L’idée semblait brillante. Des compteurs d’électricité ou de gaz qui utilisent des radiofréquences pour transmettre sur de longues distances vos données de consommation et qui pourraient un jour reporter l’usage de certains appareils énergivores en période de pointe, alors que les tarifs seront plus élevés. Hydro-Québec teste présentement environ 3 000 de ces compteurs dits intelligents à Saint-Jean-sur-Richelieu, Trois-Rivières, Sept-Îles et Val-d'Or. D'ici 2017, Hydro-Québec compte remplacer 3,8 millions de compteurs mécaniques par cette nouvelle technologie digitale.
Toutefois, ces compteurs dits « intelligents » inquiètent sérieusement les personnes hypersensibles à la pollution électromagnétique. En effet, elle risque de mettre en péril leur dernier refuge contre les méfaits sanitaires de l’électrosmog. « Pour moi, ce serait une catastrophe, je n’aurais d’autre choix que de déménager », affirme José Levesque, un résidant de Saint-Colomban, dans les Basses-Laurentides.
En mai 2009, l’homme de 40 ans, père de deux adolescents, a dû quitter définitivement son emploi d’installateur et programmeur de centrales de téléphonie sans fil dans des magasins et usines à grande surface. Ces systèmes sont semblables aux routeurs d’ordinateurs Wi-Fi et aux téléphones sans fil résidentiels (dont l’usage est déconseillé en vertu du principe de précaution par les gouvernements allemand et suisse), sauf qu’ils sont dotés de plusieurs antennes relais. Exposé pendant huit ans aux micro-ondes émises par ces systèmes, M. Levesque est soudainement devenu électrosensible à la fin de 2005. « Au début, ça pinçait dans mon oreille lorsque je téléphonais. Ensuite, j’avais beau utiliser une oreillette, j’étais étourdi et mon oreille bourdonnait. Puis en me levant un matin, je marchais comme un gars saoul et j’entendais un timbre comme un détecteur de fumée dans mon oreille. » Il a ensuite compris qu’une faible exposition à des micro-ondes augmente la tension artérielle dans sa tête : « Mon visage devient engourdi, j’ai mal à la tête, et si je persiste à rester là de nombreuse heures, je peux même saigner du nez ou des vaisseaux sanguins peuvent éclater dans mes yeux. Ça m’est déjà arrivé dans un hôpital du centre-ville doté d'émetteurs de téléphonie et Wi-Fi! »
En visite chez un ami, il a d’ailleurs éprouvé ce même mal de tête avant de découvrir qu’Hydro-Québec avait installé un compteur sans fil sans en avertir le propriétaire. « J’ai mesuré les ondes avec mon lecteur de radiofréquences et ça tapait au fond, à plus de 2 000 microwatts par mètre carré » (µW/m2). » Au moins deux groupes d’experts américains (bioinitiative.org et buildingbiology.net) recommandent de ne jamais être exposé à plus de 10 µW/m2 et idéalement de s’en tenir à 0,1 µW/m2.
L’expérience californienne
En Californie, le fournisseur d’énergie Pacific Gas & Electric avait déjà installé deux millions de ces nouveaux compteurs avant de découvrir que certains étaient imprécis, entraînant des surfacturations. En outre, 2 000 personnes se sont plaintes de symptômes attribués aux brèves mais intenses pulsations de micro-ondes qu’ils émettent périodiquement. Une vingtaine de municipalités ont imposé un moratoire d’un an sur leur installation, et le représentant démocrate de San Rafael, Jared Huffman, a pour sa part demandé une enquête sur leurs effets sanitaires.
Malgré ces plaintes et bien qu’aucune étude n’ait encore été réalisée sur l’innocuité des compteurs sans fil, les autorités affirment que les technologies sans fil sont sécuritaires : « Santé Canada n’a aucune raison scientifique de considérer l’usage des téléphones cellulaires ou des équipements Wi-Fi comme dangereux pour la santé », nous écrivait récemment Christelle Legault, attachée de presse au ministère fédéral. Quant à José Levesque, plusieurs médecins lui ont dit ne pas pouvoir traiter l’électrosensibilité : « Certains avaient peur de perdre leur droit de pratique car cette condition n’est pas reconnue par le Collège des médecins du Québec » (lire le texte suivant).
De nombreux Ontariens se plaignent également de malaises attribués aux compteurs sans fil du fournisseur d’électricité Hydro One, relate Martin Weatherall, un résidant de Stratford, dans la région de Kitchener. Cet ancien policier devenu électrosensible dirige l’Initiative canadienne pour arrêter la pollution électromagnétique sans fil et électrique (www.weepinitiative.org). Depuis que ces compteurs ont été installés, dit-il, des citoyens de Stratford se plaignent de problèmes de sommeil, de maux de tête, de vertiges, de cauchemars, de colères inexpliquées, d’animaux malades, etc. Des symptômes qui ne se résorbent que lorsque cesse l’exposition, par exemple en couchant au sous-sol, en recouvrant les murs avec un revêtement d’aluminium ou en quittant leur domicile.
Explications techniques
Ces compteurs dits intelligents sont « très préoccupants », affirme un expert en électrosmog basé au Wisconsin, Dave Stetzer, sur son site Web electricalpollution.com. « Ils vous exposent à des radiofréquences (dont des micro-ondes) de façon continuelle et sans votre consentement. Vous êtes exposés aux émissions de tous les compteurs dans votre secteur car ils ont une portée de transmission de plus de 2 milles (3,2 km). C’est ce qui expliquerait pourquoi une personne dont le compteur transmet seulement une fois par heure peut avoir des problèmes de sommeil. » Cependant, la situation serait encore plus dangereuse si un répétiteur est installé sur votre maison. Certains de ces appareils compilent les données sur la consommation de jusqu’à 500, voire 1 000 maisons, plus de 100 fois par minute dans le cas du modèle de Trilliant Networks utilisé par Hydro One, rapporte Martin Weatherall.
Selon Dave Stetzer, les objectifs visés avec les compteurs intelligents pourraient être atteints en toute sécurité par d’autres moyens. Par exemple, en envoyant périodiquement de l’information par fil téléphonique ou par câble.
Chez Hydro-Québec, l’attaché de presse Danielle Chabot affirme qu’on n’a pas encore choisi la technologie qui sera retenue pour le projet Lecture à Distance, prévu en 2011. « Un deuxième projet pilote avec environ 25 000 compteurs est prévu à l'été 2011, dans des zones urbaines et rurales, soit : Montréal, Boucherville et la MRC Memphrémagog. »
Enfin, à savoir si la société d’État accommodera les électrosensibles comme José Levesque qui a demandé de conserver son compteur filé, Mme Chabot a répondu : « Il est trop tôt à ce stade-ci du projet pour définir les orientations compte tenu que nous n'avons pas finalisé le choix technologique. Toutefois, pour chaque projet déposé à la Régie de l'énergie, Hydro-Québec procède aux études requises : environnement, santé, etc. Ce dépôt à la Régie de l'énergie est prévu en 2012. »
Pour plus de détails, voici un article de notre numéro d'été 2011 : Le groupe écologiste qui a déclenché la guerre à l'industrie des gaz de schiste s'intéresse au dossier des compteurs intelligents. Selon une étude américaine, dans certains cas, par exemple si vous étiez situé à trois pieds d'un compteur intelligent qui émettrait souvent, votre dose d'exposition aux radiofréquences pourrait dépasser celle d'un usager moyen du téléphone cellulaire.
Lire aussi le site du collectif québécois Sauvons nos enfants des micro-ondes.
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