Extrait du livre Les baromètres humains, du biométéorologue Gilles Brien, paru aux éditions Quebecor en 2011.

 Gilles Brien
Gilles Brien

Même si les résultats sont souvent inconsistants d’une étude à l’autre, des centaines de recherches démontrent que beaucoup de maladies comme l’arthrite rhumatoïde, l’ostéo-arthrite, la fibromyalgie, la goutte ou encore les douleurs causées par les membres fantômes chez les personnes amputées s’intensifient avec le mauvais temps. Pendant la guerre de Sécession aux États-Unis (1861-1865), les chirurgiens qui amputaient sur le champ de bataille étaient nombreux à rapporter les témoignages de soldats qui se plaignaient de douleurs fantômes quand les conditions du temps changeaient de façon brusque. Un premier article médical sur le sujet est publié en 1877 dans le prestigieux American Journal of the Medical Sciences. Dans son papier intitulé The Relation of Pain to Weather, un médecin de Philadelphie raconte son expérience auprès de vétérans de la guerre civile qui réagissaient aux variations de la météo comme un baromètre avant la pluie. Si les médecins ne savaient pas quelle signification donner à ces histoires insolites, le peuple, lui, y voyait une source de dictons pleins de vérité.

Les gens qui gardent de vieilles cicatrices ou qui ont subi des opérations chirurgicales rapportent souvent une envie furieuse de se gratter avant un changement rapide des conditions météorologiques. Ces tiraillements de la peau sont réels et s’expliquent surtout par la densité variable du corps humain. Le cerveau, par exemple, contient plus d’eau que tout autre organe. Sa densité ne sera pas la même que les os de la boîte crânienne. Il y a des cavités isolées dans le corps, des fluides dans les membranes, des tissus fibreux. Les tendons, les os et les organes n’ont pas la même densité non plus. Ces différences entraînent des taux de dilation variables d’une partie du corps à l’autre. Une cicatrice est faite de nouveaux tissus sanguins qui se forment au cours du processus de guérison. La densité de ces tissus est différente de celle de la peau plus ancienne autour de la cicatrice. Quand la température et l’humidité changent rapidement, les tissus de la peau réagissent en conséquence. Ils s’étendent ou se rétractent à des taux différents, ce qui entraîne parfois une sensation désagréable de démangeaison.

Les personnes sensibles aux variations de pression, de température, d’humidité ou d’ensoleillement sont nombreuses. En 1981, au Canada, un sondage effectué par Environnement Canada révélait que l’état de santé de 61 % de la population était directement affecté par la météo. Les derniers sondages montrent que cette proportion se situe aujour­d’hui à plus de 80 %. En Europe, dans des pays comme l’Allemagne, 88 % de la population se dit être affectée physiquement ou mentalement par les conditions météorologiques. Par ailleurs, 46 millions d’Américains souf­frent d’arthrite et de maladies articulatoires chroniques. Selon un sondage mené en 2012 par la Société américaine d’arthrite, les deux tiers de ses membres affirment que la météo a des incidences sur leur santé. Cela est particulièrement vrai pour les personnes atteintes d’arthrite inflammatoire, de polyarthrite rhumatoïde ou de rhumatismes.

Tableau 3
Les 10 symptômes de la personne météo-sensible (par ordre d’importance)

  1. Fatigue
  2. Mauvaise humeur
  3. Manque d’enthousiasme pour le travail
  4. Maux de tête
  5. Sommeil agité
  6. Perte de concentration
  7. Nervosité
  8. Douleur aux articulations/blessures
  9. Mémoire perturbée
  10. Tendance à commettre des erreurs

 

Pourquoi tout le monde n’est pas égal sous le soleil ?

Les différences de température n’affectent pas tout le monde de la même manière, car tout le monde n’a pas le même physique. Un nouveau-né s’accommode d’une chaleur qui ferait suer n’importe quel athlète. Si vous êtes en surpoids, vous allez mieux supporter le froid que votre voisin qui est un grand maigre. Mais en été, votre voisin se plaindra moins de la chaleur que vous. Votre voisin a plus de surface de peau en proportion de sa masse, et donc plus de capacité à suer. Son corps dissipera mieux la chaleur que le vôtre. Si vous êtes une femme, vous avez une meilleure capacité à vous refroidir et vous transpirez moins qu’un homme. Les femmes sont généralement plus petites et moins massives que les hommes. Leur ratio de surface cutanée par rapport à leur poids est différent. L’échange thermique avec l’air est maximisé chez la femme. C’est l’une des raisons pour lesquelles les femmes supportent généralement mieux le froid que les hommes.

Au fil des générations, pour faire face aux extrêmes de température, tous les peuples ont développé des particularités physiologiques. Les habitants des régions équatoriales, par exemple, possèdent plus de glandes sudoripares que les peuples des régions polaires. La transpiration est le meilleur moyen pour un organisme à sang chaud de se débarrasser de sa chaleur. C’est dans la paume des mains, sur la plante des pieds et sur le front que les glandes sudoripares sont les plus nombreuses. Sur le front, on en compte plus de 370 par cm2. C’est par ces endroits du corps que vous perdez le plus de chaleur par transpiration. Voilà pourquoi votre maman vous touchait le front pour savoir si vous étiez vraiment malade. La présence de transpiration à cet endroit du corps signifie que l’organisme surchauffe. Quand c’est le cas, la migraine n’est jamais loin.

Les migraines et la météo

Une personne sur cinq a des migraines assez sévères pour porter atteinte à son travail, à ses études ou à son sommeil. Au Canada, trois millions de personnes souffrent de migraines de façon régulière. Dans un sondage effectué en 2013 par la National Headache Foundation aux États-­Unis, trois patients migraineux sur quatre affirment que leurs maux de tête sont déclenchés par les conditions météo. Les variations brusques d’humidité, de température, le temps chaud et humide, les orages et les vents forts semblent être les pires détonateurs. Superstitions ou sagesse populaire ? Qu’en est-il réellement ?

L’une des premières études sur le sujet est canadienne et remonte à 1981. Le climatologiste en chef d’Environnement Canada, David Phillips, a étudié la question. Ses conclusions convergent avec celles de la plupart des études faites sur le sujet ailleurs dans le monde. Les migraines sont à la hausse quand la pression barométrique varie beaucoup, et que les températures et l’humidité grimpent après l’arrivée d’une masse d’air chaud.

Avoir un mal de tête est une chose tout à fait normale dans la vie. Les migraines, pour leur part, constituent des conditions médicales sérieuses qui nécessitent des soins immédiats. Les spécialistes sont encore en train de percer les mystères de la migraine. Au départ, les migraines sont causées par la vasoconstriction des artères du cortex, qui entraînent la vasodilatation des artères des méninges et du scalp. Ensuite, les avis divergent quant à ce qui se produit. Ce que l’on sait, c’est que les baisses de pression barométrique provoquent une rétention d’eau, un gonflement des tissus et une hausse de pression dans le cerveau. Les masses d’air chaud, pour leur part, dégradent généralement la qualité de l’air. L’air chaud est moins revitalisant que l’air froid car il contient moins d’oxygène. Quand le cerveau détecte un bas niveau d’oxygène dans le sang, il donne l’ordre d’élargir les vaisseaux sanguins pour en capter davantage. Cette dilatation exerce une pression supplémentaire sur certaines parties du cerveau et contribue grandement aux migraines et aux maux de tête.

Selon la théorie de l’évolution, les maux de tête et les migraines seraient un mécanisme de protection contre la chaleur. Le but est d’amener l’individu à chercher immédiatement un environnement plus frais. Le fait que les migraines augmentent avec les vagues de chaleur en été donne du crédit à cette théorie. Les personnes qui souffrent de maux de tête fréquents sont souvent des gens très météo-sensibles. Certains sont de bons météorologues maison.