Un mur en 2x4 avec 5 po d'isolation rigide à l'extérieur de l'ossature (et rien entre ces colombages, ni pare-vapeur, ni fourrures à l'intérieur) résiste mieux à la condensation qu'un mur de type Novoclimat classique, en 2x6 avec laine de verre et isolation extérieure avec 1 po de polystyrène et un carton fibre, selon un projet de maîtrise en cour à l'Université Laval. Et ce, seulement avec une résistance thermique effective de R-20,8, telle que demandée par le Code de construction, mais avec une excellent étanchéité à l'air, d'environ 1 changement d'air à l'heure (CAH) lors d'un test d'infiltrométrie simulant une dépressurisation de 50 pascals (Pa).
J'ai reçu plusieurs commentaires de spécialistes après avoir envoyé par courriel l'article Comparaison de deux systèmes d'enveloppe à ossature légère en bois, publié hier par Québec Habitation, le magazine électronique de l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ). Pour le citer : « On y constate que l’isolation par l’extérieur permet de déplacer les possibilités de condensation, liées au point de rosée, vers l’extérieur du mur... Cette humidité excessive n’est pas souhaitable en raison des conséquences qu’on lui reconnaît, notamment la formation de moisissures. »
La résistance à la condensation des murs n'est toutefois pas le seul aspect à considérer, comme le souligne l'article Résilience recherchée paru dans le magazine Voir Vert du printemps (mars-avril 2024). Il traite d'un autre projet de recherche réalisé par des étudiants de l'Université Laval, axé cette fois-ci sur l'intertie (ou masse) thermique. On y apprend que l'architecte Richard Trempe, une sommité en enveloppe du bâtiment durable qui teste plusieurs compositions chez lui dans le cadre de son projet de recherche Auvergne laboratoire vivant, estime que la superisolation n’est pas une solution viable parce qu'elle augmente la production de matériaux et donc les émissions associées de gaz à effet de serre.
Il a demandé à Leonardo Delgadillo Buenrostro, étudiant au doctorat en génie mécanique, de simuler le comportement de cinq compositions d'enveloppe lors d’une panne de courant survenant en hiver. Le mur Novoclimat est celui qui a le moins bien performé, faisant perdre sept degrés en dix heures au bâtiment simulé. Le mur le plus performant a connu un déphasage thermique de presque cinq jours. Sa composition : un panneau de laine de roche extérieur, une laine de chanvre entre les montants de bois, ainsi que deux rangs de panneaux épais de fibre de bois et deux rangs de gypse à l’intérieur. Le chercheur étudiera aussi des facteurs tels l'acoustique, le contreventement, le confort des occupants, etc.
Mais revenons aux commentaires concernant l'article de l'ACPHQ sur le « mur parfait » sans isolant dans l'ossature. Je débute avec le chroniqueur Yves Perrier, bachelier en architecture et mon ancien collègue collaborateur à La Presse et à l'ancien populaire hebdo Habitabec où j'ai été initié aux maisons saines et performantes, de 1989 à 1994. « On le sait depuis très longtemps qu'il est préférable d'isoler le plus possible par l'extérieur pour garder le bois au chaud et au sec, mais le problème est l'épaississement du mur et le coût associé au matériau isolant comparativement à l'isolant en nattes. Bref, je ne suis pas impressionné par la ''nouvelle''. »
Réponse de Marco Lasalle, directeur du service technique de l'APCHQ : « Le coût est inférieur et le mur n'a que 9 1/2'’ d’épaisseur. »
Également, une étude sur deux maisons comparables bâties dans les mêmes conditions par les mêmes ouvriers.
Bref, ce travail sert à démocratiser la technique et à avancer les données réelles sur de l'ossature légère en bois.
Comme tu le cites toujours à la fin de tes courriels :
Toute vérité franchit trois étapes. D'abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence.
- Arthur Schopenhauer. »
Voici les détails des murs comparés cet hiver avec le soutien de l'APCHQ dans deux maisons voisines de même format, habitées depuis décembre.
Le promoteur Guy Saint-Jacques, qui dirige le Groupe DeNeuve et est l'ancien vice-président de Sotramont, cite Place de Nations, immeuble de six étages réalisé en 2016 avec 90 mm d'uréthane à l'extérieur et une étanchéité supérieure (1 CAH à 50 Pa), du jamais vu pour un tel bâtiment de béton en hauteur : « Les bâtiments réalisés avec l'isolant installé à l'extérieur ont toujours bien performés. L'avantage d'avoir une cavité chaude libre d'isolant permet une grande pérennité face au assauts des percements fait au fil des ans. Je crois que nos maisons devraient être construites selon cette technique. On y gagnerait gros en énergie. »
L'architecte Louise Coutu, inspectrice en bâtiment, commente :
« C'était à prévoir qu'il y aurait moins de condensation. Cependant, l'expérience (dont ma petite expérience) démontre que si l'étanchéité à l'air n'est pas parfaite, les gens ressentent plus d'inconfort lorsque l'isolant est à l'extérieur puisque l'isolant accumule la chaleur. J'ai vu des propriétaires de condos avoir froid et ouvrir les murs pour ajouter de l'isolant entre les montants. Cela peut causer de réels dommages car le pare-vapeur ne se trouve plus du côté chaud des murs...
Autres éléments à considérer :
1/ L'accumulation de chaleur derrière le revêtement mural extérieur l'été cause parfois des déformations des revêtements.
2/ Si l'isolant n'est pas rigide, comme la laine de roche par exemple, il est parfois difficile de bien poser les fourrures de fixation du revêtement extérieur (bois, canexel, alu, vinyle, etc.) car la profondeur se met à varier et c'est l'horreur. Il faut poser des fourrures beaucoup plus rigides que les fourrures habituelles de 3/4 po d'épaisseur. »
Son collègue, l'architecte Roberpierre Monnier, témoigne : « Construite en 1970, ma maison est ainsi isolée au polyuréthane à l'extérieur de la structure porteuse en 2x4. Mon vendeur en savait un peu ou bien ce ne fut qu’un hasard heureux. »
L'architecte Claude Frégeau, membre de longue date du Conseil de l'enveloppe du bâtiment, estime que le mur vide « semble présenter une nette amélioration. De plus, les conduits électriques, prises de courant, la tuyauterie sont autant d'éléments techniques bien plus faciles à installer et on n'a pas à se soucier de l'étanchéité à l'air de l'intérieur. »
L'ingénieur français Christophe Huon m'a fait parvenir la présentation qu'il a faite au premier Rendez-vous des écomatériaux en 2015, à Asbestos (depuis rebaptisée Val-des-Sources), intitulée La science du bâtiment et les écomatériaux : efficacité énergétique et autres notions à connaître. Son but était « d'alerter notamment sur les risques de condensation et la non prise en compte de l'inertie dans la conception de l'enveloppe. Comme indiqué en pages 26 à 34 du document, j'avais comparé - notamment via WUFI - les performances hygrothermiques d'un mur usuel RBQ et d'un mur proposé par l'architecte André Bourassa. » En page 17 on y apprenait que « la
fibre de bois, en isolation par l’extérieur, est le matériau le plus efficace du point de vue inertie par transmission » qui est définie comme « l'atténuation de l'influence des conditions extérieures (impacts du rayonnement solaire sur la température intérieure du bâtiment...) ».
Le Perfect Wall déjà testé en Alaska
L'ancien constructeur Alain Hamel, nuance :
« Leur version du mur parfait est une itération du Perfect Wall promu par Building Science Corporation et testé en Alaska sous le nom de Remote Wall. Tout a été fait, dit, testé et redigé dans les trois livres et largement commenté (dès 2010] sur le site de BSC. Voici d'ailleurs un court vidéo qui résume pas mal tout. Merci à Joseph Lstiburek et John Straube, les cerveaux derrière le concept du mur parfait (et plein d'autres). »
Alain Hamel précise : « Il n'y a pas un seul mur parfait par région climatique, juste un système d'enveloppe integrant plusieurs propriétés pour un emplacement donné. Quand j'ai construit la mienne, j'ai adapté la version Remote au contexte Passivhaus en utilisant bien entendu, la surisolation extérieure, mais en y ajoutant une combinaison de laine de roche, un panneau de fibre de bois à l'intérieur, conjugué à de la masse exposée. Le résultat, une température relativement confortable pendant quatre jours avec bonne période d'ensoleillement sans autre apport énergétique. Donc oui, de la masse judicieusement localisée, ça fonctionne bien, mais encore mieux lorsque combinée à une enveloppe performante diminuant les transferts thermiques. C'est là que la science fait son oeuvre par l'entremise de la modélisation énergétique en fonction de la localisation et de la configuration du bâtiment. »
M. Hamel croyait par ailleurs que l'APCHQ plagiait Lstiburek et Straube, ce que nie Marco Lasalle :
« C'est en référence aux travaux du Dr Lstiburek que nous avons nommé ce projet Mur Parfait, en référence au Perfect Wall. L'APCHQ fait toujours référence à cela (voir mes conférences et formations sur le sujet).
Par contre, l'université Laval refuse de prendre ce terme et puisque l'article est réalisé par un étudiant au CIRCERB dans le cadre d'un exercice de synthétiser ses observations. »
Enfin, Richard Trempe nuance :
« En fait, le concept de mur parfait n'est pas l'invention de Lstiburek. Des gens l'ont utilisé bien avant, moi-même la première fois en 1999. Mais Straube et Lstiburek l’ont documenté et publicisé avec ce terme. Pour ma part, je l'appelle mur SITE (système isolé totalement par l'extérieur). Mon étude de 2022 compare dans un rapport assez complet les deux types de murs des bâtiments jumeaux construits en 2021 (rapport SHQ phase 2). Quant à l'étude que je fais en phase 3 avec l'École de foresterie de l'Université Laval, il s'agit d'un mur conventionnel à forte inertie thermique. On est en phase construction... De quoi alimenter les discussions! »
Journaliste de profession, André Fauteux fut reporter à The Gazette (1988) puis chez Habitabec (1989-1994) où il s’est spécialisé en maisons saines et écologiques. En 1994, il fondait La Maison du 21e siècle, premier magazine canadien en la matière, dont il est toujours l'éditeur et le rédacteur en chef. Il a également été collaborateur à La Presse et au magazine Guide Ressources pendant 15 ans, entre autres médias. Il est aussi un conseiller, formateur et conférencier recherché pour tout ce qui touche à l'habitat sain et durable.