Fondateur de l'École de la Terre, l'auteur est physicien, géobiologue et baubiologue
Extrait du livre : La géograhie sacrée en Nouvelle-France, par Benoit Tramblay : https://livres.ecoledelaterre.com/livre_geoqc.html
Les fondateurs ont bâti les villes principales de la Nouvelle-France (Montréal, Trois-Rivières et Québec) suivant les traditions romaines en tenant compte de l’axis mundi (axe sacré) et des axes solaires, en accord avec leur date de fondation. Il existe en outre des alignements entre les bâtiments qui impliquent des formes géométriques sacrées et des positionnements potentiels en résonance avec certaines constellations. N’oublions pas que les fondateurs de la Nouvelle-France étaient des marins, les étoiles étaient leurs guides.
La géographie sacrée tient compte du temps et des positions zodiacales ; l’astrologie a en effet aussi son mot à dire dans la recherche du sacré que présente la disposition des villes. L’astrologie a un impact sur les alignements des cités, car elle permet de lier ces alignements avec des fêtes religieuses bien précises, créant ainsi une temporalité sacrée, mais aussi la mise en relation du microcosme avec le macrocosme. Lors des études astrologiques des cités, les deux approches, sidérale et tropicale, seront considérées.
Selon Les Lois de Platon (745), « la cité est réglée par sa relation à l’univers qui en sanctifie les parties[1] ».
Définition de la géographie sacrée
Les Anciens ont toujours voulu lier la Terre et le cosmos afin d’établir une cohérence et une harmonie entre le monde spirituel et terrestre sur le principe de ce qui est haut correspond à ce qui est en bas. Une projection des principes cosmiques sur terre permet de relier l’homme aux origines célestes.
Cette liaison se fait notamment via les alignements des menhirs, des églises romanes ou encore des cathédrales gothiques, dont la position et l’orientation sont déterminées par les constellations, les axes solsticiaux ou des formes géométriques sacrées. Les alignements qui en résultent peuvent être retrouvés entre autres dans les anciennes traditions religieuses d’Amérique du Sud, d’Inde, d’ancienne Égypte. Dans la tradition de l’ancienne Égypte, le pharaon esquissait l’orientation des fondations de bâtiments la nuit afin que ceux-ci se trouvent alignés d’une façon précise avec la Grande Ourse.
En plus de respecter les axes cosmiques, les sites religieux et spirituels sont disposés de manière que les distances qui les séparent respectent des dimensions ou proportions symboliques qui relèvent du sacré. C’est que, pour les bâtisseurs, Dieu est un géomètre et les nombres sont une représentation du divin.
Les sites religieux et spirituels ont symboliquement un axis mundi [point de connexion entre le Ciel et la Terre] , qui peut les relier entre eux, mais qui sert surtout de point de départ pour le développement de la ville et unir la terre et le ciel, faisant de cette ville un temple sacré, dont les habitants ressentent la connexion divine.
L’axis mundi
L’axis mundi est issu d’anciennes traditions qui remontent à plusieurs millénaires, et elle possède plusieurs appellations : l’axe cosmique, le pilier du monde, le pilier cosmique, le rayon céleste, l’arbre du monde[2]. Son centre est le point vital de la planète, où réside toute la puissance vitale de la nature. L’axis mundi des sites sacrés est souvent relié à un courant tellurique majeur. Les grandes traditions le situent depuis le début des temps sur :
- Une montagne sacrée
- Un totem
- Un pilier
- Une église ou une cathédrale
L’axis mundi est le point de concentration de l’énergie reliant le monde d’en haut avec le monde d’en bas. Lors de la construction d’une cathédrale ou d’une église, le maître bâtisseur plantait un poteau d’une dimension spécifique sur un point particulier, le jour de la date d’anniversaire du saint auquel l’église était dédiée afin d’en déterminer l’orientation. Ce point est l’axe du monde, c’est le point sacré du bâtiment : le point où ont lieu les échanges cosmotelluriques les plus forts, là où la relation avec Dieu est la plus forte et par conséquent là où est situé l’autel. Le bâtisseur peut ensuite déterminer la forme du chœur, la position de l'abside et de la croisée du transept. Quand un bâtiment religieux servant d’axe cosmique est détruit, comme Notre-Dame-de-Paris qui a brûlé, je vous laisse imaginer le déséquilibre que cela peut créer au niveau de la cité, voire d’un pays si ce bâtiment est sur un point majeur.
Lorsque l’axis mundi est identifié, la cité peut se développer autour de ce centre spirituel. Les rues sont orientées d’après la position cardinale du lever du soleil au jour de la fondation de la ville, déterminant ainsi le decumanus maximus : axe est-ouest ; suivi du cardo maximus perpendiculaire au decumanus, donc l’axe nord-sud. Il s’agit d’une méthode ancestrale, héritée de la Rome antique. Dans l’architecture sacrée, l’axe vertical nord-sud est considéré comme un axe reliant la cité à l’ordre cosmique, alors que l’axe est-ouest forme le lien socioreligieux de la cité.
En établissant la géographie sacrée du Québec, il est clair que les cathédrales et les basiliques dédiées à la Vierge Marie dans les villes de Québec et de Montréal constituent les points centraux de celles-ci, et qu’elles ont servi de point de repère pour le développement et le positionnement des autres églises. En calculant le decumanus de Montréal, il est possible de constater que les arpenteurs de l’époque ont utilisé cette méthode ancestrale pour développer les premières colonies. Il est aussi possible de voir que le point de départ de la cité était bel et bien l’église.
Les grandes villes de la Nouvelle-France (Montréal, Trois-Rivières, Québec) ont tous suivi ce principe.
Exemple le cardo et decumanus de Ville-Marie (Montréal)
La date de fondation de Ville-Marie est le 16 mai 1642, le lever du soleil formait alors un angle de 61,59 avec le nord indiqué sur la carte. Le nord sur cette carte ne serait pas le nord géographique, mais probablement le nord céleste (étoile polaire).
« La rue Notre-Dame Est est l’une des plus vieilles de l’île de Montréal. Elle forme également un segment du Chemin du Roy, la toute première grande route carrossable en Nouvelle-France. Ouvert en 1737 le long de la rive nord du fleuve Saint-Laurent, ce chemin relie les villes de Montréal et de Québec. Sur l’île de Montréal, la rue Notre-Dame est d’abord aménagée au cœur de la vieille ville, puis prolongée jusqu’à l’extrémité est de l’île. Son histoire est à la fois urbaine et agricole puisqu’elle a longtemps été l’artère la plus importante de Montréal et l’axe de développement des côtes de l’est de l’île[3]. »
La rue Notre-Dame partait de la porte des Récollets (rue McGill) pour aller jusqu’à une butte située à l’est de la rue de Bonsecours. Une petite citadelle avait été construite sur cette butte afin de protéger la ville (à droite sur la photo ci-dessous).
Dans les différentes villes, les monuments qui se trouvent sur les axes decumanus et cardo ont pour rôle d’agir comme caisse de résonance avec les axes. Dans ce cas-ci la butte aurait sûrement joué ce rôle.
Le positionnement géographique
En identifiant, dans la ville, un axe cosmique par une basilique ou une cathédrale, les bâtisseurs ont créé un ordre cosmique, par l’axe vertical (le cardo), et un lien socioreligieux, par l’axe horizontal (le decumanus). Les cités sont ainsi connectées entre elles grâce à l’art royal, qui amène une harmonie et une proportion divine au sein de l’ensemble.
Par cet art royal, où toutes proportions et toutes formes sont en harmonie avec les lois de la nature, les bâtisseurs voulaient recréer sur terre l’ordre cosmique selon le principe que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Pour cela ils ont utilisé des formes sacrées comme le triangle, le pentagramme ou le double carré. Ces différentes formes possèdent au moins une proportion qui correspond avec le nombre d’or ou les paramètres géodésiques du lieu.
Exemples d’alignements suivant les formes géométriques sacrées
Sur l’île d’Orléans, en traçant une jonction entre les églises (trait en mauve), l’église de Saint-François constitue le sommet d’un triangle dont l’angle est de 36 degrés, angle géométrique du triangle sublime inscrit dans un pentagone. Pour constater qu’on a un pentagramme formé par les différentes églises, il suffisait de l’agrandir pour que puissent y être incluses les autres églises. La pointe du pentagramme à la hauteur de Saint-François reçoit l’énergie du courant tellurique provenant du fleuve Saint-Laurent.
Bibliographie et références
BALASSE Alain, Géographie sacrée des bâtisseurs, Cosmogonie, 2017, 95 pages
CROWHURST, Howard, La science des Anciens, Epistema, 2017, 104 pages
DREUE Johan, Axes majeurs et portails temporels, Lux in Arcana, 2019, 313 pages
GUÉNON René, symbole de la science sacrée, Gallimard, 1962, 437 pages
GUÉNON René, Formes traditionnelles et cycles cosmiques, Dervy, 2022, 142 pages
HANI-MARAI Danielle, Géographie & Architecture sacrées, Dervy, 2007, 560 pages
HUMPHREY Caroline, L’architecture sacrée, Sagesses du Mode, 1997, 184 pages
JOUVEN Georges, Les nombres cachés, Dervy, 1990, 258 pages
JOUVEN Georges, L’architecture sacrée, Dervy, 1986, 323 pages
PHARE Jean, Introduction à la géographie sacrée de Paris, du Borrego, 142 pages
PORNON, Henri, La géographie sacrée, EME, 2022, 307 pages
[1] Lemaître, Schwarz, Bordes et Negra, La symbolique de Paris, Huitième Jour, 2004, 154 pages
[2] Voir la page Wikipédia de l’axis mundi
[3] Chemin du Roy https://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=8817,99661585&_dad=portal&_schema=PORTAL