Biscuits aux brisures de chocolat. © Rdsmith4 Wikimedia Commons
Biscuits aux brisures de chocolat. © Rdsmith4 Wikimedia Commons

Source : Franchement santé, http://www.jydionne.com/

Autant je suis un partisan, ardent défenseur de la science comme méthode pour appréhender et comprendre le monde, autant je suis un critique féroce d’un certain usage de cette science. Je considère que trop peu d’efforts et de budgets sont alloués à la recherche sur les causes réelles des maladies. Les efforts et les budgets se concentrent là où le profit est plus probable, c’est-à-dire la gestion des maladies (tests de dépistage, médicaments, chirurgies, etc.).

Prenons le débat sur le sucre et l’hyperactivité dont j'ai traité le 17 juillet dernier et qui a suscité beaucoup de commentaires. D’un côté, nous avons des études qui tendent à montrer que le sucre n’influence pas le comportement des enfants. Et effectivement, la majorité des études ne montre pas d’effet stimulant.

De l’autre côté, des parents et des experts affirment que, oui, le sucre affecte le comportement. La consommation de néfaste food riche en sucre est associée à un comportement de type hyperactif et certaines autres études le prouvent.

Ces deux clans s’opposent à coup d’études. Mais qui a raison? Comment expliquer que ces opinions diamétralement opposées trouvent toutes deux des défenseurs convaincus?

Follow the money

Cet adage bien connu nous enjoint de garder un esprit critique et de poser la question fondamentale: À qui bénéficie une étude? Évidemment, les anti-conspirationnistes nous diront qu’il est trop facile de voir un complot partout, qu’il faut d’abord prouver ce qu’on avance… Ah, ha! Voilà :

Les journalistes du magazine Mother Jones ont fait un travail admirable, dont j’ai déjà parlé dans L’arrière-goût du sucre, le 7 décembre 2012. Il y est question du dossier complet qu’une dentiste, Cristin Kearns Couzens, et un chercheur, Gary Taubes, ont publié et qui met en lumière les machinations de cette industrie pour empêcher que quiconque fasse un lien entre la consommation de sucre et ses méfaits. Je dois d’ailleurs confesser que, moi le premier, même étant convaincu du lien entre la consommation de sucre et le diabète, j’ai longtemps éviter de le mentionner de peur de me faire rabrouer et discréditer. J’ai bien changé… :-)

L'industrie du sucre en rajoute

Dans son article How the Sweetner Industry Sugar-Coats Science publié par Mother Jones du 25 juin 2014, la journaliste Gabrielle Canon rapporte les sommes versées par des compagnies de néfaste food comme contributions politiques à la sénatrice américaine Blanche Lincoln, présidente du Comité sénatorial sur l’agriculture, la nutrition et la foresterie. Ainsi en 2014, Coca Cola a versé, seulement pour cette sénatrice, plus de 16 000$, Pepsi 14 000$, etc.

En 2010, General Mills (les céréales sucrées) a dépensé en contributions au même comité 62 850$. Les dépenses en efforts de lobby de cette même compagnie auprès du gouvernement américain, entre 2007 et 2013, totalisent 7 389 300$. (Vous avez bien lu plus de 7 millions).(1) Une commission Charbonneau, avec ça?

La quantité de sucre a augmenté de façon alarmante dans l’alimentation. Par exemple, dans mon billet du 16 décembre 2011 : Un Jos Louis* pour déjeuner?, je vous faisais part des travaux du Environmental Working Group (EWG) qui montrait cette augmentation démesurée de sucre dans les céréales pour déjeuner. Depuis, la situation ne s’est certes pas améliorée. Dans un autre article de Mother Jones paru le 15 mai 2014, sous la plume de Dana Liebelson, on apprend qu’une portion de certaines céréales à déjeuner peut contenir plus de sucre que 13 biscuits aux brisures de chocolat…

Le premier exemple donné, les fameux Rice Crispies qui, lorsque j’étais jeune, se targuaient de ne contenir que très peu de sucre, contiennent la même dose de sucre qu’un biscuit. Parmi les plus grands coupables, les Granolas de la compagnie Blanchard & Blanchard contiennent l’équivalent en sucre de 7,9 biscuits, et le grand gagnant, les Cocoa Frosted Flakes de Liebers… un époustouflant 13,6 biscuits!!!!! Si, comme moi, vous restreignez à 3 le nombre de biscuits que vos enfants peuvent manger au dessert (lorsqu’il y en a…), pensez-y avant de leur donner des céréales au déjeuner!

Pourquoi tant de sucre?

Les 2 raisons principales sont:

  1. le sucre est subventionné aux États-Unis, donc il est très peu couteux pour les entreprises, et surtout,
  2. le sucre est un peu comme une drogue: plus on en mange, plus on a le gout d’en manger. L’ajout de sucre dans les aliments industriels est donc pratiquement garant d’une augmentation de leur consommation.

Finalement, à choisir entre une certaine science qui tend à montrer que le sucre n’affecte pas le comportement (ou plutôt ne semble pas prouver que le sucre l’affecte) et des parents et éducateurs qui affirment le contraire, j’ai tendance à choisir les témoins oculaires. S’il y a une chose que m’a appris mon expérience (je sais, ça fait vieux), c’est qu’il faut croire le patient. Quand les tests sont négatifs, ce n’est pas que le patient n’est pas malade, mais plutôt que les tests n’ont pas trouvé ce qui cause le malaise.

Santé!

P.S. Si vous croyez que l’ajout de sucre se limite aux aliments pour enfants, allez voir l’article de Bill Zacharkiw How Much Sugar is in your Wine, publié le 21 juin dernier dans le quotidien montréalais The Gazette. Certains vins contiennent du sucre rajouté! Il semble bien que chez les adultes aussi, plus c’est sucré, plus on a le gout d’en consommer.