Daniele Oppizzi croit tellement aux maisons solaires qu’il vient d’écrire un livre sur le sujet, en plus d’être le premier fabricant de maisons québécoises au rendement énergétique pouvant être certifié « net zéro ». Grâce à leur enveloppe thermique ultraperformante et à leur petit système solaire photovoltaïque (PV) de jusqu'à 3,6 kilowatts de puissance, ses maisons solaires ILAND ont le potentiel de produire annuellement plus d'électricité que ses occupants en consommeront. Son entreprise, Maisons Solaires ILAND, de Val-David (Laurentides), se distingue en ce sens que le système PV n’est pas une option mais fait partie intégrante de toutes ses maisons hyperisolées (triple vitrage, murs R-42, plafond R-70 et plancher R-60 en l'absence d'un sous-sol). Ces maisons ont une consommation en chauffage de 25 à 35 kWh/m2, soit quatre à cinq fois moins qu’une maison classique au bas mot, affirme l’auteur du nouveau livre L’or est dans le ciel! L’architecture solaire sauvera la planète (ILAND Éditions, 140 pages, 2019).
Le rêve solaire de Daniele Oppizzi
C'est l'histoire d'un petit garçon suisse qui a rêvé de sa première maison solaire à l’âge de 8 ans et qui fut stagiaire dans un cabinet d’architectes à 15 ans. Daniele Oppizzi a aussi été enseignant et vice-directeur de la formation en sciences de l’environnement à l’Université de Neuchâtel. Bachelier en architecture, titulaire de maîtrises en science (biologie et géologie) et en administration, et détenteur de 16 brevets internationaux dans le domaine du solaire, il a construit ses premières maisons solaires dans les Alpes Suisses en 1985.
Il a émigré en 2015 au Québec où il a constaté une évolution de la popularité des maisons solaires. « Il y a cinq ans, la demande n’était pas au rendez-vous, de dire le président d'ILAND. Il y a trois ans, nous avons senti un intérêt au Salon national de l’habitation. Maintenant, les gens ont fait le pas et on explose de travail. » Pour preuve de l’engouement envers ses maisons ILAND, il dit que sa petite usine de 8 000 pieds carrés (pi2) est rendue trop petite. Après avoir démarré celle-ci en octobre 2018, il prévoit livrer sa 15e maison d’ici la fin de l’année et déménager l’an prochain dans des locaux plus grands.
Clients et employés avant-gardistes
Il attribue son succès notamment à la nouvelle génération d’acheteurs et d’ouvriers pour qui le virage vert est essentiel. « Notre clientèle est assez jeune, surtout des couples dans la trentaine qui démarrent dans la vie et qui veulent tous une maison écologique, dit-il. Cent pour cent d’entre eux veulent léguer un héritage écoresponsable à leurs enfants. Ils veulent d’abord offrir une maison qui ne coûtera presque rien à chauffer parce qu’ils savent que demain la vie va être plus chère et plus compliquée qu’aujourd’hui. »
L’entrepreneur se dit aussi ravi de l’enthousiasme de ses employés. « J’ai formé des jeunes super intéressés par les nouvelles façons de bâtir. On va plus loin qu’avec des vieux menuisiers qui ne veulent pas changer leur façon de travailler. Tous les jours on se rencontre pour améliorer nos procédés. On construit des murs avec des coins en 2x10 et à ossature double en 2x4 séparés par des espaces coupant les ponts thermiques. Les cavités sont isolées à la cellulose haute densité (trois livres au pied cube) par un sous-traitant. »
Les maisons ILAND consistent en des modules d’environ 500 pi2 dont les procédés de fabrication en usine sont certifiés par l’Association canadienne de normalisation (Canadian Standards Association –CSA) selon la norme CAN/CSA-A277. Les fabricants de maisons certifiées CSA doivent respecter des cahiers de charges très stricts au chapitre du contrôle de la qualité. « Notre manuel de qualité s’assure aussi que nos maisons sont prêtes pour recevoir la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), même si peu de gens veulent les faire certifier. »
Écolo et abordable
Daniele Oppizzi dit que la plupart de ses clients optent pour des maisons de 1 000 à 1 500 pi2. Elles sont offertes à partir de 149 $ le pied carré incluant le revêtement extérieur en bois massif et le système PV, mais excluant les fondations, les services hydriques et les taxes. ILAND utilise les panneaux solaires en minces couches de cuivre, d’indium, de gallium et de sélénium, qui s’intègrent aux façades ou aux toitures des bâtiments.
Il dit répondre aux demandes de sa clientèle, qui recherche une maison saine et écosolaire abordable, et être prêt à fournir toutes les options désirées. Ainsi, un client, désireux de minimiser son exposition aux champs électromagnétiques, a demandé que sa maison soit dotée de câblage électrique blindé dans les murs et de câble éthernet pour une connexion Internet haute vitesse plus saine, plus rapide et plus cybersécuritaire que le Wi-Fi. « Le surcoût du filage est d’environ 35 % et il faut souffler le mur en ajoutant un espace de 32 mm entre le gypse et l’isolant. »
Minimiser l'achat d'énergie
Chez Ecohabitation, l’organisme qui certifie les maisons LEED au Québec, le directeur Emmanuel Cosgrove confirme qu’il n’a pas entendu parlé d’autres constructeurs québécois intégrant du PV à ses maisons. « C’est un peu fou parce que ce n’est pas rentable, mais c’est du bon marketing. Il fallait bien que quelqu’un plonge. J’ai hâte de voir ses maisons, mais il n’en a jamais inscrite au programme LEED. »
« Ce n’est pas du marketing, répond M. Oppizzi qui compte faire certifier ses maisons par le programme Novoclimat cet hiver, car nos maisons, vu qu’elles ne consomment presque rien, les panneaux solaires peuvent « payer » l’énergie nécessaire au chauffage, ce qui fait des Maisons Solaires ILAND les premières maisons net zéro du marché. C’est loin d’être du marketing, c’est un concept en lui-même qui tient la route. Je ne recherche pas la rentabilité des panneaux solaires, je veux réduire les besoins des maisons en énergie! Le but est atteint et il est honnête et cohérent avec le produit! »
Échangeur d'air à thermopompe
Depuis ce printemps, l’air de ses maisons à haute performance est chauffé, ventilé, déshumidifié, filtré et refroidi par un échangeur d’air à thermopompe de marque Minotair, premier du genre certifié par le Home Ventilating Institute. « Il peut même tempérer un vide sanitaire à 15 degrés Celsius et il est possible de le doter d’un élément de cinq kilowatts pour chauffer par grands froids, ce qu’apprécient les gens qui travaillent à la maison, explique M. Oppizzi. Bien que nous offrons l’option du chauffage d’appoint au bois ou aux granules, c’est le seul système de chauffage et de ventilation requis dans nos maisons. Notez qu’il nécessite de grossir les conduits de ventilation à huit pouces de diamètre au lieu de six. L’appareil côute environ 6 500 $ de plus que l’installation de plinthes électriques, ou moins si vous prévoyez installer des convecteurs. Il faut aussi déduire de ce surcoût les 3 000 $ associés à l’installation d’un ventilateur récupérateur de chaleur. »
Petit système PV
Daniele Oppizi a choisi de doter ses maisons d’un système PV de 1,4 à 3,6 kilowatts de puissance dont les surplus d’électricité produite en été sont stockés sur le réseau d’Hydro-Québec. Ainsi ses clients n’ont pas à acheter de batteries et ils peuvent s’inscrire à l’option tarifaire mesurage net de la société d’État, qui crédite l’électricité stockée sur son réseau. Les clients qui veulent une véritable maison nette zéro devront toutefois calculer leurs besoins en énergie pour choisir une puissance de modules PV accrue, un système de 6 kW et plus étant la norme. « Nous avons calculé la puissance du système PV pour couvrir la seule consommation nette zéro seule du Minotair, précise Daniele Oppizzi. C’était trop compliqué de tenir compte de tous les appareils, parce que les gens ne savent pas combien ils consomment. Souvent, c’est Noël toute l’année, leur éclairage extérieur et la plupart de leurs appareils sont allumés tout le temps! »
Comme il l’a écrit dans son livre, ce n’est qu’après avoir expérimenté l’énergie solaire et la haute efficacité énergétique que les sceptiques et les novices en deviendront des champions. « Tant que nous restons dans le doute sur les possibles, ou figés dans des idées non éprouvées sur le terrain, nous ressentirons un manque de confiance en soi et une incertitude sur le fait d’avoir pris la bonne décision et de l’assumer. Va toujours de l’avant, me disaient mes parents. Vis et expérimente! Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, l’accès au savoir par la connaissance a pris le dessus sur l’apprentissage par l’expérience. “Les mains dans la terre” sont devenues “des têtes dans les nuages”... »
Pour en savoir davantage
Le mode de vie net zéro sous la loupe d’Écohabitation