Chaqua année, au Forum économique mondial de Davos, les puissants de ce monde nous annoncent de soi-disant avancées pour la planète qui le sont parfois, mais perpétuent toujours le système économique qui les enrichit par l'exploitation des êtres vivants et la destruction de la nature.
Hier, une conférence sur la transparence du cerveau y promettait « d'améliorer nos vies » grâce à l'intelligence artificielle et l'internet des corps... On y montrait un scénario dystopique où les ondes cérébrales des employés ne sont pas seulement décodées pour déterminer leurs performances sur le lieu de travail, mais aussi pour déterminer s'ils ont participé à des activités illégales. Est-ce le futur dont vous rêvez? Je préfère demeurer travailleur autonome, merci!
Ce matin, mon frère Paul Fauteux, ancien directeur général du Bureau des changements climatiques d'Environnement Canada, me faisait suivre une meilleure nouvelle issue de Davos. Publiée dans le quotidien britannique The Guardian, elle traitait d'une étude sur les "super-points de basculement" qui pourraient déclencher une cascade d'actions climatiques bénéfiques. Selon un rapport signé par les consultants Systemiq et l'Université d'Exeter, « des interventions politiques relativement modestes en faveur des voitures électriques, des alternatives végétales à la viande et des engrais verts conduiraient à une croissance imparable dans ces secteurs ».
On y explique que les points de basculement se produisent lorsqu'une solution à zéro émission de carbone devient plus compétitive que l'option existante à forte émission de carbone. « Le point de basculement pour les véhicules électriques est très proche, les ventes s'envolant, selon le rapport. La fixation de dates dans le monde entier pour la fin des ventes de véhicules fonctionnant aux combustibles fossiles, comme la date de 2030 fixée pour les nouveaux véhicules par le Royaume-Uni et de 2035 en Chine, stimule la croissance. Cette montée en puissance signifie que les batteries utilisées deviendront moins chères et qu'elles pourront être déployées pour le stockage de l'énergie éolienne et solaire, ce qui accélérera encore la croissance des énergies renouvelables. Plus d'énergie verte signifie des factures d'électricité moins élevées, ce qui rend les pompes à chaleur encore plus rentables. »
Qu'en pense Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire de gestion de l'énergie à HEC Montréal?
« Ça reste des solutions technologiques. C’est bien, mais sans limites absolues ou taxes fortes pour contrer les effets rebonds, on n’y arrivera pas.
Le gouvernement du Québec glousse de joie de pouvoir dire qu’on a dépassé l’objectif de 2020, avec -26,6 % d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Comme vous le savez, c’est lié à la COVID, à la surallocations de droits d’émission en Californie et (moins connu) à la révision à la baisse des émissions de méthane des dépotoirs du Québec (2 millions de tonnes qui ont disparu après des recalculs).
Mais bon, je me réjouis un peu, il faut prendre là où ça se trouve! »
Et mon frère Paul de réagir, en demandant au professeur de nous instruire davantage :
« Réjouissons nous en effet un peu, c’est bien le moins qu’on puisse faire pour contrer la morosité ambiante. On a assez entendu parler des points de bascule vers la catastrophe climatique, il m’a paru intéressant que quelqu’un s’intéresse à la possibilité d'en provoquer dans l’autre sens.
Je suis évidemment d’accord que les solutions technologiques comme celles évoquées dans l’étude en question, bien que nécessaires, et même si elles étaient mises en oeuvre, ce qui reste pour le moment hypothétique, seront insuffisantes sans limites absolues ou (et?) taxes fortes. Je suis cependant curieux de savoir ce que tu as à l’esprit quand tu dis "pour contrer les effets rebonds.'' Aurais-tu stp l’amabilité de clarifier ce point? »
Explications de Pierre-Olivier Pineau :
« Les développements technologiques amènent une réduction de la consommation par usage mais les usages se multiplient. Ainsi, les frigos sont beaucoup plus performants maintenant qu’il y a 20 ans, mais on a 2 (ou 3) frigos par ménages. Même chose pour les véhicules électriques : ils gagnent en autonomie et sont plus abordables… mais si on n’y fait pas attention, tout le monde habitera à la campagne parce que le transport est carboneutre. Étalement urbain, infrastructures… cela ne permet pas d’atteindre la carboneutralité.
Ce sont des exemples d’effets rebond. Il faut impérativement des limites (zonages stricts pour les lieux où vivre), plafond de GES et incitatifs forts à la réutilisation et au recyclage (écofiscalité) pour vraiment réduire de manière absolue notre empreinte matérielle et énergétique (même électrique, parce qu’on ne peut pas produire à gogo). »
La balle est dans le camp des grands banquiers et politiques...