Nicole Bernard vit sans ordinateur ni cellulaire depuis toujours et elle a plusieurs amis et clients électrosensibles souffrant du rayonnement sans-fil omniprésent dans l’espace public. « Ça me fait plaisir de leur offrir un lieu paisible où ils seront bien », dit la nouvelle propriétaire du populaire café Tintoretto, à Sutton, désormais café sans Wi-Fi. 

À l’entrée de son entreprise, une affiche indique que l’on doit éteindre ou activer son cellulaire en mode Avion afin de stopper les émissions de radiofréquences/micro-ondes. De plus, le mode de paiement électronique, exigé des restaurateurs par le gouvernement du Québec, est filaire (par câble Ethernet). « C’est une façon de vivre », ajoute Nicole qui fut copropriétaire du magasin suttonnais Au Naturel.  

Encore rares, de telles « zones blanches », libres de rayonnement sans-fil, sont de plus en plus en demande. Ceci alors que la prévalence de l’électrohypersensibilité (EHS) augmente avec les millions d’antennes et appareils de télécommunication sans fil qui apparaissent chaque année. Selon une analyse de sondages¹ sur cette question publiée dans la revue Journal of Environment and Health Science, en janvier 2019, entre 5 et 30 % de la population générale est légèrement intolérante aux ondes, alors que la prévalence se situe entre 1,5 et 5,0 % pour les cas modérés d’EHS et sous 1,5 % pour les cas graves.

En France, dès 2015, l’EHS a été reconnue comme un handicap par le Tribunal de l’incapacité de Toulouseet, en 2018, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles la considéra comme pouvant résulter d’un accident du travail3. En 2015 également, la France adoptait une loi4 interdisant notamment le Wi-Fi dans les garderies et limitant son usage au primaire. Enfin, le 17 septembre 2024, sept députés déposaient, à l’Assemblée nationale française, une proposition de loi5 visant à reconnaître l’électrohypersensibilité (sic) comme une maladie invalidante, à l'instar d'un projet de loi du New Hamsphire6.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ce syndrome, caractérisé par des symptômes multisystémiques (neurologiques, immunitaires, cardiaques, etc.) souvent invalidants, est réel, mais rien ne prouverait qu’il serait causé par l’exposition aux champs électromagnétiques (CEM) émis par les appareils électriques filaires ou sans-fil. Or, les études sur lesquelles se fonde l’OMS sont contredites par plusieurs autres études démontrant que ces symptômes n’apparaissent pas automatiquement au moment de l’exposition. C’est ce qu’affirment les critiques comme le physicien montréalais Paul Héroux, vice-président de la Commission internationale sur les effets biologiques des champs électromagnétiques.7 

En fait, 95 % des 237 études publiées depuis 1990 sur les faibles expositions des CEM de radiofréquences ont détecté des effets néfastes, selon le Dr Henry Lai, lequel a colligé plus de 2 500 études sur les impacts des CEM8. Professeur émérite de bio-ingénierie à l’Université de Washington et éditeur, non moins émérite, de la revue médicale Electromagnetic Biology and Medicine, ce docteur en psychologie fut longtemps chercheur en pharmacologie.  

Depuis 2016, pas moins de sept revues systématiques de la littérature révisée par des pairs confirment que l’utilisation régulière du téléphone cellulaire augmente le risque de tumeur cérébrale à long terme, ce qui contredit les résultats d’études récentes commandées par l’OMS. De récentes analyses commandées par l’OMS qui concluaient le contraire étaient « biaisées et trompeuses » et réalisées par des chercheurs n’ayant jamais eux-mêmes réalisé des recherches sur les effets biologiques des ondes, dénonçait le 11 septembre dernier le docteur en radiobiologie Oleg A. Grigoriev,iev, président du Comité national russe pour la protection contre les rayonnements non ionisants.9 

L’OMS, ainsi que les limites internationales d’exposition aux radiofréquences, ne reconnaissent que les risques thermiques de l’exposition aux ondes cellulaires à court terme. Elles font fi des milliers d’études sur les effets non thermiques à long terme. Par exemple, l’exposition régulière à ce rayonnement augmente le risque de maladies cardiovasculaires en causant des problèmes de sommeil, une détresse psychologique et le névrotisme, selon un article paru le 4 septembre dans le Canadian Journal of Cardiology10. De plus, les hommes portant leur cellulaire allumé pendant 30 000 heures dans une poche du côté gauche multiplient par douze leur risque de développer un cancer du côlon du même côté, selon une étude américaine récente11.

Autant de preuves qui pourraient alimenter une action collective contre Apple et Samsung autorisée par la Cour supérieure du Québec en 2022 et confirmée, ce 18 septembre, par la Cour d’Appel12. La plaignante, Tracey Arial, allègue que ces fabricants mettent leurs clients en danger en ne leur conseillant pas de tenir leur téléphone jusqu’à 1,5 cm de leur tête, distance à laquelle sont effectués les tests en laboratoire visant à éviter l’échauffement des tissus.  

  1. The Prevalence of People With Restricted Access to Work in Man-Made Electromagnetic Environments
  2. ladepeche.fr
  3. lemonde.fr
  4. gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030212642
  5. assemblee-nationale.fr
  6. https://ehtrust.org/new-hampshire-proposes-bipartisan-bill-on-health-effects-of-5g-technology/
  7. icbe-emf.org/resources
  8. saferemer.com/2024/09/biased-who-commissioned-review-claims.html
  9. Regular Mobile Phone Use and Incident Cardiovascular Diseases: Mediating Effects of Sleep Patterns, Psychological Distress, and Neuroticism
  10. Is Cellphone Carrying Below the Waist (Exposure to Non-Ionizing Radiation) Contributing to the Rapid Rise in Early-Onset Colorectal cancer?
  11. Phonegate : la Cour d'appel autorise une action collective contre Apple et Samsung