Par la Fondation David Suzuki
En plus d'altérer le climat, le rôle prépondérant que nous accordons encore aux combustibles fossiles comme source d'énergie affecte de plus en plus la santé de milliers de Canadiens et pèse déjà lourdement sur le coût des soins de santé. De la combustion de ces matières, se dégagent en effet de nombreux polluants, notamment le monoxyde de carbone, les oxydes d'azote, l'ozone, l'anhydride sulfureux, des composés organiques volatils et de fines particules en suspension. Les études scientifiques démontrent que ces polluants, qui se répandent dans l'atmosphère, engendrent, surtout quand ils sont regroupés, tout un éventail de problèmes de santé, dont la diminution des fonctions pulmonaires, l'essoufflement et les crises d'asthme, trop souvent responsables d'une mortalité précoce.
Cette pollution ne fera vraisemblablement que s'aggraver à mesure que l'atmosphère de la Planète se réchauffera sous l'effet de moins en moins tamisé des rayons ultraviolets, dont le pouvoir photochimique contribue à l'augmentation des polluants au niveau du sol. Autrement dit, des périodes de chaleur plus fréquentes par suite de changements climatiques entraîneront des épisodes de smog plus fréquents et plus graves.
Des études épidémiologiques démontrent un rapport entre la présence de tel ou tel polluant atmosphérique et la hausse spécifique des maladies respiratoires, des hospitalisations conséquentes et des décès précoces. On relève ainsi une corrélation statistiquement significative entre les hospitalisations pour problèmes respiratoires graves et l'augmentation du nombre de particules en suspension dans l'air, ou encore entre le taux de monoxyde de carbone et les hospitalisations de personnes âgées pour insuffisance cardiaque congestive.
Les effets des oxydes d'azote, de l'ozone, de l'anhydride sulfureux et d'autres polluants ont également fait l'objet d'analyses qui ont permis de découvrir des rapports étroits entre les niveaux de pollution relevés dans des régions à forte densité de population et leurs effets néfastes sur la santé.
Fait peut-être encore plus important, les recherches ont démontré que la plupart des polluants atmosphériques n'ont aucun "seuil" de toxicité. Autrement dit, même si les gouvernements mettent en ouvre des normes "souhaitables", aucun niveau de pollution n'est "sans danger". Maints polluants, l'ozone notamment, nuisent à la santé dès que leur niveau en permet la détection.
<8 % des morts non violentes
De surcroît, on soupçonne fortement que les effets cumulatifs de ces polluants pourraient être encore plus dangereux qu'une exposition à court terme à de hauts niveaux de pollution, dont nous connaissons déjà la toxicité. Au Canada, on a évalué que huit pour cent des morts non violentes, soit environ 16 000 par an, sont imputables à la pollution de l'air, les personnes les plus vulnérables étant les enfants, les personnes âgées et les individus qui souffrent d'asthme.
À l'échelle mondiale, on estime que, d'ici 2020, il serait possible de prévenir annuellement 700 000 décès précoces dus à l'exposition aux particules, grâce à la mise en place de politiques modérées de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Selon un rapport de la Banque mondiale, daté de 1997, à moins d'un déclin de la consommation des combustibles fossiles, en Chine seulement les frais de santé liés à ce problème passeront de 32 milliards à 390 milliards de dollars en 2020, soit le "prix" de 600 000 décès précoces, 5,5 millions de cas de bronchite chronique, 20 millions de cas de maladies respiratoires aiguës par an et 5 milliards de journées de travail réduites ou perdues.
Conclusion
Si le Canada désire vraiment diminuer la menace des changements climatiques, contrer l'émission de polluants et de gaz à effet de serre et surtout leurs effets actuels sur la santé, il importe de passer à l'action dès maintenant ! Il sera cependant impossible d'obtenir des résultats significatifs sans réduire l'utilisation des combustibles fossiles et les remplacer par des sources d'énergie plus propres.
Les politiciens qui s'efforcent de différer ou de contrecarrer ces changements indispensables ne pourront empêcher que se produise ce qui, selon les prédictions des chercheurs, semble inévitable si les niveaux actuels d'émissions ne se stabilisent pas, tout au moins.
Toujours plus de gens seront victimes de maladies respiratoires et de décès précoces; toujours plus de régions seront aux prises avec des désastres causés par des événements climatiques extrêmes; nombreux sont ceux qui verront des modifications considérables aux terres ou aux cours d'eau dont dépendent leurs moyens d'existence; une grande proportion de la population mondiale fera face à de nouveaux pro-blèmes de santé attribuables à la modification du climat.
Les études, tant médicales que scientifiques, ne laissent aucun doute sur la réalité et le sérieux de ces dangers. Ne nous laissons plus arrêter par les démentis et les atermoiements de toutes sortes, qui nous font perdre un temps et des ressources pourtant si précieux, et agissons, maintenant.
Ce texte est tiré du résumé de l'étude À couper le souffle: Effets de la pollution atmosphérique et des changements climatiques sur la santé, rédigé par trois médecins et publié par la Fondation David Suzuki en 1998.