Les hypersensibles à la pollution nous rappelent qu'elle nous affecte tous plus ou moins, comme les canaris que l'on envoyait dans les mines pour vérifier si des gaz toxiques y étaient présents. Quand les canaris tombent au combat, cela devrait nous inciter à assainir notre environnement! 
© seriouslysensitivetopollution.org

Marie et Juliette nous livrent leur témoignage sous des pseudonymes, par désir de préserver leur vie privée.

Incapable de trouver un logement adapté à sa condition de santé, Marie est épuisée. Elle est devenue hypersensible aux produits chimiques il y a près de 35 ans. Marie a été exposée à de nombreux polluants : pesticides, moisissures, solvant de toluène dans un emploi de laboratoire où elle travaillait sans ventilation, etc. Et elle a noté ses premiers symptômes en 1987 après la mise en bouche de dix amalgames dentaires au mercure en deux rendez-vous rapprochés, qui s’ajoutaient à dix autres déjà en bouche. Plusieurs chercheurs ont établi un lien entre l’exposition au mercure dentaire et les hypersensbilités environnementales (chimique et électromagnétique). Toutefois, la Régie de l’assurance maladie ne défraie que l’amalgame au mercure pour les enfants et les assistés sociaux et leur interdit de payer la différence entre celui-ci et le composite blanc.

Ceci est pourtant contraire aux recommandations de Santé Canada qui, depuis 1996, conseille aux dentistes d’éviter l’implantation d’amalgames au mercure sur les dents de lait des enfants ainsi que chez les femmes enceintes, les personnes souffrant d’atteintes rénales et « les patients qui risquent de souffrir d’une hypersensibilité allergique au mercure ». Selon le chercheur américain G Mark Richardson, les individus soupçonnant des réactions allergiques ou auto-immunes devraient éviter ces amalgames. Une soixantaine d’études scientifiques répertoriées sur le site EMF Portal rapportent que les champs électromagnétiques génèrent des microfuites de mercure dentaire liés à divers symptômes d’électrohypersensibilité.

Marie a obtenu son diagnostic d’hypersensibilité aux produits chimiques en l’an 2000 de l’hématologue Pierre Auger, spécialiste de la médecine du travail et de l’environnement. En 2016, son médecin de famille posait celui d’électrohypersensibilité après la multiplication d’autres sources de micro-ondes pulsées (compteurs intelligents, antennes, Wi-Fi, etc.) dans son quartier.

Depuis 2004, elle a vécu de nombreux déménagements. Aujourd’hui âgée de 65 ans, cette musicienne rêve d’enfin trouver un logement social adapté à son état de santé. Voici son témoignage.

« Mon propriétaire a repris son logis le 1er juillet prochain et pour le moment j'habite dans un logement où les émissions de formaldéhyde m'incommodent. Je suis toujours à la recherche d’un logement sans voisins immédiats dans le même immeuble (maison unifamiliale, garage transformé, etc.), à moins qu’ils ne partagent le même mode vie sans produits toxiques ni technologies sans fil. Dans le logement social, on n’a pas à subir de reprise de logement par un propriétaire. C’est la pire année pour se retrouver dans cette situation, avec la hausse faramineuse des loyers et la pénurie de logements. Même les entrepôts sont pleins depuis mars.

Dans le multilogement, il y a de la fumée, des matériaux toxiques, des compteurs intelligents regroupés et les gens utilisent des produits parfumés. C’est la raison pour laquelle les personnes à faible revenu, qui ne peuvent se procurer leur propre maison adaptée, se retrouvent en situation d’errance qui expose les femmes à de plus grands risques de violence.

Les moisissures, un danger pour tous

Les moisissures sont notre problème le plus pressant. Il faudrait une importante campagne de sensibilisation parce que la plupart des propriétaires sont ignorants de cette problématique. Les moisissures aggravent les hypersensibilités et probablement n’importe quel problème de santé. Je rencontre des moisissures d’un logement à l’autre, en particulier dans les vides sanitaires et les sous-sols, par exemple sur les dalles de béton sans pare-vapeur. C’est souvent de la mauvaise construction.

En plus, les moisissures créent des conflits avec les propriétaires parce que les locataires sont habitués à les tolérer et à ne pas s’en plaindre. On passe pour des gens difficiles.

Même des propriétaires bienveillants et attentifs à notre condition de santé peuvent refuser de nous louer, de peur de nous rendre malades s’ils font des travaux. Cela m’arrive souvent : ‘’Je ne peux pas te louer, ce n’est pas assez bien pour toi ’’, disent-ils. Cela fait de la place pour les propriétaires qui ne se soucient pas de notre santé. Plusieurs personnes se sont fait tenir ces propos.

Pourtant, nous ne sommes pas des fardeaux, nous avons beaucoup à apporter à la société. Partout où nous allons, nous informons les gens sur le lien entre l’environnement et la santé. Nous sommes de bons locataires, nous prenons soin des logements : nous ne permettons pas à des dégâts d’eau de rester non traités et de dégénérer en moisissures.

Paradoxalement, si on veut aller dans du neuf où il n’y aurait pas de moisissures, les matériaux (bois d’aggloméré émetteur de formaldéhyde, revêtements de vinyle qui dégagent beaucoup de composés organiques volatils, etc.) sont tellement toxiques pour une personne très chimicosensible que c’est encore pire à court terme qu’une quantité moyenne de moisissures, qui elles sont très destructives à long terme. Nous devons donc renoncer à un logement neuf s’il n’est pas adapté.

Malheureusement, en logement social, nous ne pouvons pas bénéficier d’un logement neuf adapté parce que le programme québécois de supplément au loyer exclut les immeubles privés de moins de cinq ans.

On trouve des logements sociaux sans fumée dans plusieurs provinces, même au Yukon, mais le Québec refuse d’y interdire le tabagisme. On ne peut pas vivre en HLM si on ne tolère pas la fumée secondaire. De nombreuses personnes hypersensibles se retrouvent donc dans des situations périlleuses, entre autres les femmes qui représentent les trois quarts des personnes touchées par cette condition. C’est un drame humain méconnu mais grave. J’ai vu mourir des gens, une en logement social et trois par suicide. L’aide médicale à mourir ne nous est pas offerte. Nous ne vivons ni ne mourrons dans la dignité. »

Pour en savoir davantage :

http://hypersensibiliteenvironnementale.com

Avez-vous un logement sain et abordable à louer? Écrivez-nous à info@maisonsaine.ca et nous vous mettrons en contact avec des personnes hypersensibles à la recherche d’une telle habitation adaptée à leurs besoins.

 Lire ce très important excellent article sur les découvertes de l'allergologue américaine Claudia Miller, sommité en matière perte de tolérance aux aliments, aux produits chimiques, aux médicaments, etc. induite par les produits toxiques : https://www.discovermagazine.com/the-sciences/extreme-chemical-sensitivity-makes-sufferers-allergic-to-life
© Keith Negley pour Discover Magazine.

L'histoire de Juliette

Sans même d’adresse à communiquer à l’entreprise de déménagement dont elle avait réservé les services, Juliette s’apprêtait à quitter l’univers paisible qui l’avait abritée un trop court moment.  C’est à regret qu’elle libérait ce « paradis sur terre pour électrohypersensibles », cette oasis de paix dénichée avec la précieuse collaboration d’amies qui l’avaient appuyée dans ses recherches quelques mois plus tôt. La période de location de ce chalet en bois rond construit sur un terrain de 180 000 pieds carrés se limitant à deux mois, Juliette devait donc concéder ce céleste logis aux vacanciers qui l’avaient judicieusement réservé au cours de l’année précédente. Après des heures de recherches laborieuses, elle optait pour le seul endroit acceptable qu’elle avait repéré, soit une maison dont le bail mensuel s’élevait à 2 200$. 

« J’ai un revenu fixe d’invalidité, alors je vais devoir limiter au maximum toutes mes autres dépenses pour les prochains mois, incluant le budget accordé pour la nourriture », précise-elle dans un témoignage (dont elle remercie Annie pour la révision). L’automne dernier, lorsqu’elle avait dû quitter d’urgence la maison qu’elle louait à la suite d’un dégât d’eau important qui avait nécessité des travaux de rénovation majeurs, elle avait couché pendant deux mois dans une tente derrière la résidence d’une amie.

Tout juste après avoir emménagé dans la nouvelle maison, Juliette constate qu’elle était pourvue d’un compteur intelligent émetteur de micro-ondes pulsées.  « Dès mon entrée dans cette demeure, j’ai ressenti un mal de tête intense, des acouphènes, des engourdissements à travers tout le corps et tout particulièrement sur une moitié du visage, ainsi que de l’insomnie. Comme j’étais incapable de présenter une demande en ligne pour un compteur non communicant, j’ai téléphoné chez Hydro-Québec et le préposé aux appels, très sensible à ma requête, a saisi l’urgence de ma situation. En moins de 24 heures un technicien remplaçait mon compteur pour un modèle non communiquant. Dans cette maison, j’ai également découvert des caméras de surveillance extérieures qui pulsaient des ondes Wi-Fi que j’ai dû désactiver. De toute évidence, le modem en place pulsait lui aussi des micro-ondes. J’ai dû communiquer avec le fournisseur de ce modem pour faire désactiver le Wi-Fi. Quelques jours plus tard, j’ai ouvert la télé intelligente fournie avec la location et à ma grande surprise, je n’ai pas été la seule à réagir.  Mon chien s’est subitement mis à courir dans tous les sens comme s’il était assailli par un essaim d’abeilles. Dès l’instant où j’ai tout débranché, il est retourné calmement se coucher. »

En 2009, Juliette s’était fait construire une maison saine. Quatre ans plus tard, c’est à la hâte qu’elle la vendait puisqu’on s’apprêtait à ériger une tour de téléphonie cellulaire à 1 km de sa résidence.  « Lorsque je suis près des tours, c’est comme si quelque chose de lourd me compressait la poitrine et je me mets à tousser. J’ai la sensation de manquer d’oxygène. »

Une recherche de longue haleine

Au cours des dernières années, Juliette a dû changer d’adresse à quelques reprises. « Avant de trouver un endroit convenable où me loger, je dois communiquer avec au moins 200 personnes pour avoir des précisions sur l’emplacement. J’ai visité plus d’une quinzaine d’endroits dans les régions de Lanaudière et des Laurentides; j’ai parcouru énormément de kilométrage. C’est un travail pénible et épuisant pour un électrohypersensible de se dénicher un endroit où s’installer. Avant même de faire un seul contact, j’élimine plus de 50 opportunités puisque je dois d’abord évaluer la distance de la tour de téléphonie cellulaire la plus proche (en utilisant la carte canadienne des antennes), l’endroit où se trouvent les lignes de haute tension, la proximité des voisins et autres particularités. Sur place, je dois vérifier s’il y a présence de lampadaires près de la maison (je réagis fortement aux lumières DEL), voir si les voisins possèdent une thermopompe, un moteur de piscine, un système d’alarme et autres, et également m’assurer qu’il n’y a pas de compteur intelligent à proximité.

Les thermopompes et tous les autres appareils à moteur rotatif m’incommodent particulièrement. J’ai aussi le sentiment que mes malaises s’aggravent lorsque des ventilateurs sont installés au plafond.

Très jeune j’ai rapidement constaté qu’une randonnée en motoneige m’affaiblissait, car je débarquais toujours de ces engins totalement épuisée, tout comme si je descendais d’un manège à la Ronde. De plus, les odeurs de gaz naturel ou propane ou autres produits pétroliers m’ont toujours intensément incommodée.

Pour mon travail, j’ai souvent séjourné dans des hôtels. Je devais toujours choisir une chambre ailleurs qu’au dernier étage, car les vibrations produites par les systèmes de climatisation et de ventilation me "rentraient dans le corps".  Chambre aux abords de l’ascenseur ou près de la machine à glace = CAUCHEMAR!

Les frigos et les congélateurs font aussi partie des électroménagers qui m’empêchent de dormir si l’emplacement de mon lit se situe dans un périmètre où je capte leurs vibrations. Les nouvelles cuisinières sont aussi problématiques dans mon cas, tout particulièrement les fours à convection.

Il y a quelques années, lorsque les ampoules fluocompactes ont remplacé les bonnes vieilles ampoules à incandescence, j’avais l’impression que j’étais sur le point de m’évanouir lorsque je me trouvais à moins de trois mètres de l’une d’elles. Par ailleurs, j’ai été une des premières personnes à mentionner que les ampoules DEL m’affectaient au plus haut point, mais on me répétait que c’était idéal pour les électrohypersensibles (EHS)!

Si des véhicules imposants (gros camions, tracteurs, etc.) sont immobilisés mais toujours en marche, les ronronnements du moteur déstabilisent également mon corps.

Lors de visites chez des amis, ils doivent éteindre leur téléviseur ou leur radio, puisque ces appareils m’occasionnent une sensation envahissante et très inconfortable de trop-plein de bruits et de radiations.

Malgré cette condition des plus incommodantes, je me considère choyée pour une EHS. Mon entourage reconnait ma condition et se dévoue volontiers pour tenter de m’accommoder. Plusieurs personnes, désireuses d’en apprendre davantage, me questionnent sur cette condition.  Je prends plaisir à leur préciser qu’on nous appelle parfois "les anges de la santé", car les gens profitent de nombreuses recherches que nous avons faites pour améliorer notre condition. Les gens sont très reconnaissants d’appliquer les précautions que nous leur avons communiquées afin de diminuer leur propre exposition aux champs électromagnétiques. Ils ne s’en portent que mieux, car souvent ça les aide à avoir une meilleure qualité de vie et surtout à mieux dormir! Selon la toxicologue ontarienne Magda Havas, plus du tiers de la population souffre d’électrohypersensibilité et la plupart n’ont pas établi de lien entre leurs symptômes et l’exposition aux ondes : ils vivent par exemple de l’insomnie, des maux de tête, des palpitations, de la difficulté à se concentrer, des acouphènes, des étourdissements, des problèmes digestifs, de la haute tension artérielle, une sensation de ne jamais être reposé même au réveil, etc.

Malgré mon électrohypersensibilité,  je dois ma qualité de vie à André Fauteux1, Dr Paul Héroux2, Stéphane Bélainsky3, Lucie4, Roger Sarrasin5 et Sylvie Robitaille5 qui, à tout moment depuis des années, ont répondu à mes questionnements et m’ont procuré un coffre à trésors d’informations pertinentes. Je les considère comme mes mentors et je les remercie du fond de mon cœur, puisqu’ils veillent sur la santé et le bien-être de chacun d’entre nous. »

  1. Éditeur de La Maison du 21e siècle : maisonsaine.ca/electrosmog
  2. Professeur de toxicologie des ondes : http://www.invitroplus.mcgill.ca
  3. Consultant en hygiène électromagnétique : http://www.em3e.com
  4. Une ange discrète.
  5. Professeur d’informatique : https://www.facebook.com/roger.sarrasin.7
  6. Présidente du Rassemblement Électrosensibilité Québec : http://www.electrosensibilitequebec.com/