Par Donald et Geneviève Maltais
Il est triste de voir disparaitre sous les pics des démolisseurs des maisons qui auraient pu connaitre un autre sort… Cependant, rénover n’est pas si simple. Personne ne prétend que des maisons en mauvais état ne doivent jamais être démolies. Mais on peut certainement déplorer l’empressement systématique du recours au ‘‘Sacrez moi ça par terre! ’’ à l’image de nos sociétés du jeter après usage. Pourtant, on voit bien des passionnés qui réussissent à redonner vie à ces vieilles maisons. Mais sommes-nous conscients de l’effort qu’ils y ont consacré? Même si rénover est une manière de respecter le crédo du recyclage, Réduire, Réutiliser et Recycler, cela demeure un choix à contre-courant des idéologies de la rénovation instantanée et uniformisée.
Et quoi de mieux qu’un magazine qui prône les constructions saines, durables et de qualité, pour explorer si parfois il ne serait pas possible de rénover plutôt que de tout raser et recommencer. Pour rester pratiques, nous partageons ici notre expérience véritable de rénovation d’une authentique maison centenaire avec lequel nous pratiquons depuis trois ans ce que nous prêchons. Bienvenue dans une maison du 19e siècle rafraichie avec les méthodes du 21e siècle!
Seconde chance pour une centenaire en mal d’amour
En 2008, nous avons adopté une de ces mal aimées, sise à Saint-Tite-des-Caps, entre le mont Sainte-Anne et le Massif. Une malaimée dont le sort semblait incertain. C’est alors qu’on se surprend àrêver, à visualiser ce que ça pourrait devenir : une maison de campagne chaleureuse avec de belles grandes fenêtres pleines de lumière, une structure au cachet unique faite de poutres en bois massif, un paysage de montagne, un immense jardin et, pourquoi pas, une serre!
Nous avions heureusement la chance de connaître le type de construction auquel nous faisions face : vide sanitaire, pièce sur pièce, datant de 1902 avec un ajout arrière qui lui est plutôt typique des années cinquante. Tout d’abord, une bonne visite de la cave au grenier s’impose. La nôtre était dans un bien mauvais état, sans compter que même en étant bien averti, on ne peut voir au travers des murs où vous attendent, parfois bien pire que des fantômes….
On attaque!
Analyse des risques soigneusement faite, la décision prise, les papiers signés, nous entamerons, ce que nous appellerons un chemin de Compostelle de la rénovation. L’épreuve demandera à une famille (conjointe avec expérience en rénovation, fille et gendre designers industriels et un gendre montréalais dans la construction) de travailler comme des missionnaires dans une aventure ou la patience s’avère l’essentielle vertu. Bien sûr, ce genre de rénovation n’est pas gratuit. Rien que pour les matériaux, nous avons dû avancer plus de 60 % du coût d’acquisition de la maison. Et comme le travail est essentiellement du bénévolat, difficile de faire d’avance une évaluation précise. Il est cependant réaliste de compter investir normalement autant en main d’œuvre qu’en matériaux. Suivez le guide, des fondations en remontant jusqu’à la toiture.
Le mystère du solage
Le solage se présentait en deux parties : la première est une structure de pierres, peu profonde et formant un vide sanitaire, que nous avons ultérieurement pu dater de 1902; la partie arrière, en blocs de béton et de cinq pieds de profondeur, fut ajoutée à partir d’une cuisine d’été. Pas le choix, nous avons donc décidé de ‘‘ vivre avec ’’, souvent une approche incontournable en rénovation. Nous avons réparées les pierres de la partie plus ancienne avec du mortier et ajouté un soutien latéral en béton armé de 3 à 4 pouces (po) d’épais. Le béton fut brassé à la brouette pour mieux rendre physiquement solidaire l’ensemble par l’extérieur. L’ajout d’un drain français peu profond a par ailleurs permis de maintenir la structure plus au sec, la rendant moins sensible aux cycles gels/dégels.
Dans la cave, les poutres du plancher de la partie avant apparaissaient en bon état, sauf une que nous avons décidé de remplacer sur place. Pour améliorer la stabilité, nous avons remplacé les poteaux — plusieurs étaient pourris et à demi renversés — par une série de cages en pièces de 4 po x 4 po, provenant d’une clôture recyclée, comme on le fait souvent pour des maisons mobiles. Cette opération fut également l’occasion de niveler délicatement le plancher à l’aide de crics hydrauliques.
Habillez-moi cette maison
Répandu à partir des années vingt en raison de son faible coût, l’Insulbrick qui formait le revêtement externe, surnommé aux USA ‘‘ Ghetto Wrap ’’, était un genre de carton goudronné fini comme des bardeaux de toitures imprimés. Ce revêtement ballottait au vent et avait largement dépassé sa vie utile. Il était précédé d’un feutre goudronné, le pare air de l’époque, posé directement sur le revêtement intermédiaire en bois. Sur bien des maisons, ce feutre s’imbibait d’eau et ‘‘ respirait ’’ très peu : peu perméable à la vapeur, il accélérait la pourriture du bois. Chez nous, il était heureusement posé sur des ‘‘forenz ’’ (fourrures) permettant une certaine circulation d’air, ce qui a probablement sauvé la vie du bois sous-jacent.
Une première étape a consisté à solidifier les bas des murs en remplaçant quelques planches et en collant et en vissant une rangée de panneaux de copeaux orientés, que certains désignent de manière plus imagée ‘‘ vomi de castor ’’! Beaucoup moins cher que le bois massif, il offre pour une épaisseur minimale une structure plus stable et s’adapte bien aux formes un peu arrondies des vieux murs. Alors que les murs extérieurs du rez-de-chaussé étaient en pièces sur pièces de bois massif, à l’étage ils étaient revêtus de planches horizontales de largeur variable fixées sur des poutres verticales aux 4 pieds (pi) avec des clous carrés forgés. Nous avons solidifié ces planches en les vissant puis isolé la cavité murale (des poteaux de 4x4 po posés aux 4 pi) avec de la laine de roche Roxul, un isolant incombustible. Ainsi, nous avons pu conserver au maximum les matériaux existants et assuré leur longévité en utilisant des méthodes mieux adaptées ainsi que des matériaux durables.
Pour sceller l’extérieur, nous avons utilisé un pare-air/pluie de marque Tyvek qui diffuse la vapeur et une feuille de 1 pouce d’Isoclad, un revêtement isolant de polystyrène expansé à cellule ouverte fabriqué en Beauce. Le tout fut recouvert aux 18 pouces de fourrures prêtes à recevoir le revêtement final de Canexel, un aggloméré de bois imperméabilisé et préfini comportant une garantie de 25 ans. Avant de poser ce revêtement final, nous avions retravaillé les fenêtres en sablant la peinture jusqu’au au bois et en leur redonnant deux bonnes couches de teinture acrylique semi transparente. Pour des fins structurales et esthétiques, nous les avons encadrées de 2x6 en bois traité et teint, tout comme les quatre coins de la maison servant d’exosquelette en pièces pleines d’un bloc pour solidifier l’ensemble.
L’importance de la tuque !
La toiture en tôle était en assez bon état et ne nécessitait pas d’intervention à court terme. Les combles étaient on ne peut plus vides et en hiver la présence d’un énorme glaçon de plus de deux mètres sur le rebord du toit témoignait avec éloquence de l’absence d’isolation. Là aussi, deux couches de 3,5 pouces déposées à contresens de laine de roche à l’endroit où monte la chaleur a complètement renversé la vapeur : fini les glaçons en hiver, en plus d’être un baume sur la facture d’électricité!
De charmantes béquilles
Les anciennes maisons étaient souvent munies de galeries autour de la structure. Souvent, une telle galerie ajoute en prime un continuum visuel agréable à l’ensemble. Nous avons profité également des poutres de la galerie enfouies et bétonnées : elles ont servi d’appuis externes pour contrer le penchant de la galerie, devenu naturel au fils des années.
Tout au long des travaux, il a fallu souvent déplacer le filage, une opération délicate que nous avons effectué avec un électricien qualifié comme la loi l’oblige. La tuyauterie en cuivre, avec soudures multiples au plomb et qui a gelé dès notre premier hiver, a été remplacée au complet par des tuyaux souples en polybutylène lors de la réfection de la salle de bain.
Les rénos se poursuivent
Ce texte se termine ici, mais pas nos rénovations débutées en 2008 et qui ont jusqu’ici coûté un peu plus de 25 000 $, excluant les honoraires du plombier et de l’électricien. Malgré quelques cheveux blancs en plus, nous n’avons pour autant pas déposé la perceuse. Un sage a déjà dit : « Ce n’est pas juste l’arrivée qui compte mais bien le parcours….» Fiers du résultat atteint jusqu’ici, nous anticipons avec joie le jour où nous bercerons nos enfants et nos petits enfants sur la charmante galerie de notre maison centenaire, en regardant voler gracieusement deux splendides aigles à tête blanche qui nous visitent régulièrement. Ou entre deux visites au jardin ou encore à la serre projetée dont nous rêvons toujours…
Donald Maltais est l’ancien responsable des énergies alternatives au ministère des Ressources naturelles du Québec. Sa fille Geneviève est chargé de projet en design industriel. Ils préfèrent se servir de ce que la nature leur offre plutôt que de chercher à réinventer la roue.