© Toits Vertige

Techncienne en architecture, Mélodie Desmarais est estimatrice et chargée de projet chez Les Toits Vertige

Certains professionnels du bâtiment (architectes, architectes paysagistes et ingénieurs de toutes les disciplines) ont des bases de connaissance sur les toitures végétalisées, d’autres non. Notamment, certains ne sont pas au courant qu’il existe des guides de critères techniques pour les toitures végétalisées qui sont applicables au Québec (Régie du Bâtiment du Québec ou Ville de Montréal).

Dans ces guides, tout est expliqué sur les différents principes des compositions et les normes à suivre. Ensuite pour bien réaliser une toiture végétalisée, il faut se référer aux fournisseurs afin de déterminer la composition complète, incluant l'étanchéité. Les compositions sont très variables en fonction de la capacité portante, du type d’étanchéité et des végétaux qui y seront installés - et entretenus!

Voici quelques aspects problématiques ou des erreurs que l’on retrouve souvent dans la conception de toiture végétalisée, ou dans des réalisations qui ont été effectués par des entrepreneurs inexpérimentés. Merci à l'architecte Micheline Gaudreau, associée chez Bourassa Gaudreau architectes de Victoriaville, d'avoir ajouté quelques commentaires indiqués par ses initiales MG. 

  • Absence de sortie d’eau sur la toiture, ou quantité/pression insuffisante
  • Manque de sécurité pour les horticulteurs qui iront faire l’entretien durant l'opération du bâtiment
  • Absence de porte ou trappe d’accès
  • Insuffisance des dégagements requis ainsi que du positionnement et du dimensionnement des équipements au toit
  • Déficience dans l’étanchéité autour des sorties ou équipements au toit (MG)
  • Hauteur des bases d’équipements et hauteur des parapets ne tenant pas compte de l’épaisseur du substrat
  • Perforations requises ou non des bordures
  • Végétaux mal adaptés, non spécifiés ou de trop gros calibre pour l’épaisseur du substrat
  • Absence de panneaux drainants et de membrane antiracinaire entre les membranes d’étanchéité et le substrat (MG)
  • Substrat mal adapté ou épaisseur non spécifiée
  • Paillis combustible
  • Emplacement de la toiture végétalisée mal adapté selon la géométrie du bâtiment (ombre vs réverbération du soleil) ou de son environnement bâti
  • Manque de spécification de système et erreurs de spécification (produits discontinués, mauvaise composition de toiture végétalisée en fonction de l’étanchéité) 
  • Composition des pentes végétalisées et rétention du substrat
  • Lacunes de garantie et d'entretien (des fois beaucoup trop, d’autres fois inexistants)
  • Manque d’information sur les plans (de nombreux calculs et indications doivent être inclus aux plans et devis de toutes les disciplines, selon la section 8 du guide de RBQ)
  • Structure du toit inadéquate pour le poids additionnel du système végétalisé (MG) ou pour les équipements à utiliser lors de l’installation
  • Structure du toit en bois non ventilé avec un système mal drainé au-dessus, entrainant la pourriture rapide de la structure du toit (MG) 
© Toits Vertige

Projet annulés parce que mal planifiés

Certains projets de toits verts sont tout simplement annulés parce qu’ils sont beaucoup plus chers que le budget prévu, en raison notamment du levage des matériaux (ce n’est pas pareil à 40 pi ou à 150 pi du sol) ou de la qualité des matériaux spécifiés (ex. : acier inoxydable vs aluminium pour les bordures). Une toiture végétalisée impacte toutes les disciplines de la construction, et c’est très important que tous les professionnels incluent les toitures végétalisées dans leurs plans (structure : poids et ancrage, architecture : design et composition, mécanique : ventilation, alimentation et drainage de l’eau, paysage : choix des végétaux, etc.). Des facteurs majeurs à considérer, imaginez s’il n’y a pas de sortie d’eau de prévu sur un toit et que tous les murs sont fermés!

Sur les plans et devis, il n’est pas indiqué si les projets ont été soumis à un processus de demande de dérogation à la RBQ. Quand nous posons des questions (ex. : le toit est à 250 pi par rapport au sol, quelles sont les mesures prévues contre le soulèvement par le vent?), parfois le toit vert est tout simplement annulé. C’est dommage puisqu’il y a plusieurs solutions et nous serions heureux d’en proposer.

Micheline Gaudreau commente : « Les bacs de verdure sur un toit terrasse, plus couramment utilisés en Europe, devraient parfois être envisagés plutôt qu’une toiture dont les végétaux sont directement sur les produits d’étanchéité. Ceux-ci permettent l’accès à la membrane sous les plots qui portent le plancher d’une terrasse et les arbres et arbustes apportent de l’ombre qui permet de réduite la température de surface sur le toit terrasse. Il serait important que les villes qui ont ajouté à leur réglementation l’obligation de faire des toits verts considèrent cette alternative aux toitures végétalisées. »

Toutefois, ces bacs de plantation déposés sur une terrasse, très souvent utilisés à Montréal, ne sont pas considérés comme une toiture végétalisée. Ils ne peuvent pas compter dans le calcul de la superficie végétale d’un projet. Ils sont aussi beaucoup plus lourds ponctuellement. Nous recommandons ces bacs pour ceux qui veulent avoir des plantations spécifiques à un endroit (agriculture ou arbre), ou un écran végétal entre deux logements, et de s’assurer de leur capacité structurale. 

Parfois, les problèmes ne relèvent pas tant d'une erreur que d'une trop bonne volonté. Dans certains projets, les architectes et les architectes paysagistes spécifient ensemble la toiture végétalisée et à ce moment chacune des disciplines s’implique un peu, mais elles peuvent se contredire beaucoup autant sur les plans que dans les devis. Il faut comprendre qu’un toit vert est un système indépendant du reste de l’aménagement paysager au sol par le type d’installateur, les équipements requis, les matériaux et le moment propice d’installation sur un chantier. L’octroi des contrats devient un casse-tête pour les entrepreneurs généraux et il y a un grand risque d’erreur et de mauvaise coordination au chantier. Cela va se refléter dans le prix final payé par le client, qu’il soit public ou privé.

© Toits Vertige

Défauts et garanties

L'architecte Micheline Gaudreau ajoute : « Un autre problème important est la difficulté accrue à trouver la source d’infiltrations d’eau dans un toit végétalisé, sans oublier les coûts importants pour enlever le système végétalisé, pour trouver et corriger cette source d’infiltration, et le remettre en place. L’espace manque souvent pour entreposer le substrat du système végétalisé, qui doit souvent être évacué hors du site et totalement remplacé. »

Il faut savoir que certains fournisseurs, pas tous, offrent une garantie totale lorsque le couvreur et l’installateur des toitures végétalisées optent pour les forfaits de garantie du même manufacturier. Ainsi, le manufacturier des membranes d’étanchéité et du système de toiture végétalisée s’occupent non seulement d’enlever et réinstaller substrat, toile filtrante, drainage et membrane antiracine, mais aussi de réparer la couverture. Il suffit d’informer les clients de ces options et de choisir les systèmes qui offrent cette possibilité.

Il est important de bien saisir les étapes de l’exécution des toitures végétalisées. Comme celles-ci sont déposées sur un système d'étanchéité, un couvreur doit d'abord venir poser ce système avant que le toit végétal soit installé par un paysagiste spécialisés en la matière (Les Toits Vertige oeuvre dans ce domaine depuis 2005). Il faut comprendre que ces deux types d'entreprises utilisent couramment des produits bien différents : on ne voudrait pas demander à des gens qui utilisent des produits goudronnés d’installer des végétaux (et vice versa)! Un spécialiste en aménagement paysager sur les toits n’installera pas les mêmes produits qu’au sol. Par exemple, le substrat pour les toits verts est une ‘’terre’’ beaucoup plus légère que celle installée au sol. Comme on veut évacuer l’eau le plus rapidement possible de la toiture, ce substrat est donc beaucoup plus drainant qu’une terre à plantation pour le sol, plus lourde parce qu'elle retient l’eau. C'est pourquoi sur un toit vert les plantes doivent être choisies pour résister à la sécheresse.

Micheline Gaudreau ajoute que Soprema recommande malgré tout un panneau drainant et une membrane antiracinaire, même si on utilise son substrat plus léger.

© Toits Vertige

Des erreurs coûteuses

Certains aménagements paysagers en hauteur ne sont pas considérés comme de véritables toitures végétalisées. C'est par exemple le cas des aménagements implantés au-dessus des dalles de stationnements, communément appelés tréfonds. Puisqu’ils ne sont pas régis par les mêmes règlements, certains projets sont un peu le far west et on découvre certaines erreurs très coûteuses à réparer, autant dans les bâtiments neufs que ceux existants. Lorsque l’on parle de réfection de ces tréfonds, qui ont été étanchéifiés pour certains avec des systèmes multicouches dans les années 90 dont la plupart ont atteint leur fin de vie utile, il faut tout refaire. Cela comprend aussi la réfection de l’aménagement paysager au-dessus et on se rend compte qu’il n’y a pas assez de capacité structurale pour se conformer aux normes d’aujourd’hui. Il faut donc redoubler d’imagination pour y arriver (matériel plus léger mais plus cher, plus petits équipements plus longs à installer, etc.) et les coûts grimpent.

Un exemple d’hier à aujourd’hui : autrefois, les drains étaient enfouis sous l’aménagement parce que ils étaient considérés comme laids. Aujourd’hui, on doit s’assurer d’y avoir accès afin de pouvoir les nettoyer afin de garantir qu'ils accomplissent leur fonction primaire d'évacuation de l’eau. Il faut alors s’assurer qu’ils ne sont pas enfargeants, ni accessibles au public (antivandalisme). Cela peut donc décevoir certains résidents de devoir ajuster les aménagements paysagers en fonction de ces équipements mécaniques.

Avec une bonne collaboration des différents intervenants, nous installons plusieurs centaines de milliers de pi² de toitures végétalisées chaque année. Que ce soit une installation récréative, agricole ou un projet écoresponsable, de la grandeur de plusieurs terrains de football ou un petit bijou pour une maison, nous installons toujours le bon produit à la bonne place afin que ces systèmes aux nombreuses possibilités perdurent dans le temps et créent de jolies oasis urbaines.