Source : Ressources naturelles Canada
Prendre le virage vert, ce n’est pas toujours facile. Les promoteurs, constructeurs et propriétaires de bâtiments au Canada s’adaptent pour répondre aux défis des changements climatiques et sont constamment à la recherche de solutions novatrices pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
Les membres de l’équipe (de gauche à droite) : Philippe Simard, Arash Bastani, Parham Eslami Nejad, Stéphane Günther et Mathieu Miron posent devant le bureau pilote du réseau d’énergie thermique à conduite unique de CO2.
Pour répondre à ces besoins, Parham Eslami-Nejad et à Arash Bastani, chercheurs au centre CanmetÉNERGIE à Varennes (Québec), travaillent à un nouveau concept de gestion de l’énergie thermique, connu sous le nom de « réseau thermique ». Cette innovation révolutionnaire est susceptible de transformer la conception des systèmes de chauffage et de climatisation des grands immeubles en changeant radicalement la façon dont est distribuée et échangée l’énergie thermique. Elle pourrait aider le secteur des bâtiments à réduire la consommation d’énergie et à abaisser du même coup les émissions de GES. L’équipe de Ressources naturelles Canada a déjà déposé une demande de brevet et est maintenant prête à tester le concept. Il pourra notamment s'appliquer aux complexes résidentiels et aux condominiums, mais il est plus adapté aux grands bâtiments qui ont des charges de chauffage et de refroidissement simultanées, comme les immeubles à bureaux.
Un changement radical est nécessaire
Pas de doute : cette idée est née à la bonne place, au bon moment. « De nos jours, compte tenu de l’immense demande d’énergie attribuable au chauffage et à la climatisation dans le secteur des bâtiments et aux émissions de GES relativement élevées qui en découle, les systèmes classiques de chauffage, ventilation et climatisation, ou CVC, ont besoin d’un changement radical pour s’adapter aux technologies écoénergétiques, comme les thermopompes, et aux sources d’énergies renouvelables, comme la géothermie et le solaire », explique M. Eslami Nejad, chef de projet à CanmetÉNERGIE et professeur adjoint à Polytechnique Montréal. « Notre réseau novateur d’énergie thermique à conduite unique de dioxyde de carbone [boucle de CO2] a de fortes chances d’améliorer l’efficacité énergétique et la conception des systèmes de CVC classiques. »
Réduire une forte empreinte écologique
Cette technologie pourrait se traduire par des gains énormes. Les immeubles contribuent de façon considérable à la consommation totale d’énergie à l’échelle mondiale. La consommation quotidienne d’énergie, en particulier d’énergie associée au chauffage et la climatisation représentent chaque année près de 30 % des émissions mondiales de GES. Au Canada, les immeubles résidentiels, commerciaux et institutionnels comptent pour 17 % des émissions annuelles de GES (si l’on inclut les émissions attribuables à la production de l’électricité nécessaire à l’exploitation de ces systèmes).
Les thermopompes font déjà partie de la solution et sont un moyen efficace de plus en plus utilisé pour soutenir l'électrification, réduire la consommation d'énergie associée au chauffage et à la climatisation des bâtiments et abaisser les émissions annuelles de GES. Cependant, intégrer les thermopompes dans les immeubles de façon fluide tout en maintenant leur rendement à son plus haut niveau représente depuis longtemps un défi.
C’est pourquoi la boucle de CO2 de CanmetÉNERGIE constitue une véritable avancée qui pourrait avoir des retombées dans toute l’industrie au chapitre de l’efficacité énergétique et de la réduction des émissions de GES.
Cette nouvelle technologie est composée d’une conduite unique de diamètre relativement petit qui fait circuler du CO2 à deux phases (mélange de liquide et de vapeur) dans l’immeuble. Ce système de distribution simplifié facilite grandement l’intégration de thermopompes et l’utilisation de sources d’énergie solaire ou géothermique dans les immeubles. Les thermopompes sont raccordées à la boucle et participent à l’échange de chaleur, quelle que soit leur distance physique à l’intérieur de l’immeuble et leurs modes de fonctionnement, comme le montre le diagramme ci-dessous :
« Cette boucle accroît l’efficacité énergétique du bâtiment en exploitant la récupération de chaleur et en améliorant le rendement de l’appareil de chauffage et de climatisation local », indique M. Bastani. « Cette technologie pourrait éventuellement offrir d’autres avantages, comme une réduction de la consommation d’énergie de circulation, une augmentation de la densité du transfert d’énergie thermique et la diminution du diamètre des conduits d’aération. »
Validation du concept
La boucle de CO2 est compacte et son mode de fonctionnement est simple. Elle fonctionne à la température intérieure pour réduire au minimum les pertes de chaleur dans le système de distribution et pour optimiser l’efficacité énergétique des thermopompes qui y sont reliées. Cette technologie pourrait être particulièrement avantageuse dans les immeubles commerciaux et de bureaux qui ont des besoins de chauffage et de climatisation complexes et simultanés, puisque tous les appareils de chauffage et de climatisation du bâtiment sont raccordés à la boucle afin d’optimiser la récupération de chaleur.
« Ce concept réduit la consommation d’énergie en retirant la chaleur d’une zone de l’immeuble pour la réutiliser dans une autre zone au besoin », explique M. Eslami Nejad.
CanmetÉNERGIE à Varennes a construit un banc d’essai à la fine pointe de la technologie pour étudier l’opération de la boucle au CO2 et évaluer comment elle peut être bien intégrée dans un bâtiment. Le banc d’essai mettra en valeur le concept et démontrera son potentiel à l’échelle pilote.
Ce n’est pas qu’une question d’économies d’énergie
Le projet suscite déjà un grand intérêt, et pour cause! « Il s’agit d’une solution novatrice pour améliorer l’efficacité énergétique du secteur canadien des bâtiments et pour atteindre les cibles de réduction des émissions », souligne M. Bastani. « Mais il ne s’agit pas seulement d’économies d’énergie. Cette technologie accroît la souplesse et facilite l’extension du système de CVC grâce à sa configuration modulaire et à la décentralisation du chauffage et de la climatisation. »
Dans le cadre de ce projet, les deux chercheurs travaillent en collaboration avec une équipe d’ingénieurs et de techniciens à CanmetÉNERGIE. M. Eslami Nejad a fait une demande et obtenu une subvention à la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie qui permettra à l’équipe d’embaucher deux étudiants pour effectuer d’autres recherches sur l’optimisation du système et sur l’utilisation de cette technologie pour intégrer des sources d’énergie renouvelable dans les immeubles.
« Le programme de recherche interdisciplinaire de ce projet encourage les étudiants à acquérir des compétences dans divers domaines, y compris la modélisation numérique et analytique, l’expérimentation et l’analyse de données expérimentales, et il forme les étudiants pour qu’ils puissent profiter des débouchés professionnels dans le domaine », indique M. Eslami Nejad.
« C’est vraiment emballant de pouvoir réaliser des recherches sur ce concept fort intéressant et contribuer à ce projet », précise Sepehr Gholamrezaie, qui va bientôt rejoindre l’équipe à titre d’étudiant au doctorat de Polytechnique Montréal.
En plus de participer à ces activités de recherche, CanmetÉNERGIE collabore avec les acteurs de l’industrie pour obtenir leurs conseils et expertise afin de surmonter les défis de ce concept novateur et d’en envisager l’intégration rapide dans les systèmes de CVC.
« Bientôt, les entreprises admissibles pourront se joindre à nous pour contribuer à préparer le concept à la réalisation de projets réels et au déploiement de la technologie sur les marchés », déclare M. Bastani.