les planches sont alors assemblées en panneaux afin de ne pas brûler le bouvetage (les rainures « mâles » et les languettes « femelles »).
Certains clients préfèrent huiler le Yakisugi afin qu'il conserve toujours le même aspect noir charbon. « S'il n'est pas huilé, après 10 ou 12 ans au sud il tend à prendre des reflets gris-bleu, comme un flaque d'essence sur de l'eau, car le soleil fait sortir l'huile naturelle du bois. Les architectes le demandent ainsi car les gens aiment souvent cet aspect vieilli. Si on préfère qu'il demeure complètement noir, on applique une huile — d'abrasin, de lin, etc. — aux huit à douze ans sur des murs ou aux deux ou trois ans sur un plancher de terrasse. C'est rapide et pas cher. C'est une technique scandinave : les Japonais, puristes, ne mettent pas d'huile. »
Pour une maison, le Yakisugi revient à 5,50 $ le pied carré en moyenne, explique Daniel. « Mais notre bois a 3/4 de po d'épaisseur au lieu de 5/8 po dans le cas du cèdre rouge. Ce huitième de po de plus est important car le mâle est plus épais, c'est plus simple d'installation. Le cèdre naturel est moins cher, mais si le client paie pour la finition, il ne sera pas loin de notre prix, et après le second traitement dix ans plus tard, le cèdre teint revient déjà plus cher. Sur 30 ans, les gens dépensent une jolie somme à entretenir leur bois... » En effet, et selon ce spécialiste de l'entretien de terrasse, c'est souvent parce qu'ils sont mal conseillés. « J'ai une cliente qui s'est fait dire que l'ipé était sans entretien. En fait c'est le pire bois car il grisonne après trois mois. Elle dépense jusqu'à 7 000 $ chaque année à faire sabler et teindre sa terrasse et sa clôture ! »
Daniel Bellerose fait fureur dans les salons de l'habitation. Après avoir répondu à la même question mille fois, le bachelier en droit a compris que les gens ne prennent pas toujours sa parole d'un juriste-vendeur. Il les attend donc de pied ferme... sans brique ni fanal. « J'essuie un échantillon sur ma chemise blanche en disant : ''Voyez, ça ne tache pas et ça ne sent pas le brûlé !'' »
Pour en savoir davantage, téléchargez ici cet article publié dans le magazine Surface.