Ce qu'il faut savoir avant de profiter de la subvention d'Hydro-Québec pour la géothermie dans les maisons neuves ou existantes, dans le cadre du programme LogisVert lancé cet été.
Un système géothermique chauffe et climatise avec une thermopompe installée dans un bâtiment auquel elle transfère l’énergie qui est captée dans le sol, dont la température est stable autour de 10 degrés Celsius sous la ligne de gel. Cette forme d’énergie solaire est généralement captée par un liquide caloporteur (glycol) pompé dans une tubulure de polyéthylène haute densité en boucle fermée. Celle-ci est insérée dans un certain nombre de puits forés dans le sol à la verticale ou en diagonale, selon la puissance requise pour assurer le confort des occupants.
Plus silencieux, plus efficace et plus durable qu’une thermopompe aérothermique, dont le condenseur est installé dehors, un système géothermique peut théoriquement réduire les coûts de chauffage jusqu’à 60 % comparativement à un système de chauffage à résistances électriques classique, selon Hydro-Québec qui précise que « plus la superficie de la maison est grande, plus les économies sont importantes ». Mais en réalité, l’économie annuelle de chauffage tournerait plus autour de 50 %, selon M. Tanguay et Mike Holmes du site ecohome.net. Pour sa part, l'ingénieur Daniel Perrault, président d'Énergie 3R qui livre les populaires programmes d'efficacité énergétique Rénoclimat, Novoclimat et Maisons plus vertes dans plusieurs régions du Québec, estime réaliste de s'attendre à des économies de chauffage « entre 50 et 60 % ».
En théorie, les meilleures thermopompes aérothermiques pour climat froid (nécessitant un appoint de chauffage électrique sous -15 à -20 degrés Celsius selon leur coefficient de performance ou CP) réduisent les coûts de chauffage de 50 % par rapport à des plinthes ou une fournaise électrique, selon BC Hydro et le Département de l’Énergie des États-Unis. Pour sa part, Ressources naturelles Canada affirme que la thermopompe aérothermique peut théoriquement réduire les coûts de chauffage de 45 % à 60 % et la géothermie 70 % à 80 %, comparativement à des plinthes ou une fournaise 100 % électrique.
Dans les petits bâtiments, sans subvention l’efficacité accrue de la géothermie vs l’aérothermie génère généralement des économies d’énergie insuffisantes pour rentabiliser à moyen terme le surcoût du système géothermique. Selon un tableau fourni par l'installateur 22Degrés, ce surcoût varie de 20 000 $ à 30 000 $ pour un système de deux à cinq tonnes de puissance, incluant les taxes mais excluant des conduits d’air ou un système radiant. Le surcoût est associé au forage (à partir de 6 000 $ par tonne de puissance), à la boucle et à la tranchée de raccordement de la boucle à la thermopompe. Le prix du forage est encore plus élevé chez les entrepreneurs qui ne font pas de petits puits en diagonale. Alors qu'Yvan René demande 25 $ le pied de forage, il dit qu'un de ses clients a reçu un prix de 45 $ le pied pour forer un puit artésien. L’ingénieur Martin Roy, une sommité en matière de bâtiments durables, confirme la tendance : « J’ai vu passer des prix de forage résidentiels vraiment fous, de 30 000 $ à 40 000 $ pour un système de trois tonnes. La géothermie, c’est un luxe. » Un luxe qui sera donc plus accessible à la masse grâce à la subvention hydroquébécoise, même très payante pour les gens qui avaient les moyens de l'installer depuis janvier et qui recevront leur subvention rétroactive du programme LogisVert une fois lancé cet été!
Mais dans bien des maisons isolées selon les exigences du Code de construction, la géothermie est tout à fait rentable même sans subvention, fait valoir Yvan René qui réalise une cinquantaine de projets chaque année. « Il faut aussi tenir compte de la pérennité des équipements. Sur la durée de vie de la géothermie, vous allez peut-être changer deux ou trois fois la thermopompe air-air. La thermopompe géothermique travaille dans des conditions parfaites : il n’y a pas de cycle de dégivrage, elle est insensible à la température extérieure, elle va toujours fournir son plein rendement. Les économies sont continuelles et il ne faut pas oublier qu'elles sont libres d'impôt. »
François Levreault de 22Degrés ajoute : « La durée de vie moyenne d'une thermopompe géothermique est évaluée par l'AHSRAE à 24 ans et le seul entretien requis est de remplacer le filtre a air intérieur occasionnellement. Il n'y a aucun appareil extérieur à nettoyer et aucun bruit n'est émis contrairement aux appareils aérothermiques dont les émissions vont de 59 à 80 décibels. L'industrie de la thermopompe résidentielle s'est transformée en machine de marketing ou seul le volume des ventes est important : la majorité des installateurs ne sont même plus des frigoristes. Je rencontre régulièrement des clients qui doivent remplacer leur appareil après quelques années car ils n'ont pas été convenablement installés. » Pour sa part, Hydro-Québec affirme de façon plus conservatrice que « le circuit souterrain d’un système géothermique peut fonctionner pendant plus de 50 ans et la thermopompe géothermique dure environ 20 ans ».
Yvan René reconnaît que dans une maison surisolée, il y a moins d’économies à faire en géothermie. « Il y aura toujours des exceptions. Reste à déterminer quel est le surcoût pour surisoler/étanchéiser une maison par rapport à installer un système de chauffage et climatisation efficace. Mais avec les subventions, il n’y a absolument rien qui peut rivaliser avec la géothermie, point final. »
M. René ajoute que cette technologie développée en 1905 et popularisée dans les années 1970 offre d’autres avantages, dont celui de transférer la chaleur des bâtiments dans le sol en été plutôt que dans l’air extérieur. « La géothermie ne contribue pas à créer des îlots de chaleur. C’est un bonus difficile à monnayer mais qui offre un réel avantage pour améliorer notre environnement par rapport à des thermopompes air-air ou des climatiseurs de fenêtre. »
Les systèmes géothermiques sont particulièrement rentables lorsque installés dans de grands bâtiments très vitrés qui perdent énormément de chaleur. « Les maisons sont mieux isolées mais pleines de fenêtres », fait remarquer le frigoriste Mathieu Thibault, de 22Degrés.
L’expert en enveloppe du bâtiment Claude Frégeau recommande de faire dimensionner le système géothermique par un expert indépendant qui maîtrise les logiciels de simulation énergétique. Ceux-ci permettent de calculer les pertes de chaleur des bâtiments et certains estiment aussi les gains solaires en hiver, afin de déterminer les réels besoins de chauffage. « Quand on calcule les besoins, en plus de la latitude, la valeur de l’enveloppe du bâtiment, l’orientation, la fenestration, l’ombrage de l'environnement construit ou forestier, etc., sont autant de facteurs importants à considérer. »
Marc Bélanger dit que Waterfurnace offre également ce service de conception. Le fabricant utilise la méthode Bin qui calcule la charge d'un bâtiment en déterminant le nombre d'heures par année pendant lesquelles la température extérieure moyenne de l'emplacement varie par tranches de 5 degrés Fahrenheit. Il utilise aussi un facteur de correction tenant compte des gains internes de chaleur dégagée par les occupants et les appareils, le degré d'étanchéité, la taille de la fenestration, etc. « Ça nous permet d'ajuster le dimensionnement du puits à la charge réelle du bâtiment et ainsi d'éviter de surdimensionner l'appareil tout en assurant 95 % de la vraie charge de chauffage. Si en théorie l'élément électrique est requis 5 à 10 % du temps en période de pointe, l'utilisation réelle peut parfois être seulement de 1 à 2 %. »
Denis Tanguay souligne que les moteurs à vitesse variables n'effacent pas la demande d'électricité en période de pointe hivernale, pas plus qu'un élément électrique utilisé même 1 ou 2 % du temps. « Ce qui importe pour Hydro-Québec, c'est l'effacement complet de l'appel de puissance à la pointe. Si tout le monde était convaincu que l'élément électrique était inutile, il suffirait de subventionner seulement les thermopompes qui n'en sont pas équipées. De cette manière, on aurait 100 % de certitude qu'il n'y aurait pas d'appel de puissance de ces équipements en période de pointe. Pour faire bonne mesure, les installateurs, et pourquoi pas Hydro-Québec, pourraient aussi offrir une garantie aux clients que les systèmes sans éléments électriques d'appoint vont fournir 100 % de la demande de chauffage des résidences... même quand il fait -30°C trois jours d'affilée. »
Waterfurnace vend environ 500 systèmes géothermiques résidentiels au Québec annuellement, ce qui représenterait 70 % du marché. « On est capables d'atteindre 2 500 systèmes par année. » Il estime qu'il y a une quinzaine d'entreprises oeuvrant actuellement dans le forage géothermique dans la Belle Province et le site web de Waterfurnace réfère une cinquantaine d'installateurs, dont une trentaine sont très expérimentés en géothermie. « Les subventions vont stimuler l'investissement dans les foreuses, on verra de nouveaux joueurs arriver d'autres provinces. Les entrepreneurs spécialisés en chauffage au gaz, au propane ou au mazout ont déjà commencé à s'instruire sur la géothermie. Tous ceux qui installent déjà des thermopompes air-air peuvent brancher une géothermie. Le risque est plus au niveau du forage, mais dans la plupart des régions on connaît la conductivité du sol, ce qui permet de déterminer le coût prévisible du système. »
M. Bélanger se dit « vraiment impressionné » par le programme LogisVert d'Hydro-Québec. « Ils ont consulté les entrepreneurs sur les chantiers, ce qui n'était pas toujours le cas dans les programmes antérieurs. Les subventions vont changer la perception de la géothermie qui est déjà bien connue. Les chefs d'entreprise qui en ont fait installer chez eux en ont déjà parlé à leurs voisins et employés. »
Selon lui, le système géothermique le plus populaire a une puissance de 4 tonnes de puissance mais bien des maisons anciennes, souvent chauffées au mazout, de plus petite taille et moins vitrées qu'aujourd'hui, ont souvent un système de 2 ou 3 tonnes parce que l'isolation et la fenestration ont été améliorée. Environ 85 % des systèmes ont des puits verticaux, mais à la campagne, on peut creuser des trancher horizontales avec une excavactrice. « C'est 50 % moins cher s'il n'ya pas de roc en surface. La tranchée n'a que 5 pieds de profond et aussi peu que 2 à 6 pieds de large. On a besoin de 3 000 à 4 000 pieds carrés de tranchées par tonne de puissance. C'est comme poser un drain français. Le travail se fait en une demi-journée. »