Une installation septique classique avec fosse et champ d'épandage souterrain (dit « champ d'épuration ») coûte entre 6 000 $ et 12 000 $. La fosse septique, au fond de laquelle se déposent les matières solides organiques qui s'y décomposent partiellement, doit être vidangée de ces « boues » par un professionnel (présence de gaz toxiques) aux deux ans dans le cas d'une résidence occupée en permanence ou aux quatre ans pour une résidence occupée 180 jours ou moins par année. À terme, une fosse non vidangée risque de créer un refoulement d'eaux usées dans la maison et de colmater l'élément épurateur qui ne pourra alors plus faire son travail d'assainissement. © mddelcc.gouv.qc.ca - robvq.qc.ca

Les toilettes à compost autorisées mais sous certaines conditions jugées trop contraignantes par un promoteur québécois de ces « cabinets à terreau ».

Tel qu'il fut proposé en 2016, Québec vient d'autoriser quatre solutions aux propriétaires de résidences existantes contraints d'installer un coûteux système de traitement tertiaire des eaux usées avec déphosphatation. Les modifications apportées au Règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q-2, r. 22) sont entrées en vigueur le 26 avril 2017. L'ensemble des modifications concernent environ une maison sur cinq, soit celles dotées d'un système d'assainissement autonome parce que non raccordées à un réseau d'égout municipal.

Depuis le 20 juillet 2000, le Règlement exige la déphosphatation lorsque qu'un rejet doit être effectué dans un cours d'eau situé en amont d'un lac parce que les conditions de sol (trop rocheux ou argileux, par exemple) ne sont pas propices à la mise en place d'un champ d'épandage souterrain dit d'épuration ou parce qu'un puits est situé à moins de 100 pieds de l'installation septique. La déphosphatation vise à prévenir la dégradation de la qualité bactériologique de l'eau des lacs ainsi que la prolifération de cyanobactéries potentiellement toxiques et est jumelée à un système de traitement secondaire avancé (tels Bionest, Ecoflo ou Enviro-Septic). Cette exigence a fait les manchettes ces dernières années car une telle chaîne de traitement peut coûter 35 000 $ à 40 000 $ à installer et 1 000 $ d'entretien par année, selon le technologue en génie civil Maurice Charbonneau, vice-président de l'Association des entreprises spécialisées en eau du Québec. « C'était exagéré d'exiger un tel système pour des petits chalets de fin de semaine qui valaient moins 100 000 $, affirme le président de l'entreprise Devcon qui conçoit des installations septiques depuis 1985. Avant, un seul système de déphosphatation homologué était disponible sur le marché mais il y en a quelques nouveaux aujourd'hui. » (Voir la liste des cinq fabricants de systèmes d'épuration autonome avancés des eaux usées certifiés sur le site du Bureau de normalisation du Québec et comparer leurs performances précisées dans les annexes des certificats.)

 © David Bird, UQAM
© David Bird, UQAM

Nourrie par le phosphore et l'azote contenus notamment dans les engrais agricoles et le purin de porc et aggravée par le déboisement ainsi que la destruction des rives et des milieux humides, la crise de ces algues bleu-vert a également mis en lumière la désuétude et l'entretien inadéquat de nombreuses installations septiques autonomes en milieu de villégiature. « Notez que l'urine contient de l'azote (N) ET du phosphore (P) et qu'il n'y a pas besoin de beaucoup de phosphore pour occasionner des problèmes, précise l'agronome Sandrine Seydoux, initiatrice du premier Forum Toilettes sans eau, tenu à Deschambault-Grondines en mai 2015. En particulier surtout sous formes minérales (phosphates et nitrates) qui nourrissent directement les algues, aucun de ces deux éléments ne devraient se retrouver dans nos plans d'eau ni nos nappes phréatiques. »

 © MDDECLCC
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« Les modifications apportées au Règlement permettent d'offrir rapidement à des propriétaires de résidences isolées existantes des solutions abordables, pérennes et respectueuses de l'environnement pour l'évacuation et le traitement de leurs eaux usées », a déclaré par voie de communiqué David Heurtel, ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

 © MMDELCC
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Quatre solutions plus abordables

Les quatre solutions proposées aux propriétaires sont les suivantes :

1. Mettre en commun un système avec déphosphatation pour deux résidences isolées existantes, ce qui permet de partager les coûts d'installation variant entre 19 500 $ et 27 000 $.

 © MMDELCC
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2. Installer une fosse de rétention à vidange totale (réservoir étanche avec système d'alarme) pour retenir les eaux usées. Cette fosse coûte de 2 500 $ à 6 000 $ et est indiquée seulement dans un chalet peu fréquenté, car elle doit être vidangée aux quatre à cinq jours lorsque quatre personnes l'utilisent. Pour un chalet habité 47 jours par année, son installation permet d'économiser de 9 500 $ à 21 000 $ comparativement à un système de traitement tertiaire et les coûts d'utilisation sont similaires. Pour une résidence occupée à l'année, les coûts de vidange peuvent atteindre 30 000 $ par année, selon le Ministère.

3. Faciliter la mise en place de systèmes de traitement étanches qui rejettent les eaux usées dans un réseau d'égout municipal.

 © MDELCC
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La toilette à compost

4. Installer un cabinet à terreau (toilette à compost) jumelé à une fosse de rétention pour les eaux ménagères. Cette solution permet la construction d'une chambre supplémentaire dans une résidence isolée mais doit satisfaire certaines conditions : 

• le propriétaire doit obtenir un permis municipal pour l'installer;


• le modèle de cabinet devra être conforme à la norme NSF 41 à partir du printemps 2019, question de permettre aux fabricants d'appareils non certifiés d'écouler leur stock;

• le cabinet doit fonctionner sans eau ni effluent;

• le cabinet doit être installé, utilisé et entretenu conformément aux guides du fabricant;

• le cabinet et son réceptacle à compost doivent être installés à l'intérieur du bâtiment desservi;

• le bâtiment desservi doit être chauffé pendant l'hiver s'il est utilisé durant cette saison;

 Un champ d'épuration consiste en des tuyaux partiellement perforés qui sont déposés dans un lit de pierre concassée. Les microorganismes qui y vivent décomposent les virus, bactéries et autres contaminants des eaux usées qui s'infiltrent dans le sol avant d'atteindre les eaux souterraines. Cet élément épurateur reçoit les eaux usées ayant subi un prétraitement bactérien dans une fosse septique enfouie (en béton, plastique ou fibre de verre) qui reçoit les eaux des toilettes et sépare les liquides, solides et matières grasses. © MDDELCC
Un champ d'épuration consiste en des tuyaux partiellement perforés qui sont déposés dans un lit de pierre concassée. Les microorganismes qui y vivent décomposent les virus, bactéries et autres contaminants des eaux usées qui s'infiltrent dans le sol avant d'atteindre les eaux souterraines. Cet élément épurateur reçoit les eaux usées ayant subi un prétraitement bactérien dans une fosse septique enfouie (en béton, plastique ou fibre de verre) qui reçoit les eaux des toilettes et sépare les liquides, solides et matières grasses. © MDDELCC

• le bâtiment doit être pourvu d'un dispositif de traitement conçu pour recevoir toutes les eaux usées qui seraient produites par le bâtiment, en considérant que des cabinets d'aisances à chasse d'eau y soient installés, sauf si le bâtiment ou le lieu desservi n'est pas alimenté en eaux et ne produit pas d'eaux usées, d'eaux ménagères et d'eaux de cabinet d'aisances. « Le Règlement ne prévoit pas de réduire les débits de conception des ouvrages, étant donné qu'il est toujours possible que des toilettes à chasse d'eau soient installées ultérieurement dans ces résidences, explique le Ministère. Le cas échéant, l'installation septique se retrouverait sous-dimensionnée ou la situation impliquerait des travaux de réfection qui pourraient s'avérer plus coûteux à réaliser. »

Le prototype d'Aliksir menacé

Ces exigences sont dénoncées par Lucie B. Mainguy, présidente du fabricant d'huiles essentielles biologiques Aliksir, fondé en 1988. Mme Mainguy souhaitedévelopper un cabinet à terreau au Québec afin de réduire le gaspillage et la pollution de l'eau domestique. « Quiconque peut choisir une toilette sèche certifiée NSF 41 s'il a des installations conformes aux toilettes à eau, ce qui revient au même qu'avant, sauf qu'il n'y avait pas de norme imposée, dit-elle. Comme on doit avoir les deux systèmes, l'avantage économique est ainsi éliminé. Seuls les écologistes convaincus feront encore l'effort de payer en double. »

 Lucie B. Mainguy, présidente d'Aliksir.
Lucie B. Mainguy, présidente d'Aliksir.

Selon elle, le gouvernement décourage ainsi le développement et l'implantation de nouvelles technologies bénéfiques pour l'environnement. « En effet, les nouvelles dispositions du règlement font des toilettes à compost une solution de dernier recours et retirent toute motivation économique à leur développement », ajoute cette diplômée en architecture. En 2011, son entreprise fut lauréate d'un prix Phénix de l'environnement dans la gestion des matières résiduelles. Aliksir avait alors remplacé le mazout dans sa production en transformant sa principale matière résiduelle, 500 tonnes de muka (biomasse distillée) par année, en paillis pour les cultures et en granules destinées principalement à alimenter la chaudière à vapeur du procédé de distillation. Ces résidus pourraient aussi servir dans les cabinets à terreau.

Mme Mainguy demande au gouvernement d'adopter « dans les plus brefs délais » de nouveaux assouplissements réglementaires, de soutenir la recherche en faveur du développement d'alternatives aux toilettes conventionnelles et de contribuer à sensibiliser les municipalités aux bienfaits des toilettes à compost. « Il serait totalement inadmissible qu'un gouvernement qui prétend être motivé par le développement durable s'abstienne d'encourager les innovations environnementales québécoises, dit-elle. Rappelons que la nouvelle réglementation force maintenant toute toilette sèche à obtenir une certification américaine onéreuse dont ne disposent que trois entreprises présentes au Canada, ce qui rend non conforme le prototype élaboré par Aliksir. Par ailleurs, la nouvelle réglementation omet de considérer les différences de débits d'eau et de contenus entre les différents types d'installations, ce qui retire l'avantage économique potentiel de l'installation de toilettes à compost. Le gouvernement va jusqu'à exiger que le compost soit conservé à l'intérieur de la résidence et chauffé l'hiver! »

Lucie B. Mainguy conclut en disant que ce nouveau règlement n'améliorera en rien notre gestion déficiente des ressources domestiques. « Nous demandons au gouvernement de faire preuve de plus de vision et d'adopter une réglementation axée sur les résultats véritablement atteints par les technologies actuelles et futures. »

Réponse du Ministère

 Efficace et abordable, la Compolette n'est pas autorisée au Québec car elle n'est pas certifiée NSF 41 et s'installe à l'extérieur où on l'utilise sur trois saisons. © http://rha-quebec.org/plan-de-compolette
Efficace et abordable, la Compolette n'est pas autorisée au Québec car elle n'est pas certifiée NSF 41 et s'installe à l'extérieur où on l'utilise sur trois saisons. © http://rha-quebec.org/plan-de-compolette

Clément Falardeau, relationniste au Ministère, rétorque : « Il est faux de dire que les nouvelles dispositions du Règlement font des toilettes à compost une solution de dernier recours » puisque quiconque peut les installer à condition que sa résidence soit dotée d'une installation septique classique. « Avant l'entrée en vigueur du nouveau règlement, le cabinet à terreau était seulement permis aux résidences isolées existantes pour lesquelles aucune autre solution de traitement sur le site ne pouvait être appliquée. » Par ailleurs, il explique que la norme NSF 41 est la seule norme de performance nord-américaine qui soumet les cabinets à terreau à une évaluation de performance. Ceci « afin de s'assurer que la concentration de pathogènes sera sous le seuil sécuritaire établi dans la norme. Cette norme est adaptée au Québec, dans la mesure où le cabinet à terreau est installé dans un bâtiment chauffé pendant l'hiver. »

La réforme du Q-2, r.22 vise également :

  • À reconnaître le scellement des puits effectué en vertu de l'ancien Règlement sur le captage des eaux souterraines (RCES);
  • À permettre aux propriétaires de conserver les composantes existantes qui sont performantes et fonctionnelles lors de la réfection partielle d'une installation septique;
  • À permettre aux propriétaires qui le souhaitent d'installer un cabinet à terreau (toilette à compost);
  • À permettre d'acheminer les eaux usées d'un bâtiment accessoire (ex. : garage privé ou cabanon) vers l'installation septique de la résidence isolée principale et à apporter d'autres modifications techniques;
  • À permettre aux propriétaires de résidences existantes situées aux Îles-de-la-Madeleine de bénéficier des solutions de rechange lorsqu'ils doivent installer des systèmes de traitement tertiaire avec désinfection.

La deuxième et dernière phase de la réforme est en cours. « Notre gouvernement poursuit l'étude d'autres approches qui pourront être inscrites dans la réglementation à moyen terme, affirmait le ministre Heurtel dans son communiqué. Le traitement adéquat des eaux usées est un défi constant que nous devons relever ensemble. Il en va de la santé et de la sécurité de nos collectivités ainsi que de la pérennité des écosystèmes qui nous entourent. »

En effet, une installation septique défectueuse peut dégager des odeurs, polluer un puits ou un cours d'eau, empêcher l'évacuation efficace des eaux usées d'une toilette, libérer un liquide gris ou noir en surface et rendre le gazon à la surface du champ d'épuration spongieux ou plus vert que le reste du terrain. Sur un terrain non propice à l'épuration, il faut installer un système de traitement secondaire avancé (de 9 000 $ à 12 500 $), parfois même un système tertiaire de désinfection ou de déphosphatation (total de 12 000 $ à 27 000 $ selon les conditions du site et le nombre de chambres), d'après le Ministère. Ce sont ces coûts élevés qui ont incité le gouvernement à chercher des solutions plus abordables et respectueuses de l'environnement et de la santé publique. Selon un reportage de l'émission La Facture de Radio-Canada, pour respecter le règlement Q-2, r. 22, un couple de Saint-Jérôme s'est fait ordonner d'installer un système de traitement avancé avec déphosphatation qui coûtait près de 40 000 $. « Le vice-président de la Fédération québécoise des municipalités, Jacques Demers, craint que certains propriétaires perdent leur maison parce qu'ils ne pourront pas payer leur installation septique », expliquait le reportage. Tel qu'autorisé par la Loi sur les compétences municipales, certaines municipalités comme Maskinongé ont dû mettre sur pied des plans de financement à taux d'intérêt avantageux afin d'aider leurs citoyens de remplacer leur installation désuète.

Pour sa part, le technologue Maurice Charbonneau, de Devcon, affirme qu'il cherche toujours une solution avantageuse pour ses clients. « On regarde plein d'alternatives avant de conclure qu'il faut par exemple une fosse scellée avec vidange hebdomadaire qui dévaluera la propriété. À Saint-Adolphe-d'Howard, nous avons négocié une servitude d'infiltration sur le terrain d'un voisin et dans d'autres cas on peut forer un nouveau puits à l'extrémité du terrain du propriétaire. Sur le chemin de la montagne près du Mont Olympia, à Piedmont, la ville a adopté un règlement d'emprunt de 75 800 $ remboursé par une taxe pour les riverains afin de construire un réseau alternatif pour rejet à l'égout municipal. On pompe juste les liquides et ça permet de réduire de beaucoup les coûts. À Bécancour, au bord du fleuve, un tel système central pompe les eaux usées sur 5 km. Cette solution n'est pas connue de tous les bureaux d'ingénieurs. Il suffit d'utiliser une conduite de deux ou quatre pouces de diamètre et de faire un forage directionnel à l'horizontale. On n'a pas à défaire le pavage, contrairement à un système classique avec des conduites de 8 po avec regards et 150 000 $ de pompage. »

Pour en savoir davantage

Eaux usées des résidences isolées (MDDELCC)

Portneuf mise sur les toilettes sèches

Le projet Caca d'or d'Aliksir sur la récupération de chaleur des toilettes à compost

www.eautarcie.org