La norme Novoclimat devrait-elle représenter le minimum permis au Québec pour les habitations neuves? Après tout, ces résidences homologuées par le gouvernement sont plus saines, plus écologiques et de meilleure qualité, en plus d’être souvent moins chères en tenant compte des aides financières offertes et des économies assurées de 20 % sur les frais d’énergie.

La technologue en architecture Ariane Poitras-Raymond émet des réserves : « Oui, pour la qualité de l’air et le confort pour les occupants, ça devrait être la base. Mais le but d’un programme comme Novoclimat est d’être toujours un ou deux degrés de performance de plus que le Code. Avec Novoclimat, on teste ce qui, ultimement, définira le nouveau Code », explique la chargée de projet Novoclimat chez la firme d’inspection Legault-Dubois.

En effet, un des objectifs du programme est de préparer l’industrie de la construction aux prochains cycles de révision réglementaire en contribuant à transformer le marché de la construction, et ce, au moyen de la formation et du soutien technique, ajoute-t-elle. « C’est une belle porte d’entrée vers de meilleures performances, sans aller aussi loin que les normes Passive House ou Net Zéro. C’est un programme accessible, abordable et dont les économies sur l’énergie sont bien connues. Malheureusement, j’ai encore l’impression qu’on ne valorise pas suffisamment ses économies d’énergie. »

Avant, pendant et après la construction, les firmes responsables de l’analyse technique des projets et des inspections des chantiers Novoclimat sont les yeux du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. « Il y a plusieurs étapes au processus, explique la technologue. La première, avant le début de la construction, sert à identifier les correctifs qui pourraient être apportés et faire un accompagnement auprès des entrepreneurs. Puis viennent les inspections avant gypse (isolation, test d’infiltrométrie, conduits de ventilation) et avant livraison (balancement et calibration des débits du ventilateur récupérateur de chaleur. » Selon Ariane Poitras-Raymond, cette dernière étape est la plus souvent négligée sur les chantiers classiques non homologués Novoclimat : « C’est une grosse lacune dans les constructions d’aujourd’hui. Si on ne balance pas l’échangeur d’air pour qu’il n’y ait pas de différentiel de pression entre l’entrée et la sortie, ça donne un système de ventilation qui ne fonctionne pas à sa pleine valeur. » Ça se traduit par un cœur qui fonctionne à plein régime et des poumons qui s’essoufflent. En effet, bien des maisons classiques ne reçoivent pas les bons débits d’air frais dans les pièces de vie et les VRC déséquilibrés peuvent soit aspirer la fumée d’un foyer s’ils dépressurisent la maison ou pousser l’humidité dans les murs qui risqueraient alors de moisir s’ils la pressurisent.

Les inspections se déroulent habituellement dans un esprit de collaboration et les entrepreneurs pour qui on a identifié des éléments non conformes y voient une opportunité d’amélioration dans la qualité des produits qu’ils livrent aux clients. La technologue en architecture ne cache cependant pas que dans certains cas, particulièrement lorsque le programme Novoclimat est imposé par une municipalité, la collaboration peut-être parfois plus difficile.

Majoration des minimums requis?

Marco Lasalle, directeur technique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), rappelle que le programme Novoclimat a été le premier à dire que « ce n’est pas juste une question de mettre plus d’isolant, c’est aussi une question de contrôle et de circulation d’air. Si on parle d’étanchéité à l’air, ça prend aussi un meilleur système mécanique. Souvent, on va avoir des maisons très étanches à l’air, mais la mécanique est le maillon faible », ajoute-t-il en se ralliant derrière Ariane Poitras-Raymond.

Il poursuit en ajoutant que l’APCHQ prêche davantage pour une cotation énergétique obligatoire de toutes les nouvelles habitations québécoises que pour des modifications au programme Novoclimat. « On n’aura plus besoin d’attendre qu’un programme gouvernemental tel que Novoclimat évolue et s’adapte aux nouvelles technologies et techniques de construction […] Une fois qu’on a compris la recette, on n'a aucune motivation à aller plus loin », croit Marco Lasalle.

Calqué sur le système de cotation ÉnerGuide que l’on retrouve sur les produits et les voitures, un tel système obligatoire de divulgation énergétique dans le secteur résidentiel ajouterait selon lui une pression positive sur les entrepreneurs qui souhaitent se démarquer par la qualité énergétique de leurs constructions et donnerait l’heure juste aux propriétaires à la recherche d’un rendement supérieur. Rappelons que la cotation ÉnerGuide à des fins résidentielles est déjà offerte sur une base volontaire, par le programme d’aide financière Rénoclimat.

Bien qu’il soit critique sur certains aspects du programme, Marco Lasalle insiste sur le fait qu’encore aujourd’hui, même malgré l’inflation, l’homologation Novoclimat reste un choix judicieux : « Pour une maison standard, de 1 200 pieds carrés, la facture d’un projet Novoclimat est pratiquement financée en totalité par les incitatifs du gouvernement, sans parler des économies récurrentes sur la facture d’énergie. Le prix ne doit surtout pas être un obstacle au choix Novoclimat. »

À l’instar d’Ariane Poitras-Raymond, l’entrepreneur Étienne Ricard d’UrbanÉco, de Sherbrooke, est convaincu que la certification Novoclimat contribue à améliorer la qualité des constructions, mais ajoute qu’on peut déjà faire beaucoup plus. L’entreprise de Sherbrooke ne construit que du Novoclimat mais offre aussi des produits et mesures écologiques menant à une certification LEED pour les habitations. Le gouvernement du  Canada s’étant engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, il s’attend à des resserrements sérieux dans la réglementation en construction résidentielle. C’est d’ailleurs ce que prévoit le Plan directeur en transition énergétique 2021-2026 du Québec qui affirme qu’en 2030, on ne chauffera plus nos habitations aux énergies fossiles, sauf pour le gaz naturel par grands froids.

Ce plan prévoit la mise en place d’un « système de divulgation, de cotation et de performance énergétique » pour les grands bâtiments. Toutefois, il ne cible plus comme auparavant les petits immeubles résidentiels puisque le chauffage électrique qui y domine contribue très peu aux changements climatiques. « C’est la prochaine étape, juge Étienne Ricard. Toutes les maisons, même les anciennes, devraient détenir cette information, comme quand tu achètes un frigo, tu sais exactement ce qu’il consomme. Ça pourrait donner une sorte de tableau de bord au gouvernement pour qu’il puisse savoir où mettre ses efforts et faire les bonnes mises à niveau. »

Quel avenir pour Novoclimat?

En attendant la cotation énergétique obligatoire de toutes les habitations réclamée par les écolos et les experts en énergie depuis des années, l'intégration progressive de nouvelles technologies et de pratiques innovantes est essentielle pour que Novoclimat demeure à la fine pointe des normes environnementales. Et sans devenir aussi strict, le programme pourra toujours renforcer son leadership de la construction écologique, en s’inspirant des meilleures pratiques des maisons passives et net zéro.

Chose certaine, si le gouvernement désire que plus de 5 % des constructions neuves obtiennent la certification Novoclimat, il devra faire preuve de plus de flexibilité face aux nouveautés (souvent européennes mais non homologuées ici) dans un secteur en pleine transformation.

C’est pourquoi l’industrie de la construction, les propriétaires et les décideurs doivent continuer à dialoguer et à travailler conjointement afin de créer un avenir où la durabilité et l'efficacité énergétique sont prioritaires. Les constructions écoénergétiques, peu importe le type, font déjà partie de la solution pour relever les défis climatiques actuels.

Novoclimat, LEED, Passive House ou Net Zero?

Le programme Novoclimat, les normes LEED pour les Habitations, Passive House et Net Zero représentent des approches distinctes visant à promouvoir la durabilité dans le domaine de la construction.

Spécifique au Québec, Novoclimat permet notamment de réduire les besoins de chauffage de 20 % par rapport à une résidence classique, tout en offrant une qualité d’air supérieure.

LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) est quant à elle une certification internationale visant trois niveaux (Argent, Or ou Platine) de performance environnementale globale. Elle tient compte de neuf catégories affectant l’impact d’un bâtiment sur son cycle de vie : de la conception intégrée réunissant tous les intervenants jusqu’à la priorité régionale, en passant par l’emplacement, la qualité des milieux intérieurs, les matériaux, l’énergie, l’eau, le paysagement et l’innovation.

La certification allemande ou américaine Passive House vise notamment à réduire les besoins de chauffage de 80 à 90 %. Elle se distingue par son approche axée sur une conception ultraétanche et hyperisolée assurant un confort optimal sans systèmes de chauffage et de refroidissement coûteux.

Finalement, la certification Net Zero est offerte par l’Association canadienne des constructeurs d’habitation. Fondée sur la norme R-2000 lancée en 1982 par Ressources naturelles Canada, elle vise 50 % d’économie de chauffage et la production d’électricité solaire couvrant l’ensemble des besoins annuels des occupants.

Toutes ces approches partagent des objectifs de durabilité et elles peuvent très bien vivre ensemble en fonction des objectifs et de l’expertise des entrepreneurs, des priorités des clients et des contraintes de chaque projet.