dx_72_strakaNous avons demandé à l'ingénieur Camille Gagnon, formateur et conseiller technique en confort thermique, efficacité énergétique et ventilation résidentielle, quels sont, pour lui, les cinq produits les plus marquants en mécanique du bâtiment résidentielle et pourquoi. Voici la réponse de cet ancien professeur au cégep de Jonquière et auteur des excellentes chroniques Sous Mon Toit dans le journal Progrès Dimanche de Chicoutimi.

Pas simple de répondre à ça pour un sexagénaire ! Je suis né en 1947, moi monsieur!, et j’ai grandi sur une terre dans un petit village de la Beauce implanté dans le premier contrefort des Appalaches, à Sainte-Marguerite pour être plus précis.Mes points de comparaisons et de références sont donc, tout naturellement, de cette époque lorsqu’il est question, par exemple, de bien-être et de confort thermique résidentiel. Dois-je te préciser que les notions et critères de confort et de bien-être ont beaucoup changé depuis le début des années 50?

Ta question a alimenté plusieurs conversations ces dernières  semaines. J’en ai parlé avec ma vieille mère de 91 ans, avec du monde de ma génération et avec des plus jeunes. Disons que… les points de vue varient beaucoup selon l’âge, l’endroit, l’aisance financière, les souvenirs, bons ou mauvais, qui nous en restent, etc.

Premiers choix liés à des souvenirs d’enfance 1 - Dans la maison de mon enfance, nous avons eu l’eau chaude courante et une salle de bain, seulement en 1954 : j’avais alors 7 ans. Cette eau chaude était stockée dans « une tank », non isolée, localisée dans une penderie derrière le poêle à bois. Deux tuyaux, d’acier je crois, raccordaient ce réservoir au poêle. L’eau chauffée dans le poêle circulait par gravité entre les deux appareils. Comme nous avions un puits artésien près de la maison, une pompe à piston, localisée à la cave, alimentait les différents appareils en eau potable, dont cette « tank d’eau chaude ». Il faisait tellement chaud dans cette penderie que ma mère s’en servait pour faire sécher les serviettes mouillées et, en hiver, nos vêtements trempés lorsque nous revenions d’avoir joué à l’extérieur.

Plus tard, ce chauffe-eau artisanal a été remplacé par un chauffe-eau à l’huile, localisé à la cave. Il fut installé en même temps qu’une chaudière à eau chaude au mazout donnant un chauffage partiellement central (plinthes à eau chaude dans les pièces du rez-de-chaussée et dans la salle de bains à l’étage). Ce nouveau chauffe-eau fut une seconde révolution : nous avions enfin de l’eau très chaude à volonté pour, entre autres, prendre des bains. Plusieurs années plus tard, longtemps après mon départ de la maison familiale, ce chauffe-eau au mazout a été remplacé par un chauffe-eau électrique.

Tu comprendras donc aisément qu’un chauffe-eau fournissant de l’eau chaude à volonté, en été aussi bien qu’en hiver, arrive pour moi nettement en tête de liste des produits importants.

Comme le chauffe-eau parfait restera toujours à inventer, on pourrait tenter de raffiner le propos en comparant les avantages et inconvénients, dans divers contextes d’utilisation, d’une source d’énergie par rapport aux autres et d’un type d’appareils par rapport aux autres… Mais pour faire court, disons qu’il faut évidemment privilégier les chauffe-eau offrant le maximum d’efficacité l’énergétique, les chauffe-eau qui font appel à des énergies gratuites et/ou renouvelables et les chauffe-eau qui sont d’un prix abordable pour le portefeuille de l’acheteur.

2 - Pour ma femme, qui a grandi, elle, dans un rang « en banlieue » d’un petit village au Lac-St-Jean, la plus belle mécanique résidentielle de confort a été la fournaise centrale à l’huile raccordée à un thermostat. Pour moi, cet «appareil à thermostat» viendrait, compte tenu de mes souvenirs d’enfance, tout juste au deuxième rang après l’eau chaude à volonté.

Dans les campagnes, avant la venue de l’huile à chauffage, le bois était l’unique source d’énergie de chauffage. Généralement, une fournaise au bois localisée à la cave «déversait» de l’air chaud, en hiver, par une ou deux grilles centrales de plancher. La cuisinière au bois contribuait en grande partie également, sinon en totalité, au chauffage des espaces occupés. Ces appareils au bois avaient de grands inconvénients : en été, la cuisinière surchauffait souvent la maison si elle n’avait pas de cuisine d’été; en hiver, il y avait une mauvaise distribution de la chaleur entre les pièces et nous vivions régulièrement des petits matins glaciaux dans les chambres peu ou pas chauffées directement; parfois de terribles feux dans les cheminées et les tuyaux de raccordement semaient la panique dans la maison (ma femme te moi avons quelques souvenirs de cette nature); etc.

Pour nous donc, qui avons connu cette époque du chauffage au bois comme unique source de chaleur, les systèmes et appareils de chauffage actionnés et régulés par thermostat(s), quelque soit la source d’énergie utilisée, sont un indéniable progrès au niveau du confort résidentiel. Pour toute la poésie du chauffage au bois… on repassera!

Lorsque j’ai commencé à enseigner la mécanique du bâtiment, à la fin des année 70, il n’y avait que peu de mécanique dans un bâtiment résidentiel (essentiellement quelques appareils de plomberie et de chauffage). Et cette mécanique était généralement fort simple. Aujourd’hui, les produits, équipements et systèmes sont pratiquement aussi variés et souvent aussi complexes que ceux que l’on rencontre dans les bâtiments commerciaux et institutionnels.

Autres choix Construire des habitations dont leurs caractéristiques énergétiques réduiront la consommation d’énergie au minimum tout en y maintenant le milieu sain et confortable, demeurera toujours le meilleur « système de chauffage », quelque soient les sources d’énergie utilisées.

3 et 4 - Comme les divers systèmes dans un bâtiment fonctionnent en synergie, je dirais que les matériaux et les assemblages donnant une grande étanchéité et une valeur isolante élevée à la coquille d’une résidence, font partie des produits importants. Dans ce groupe, les fenêtres éconergétiques, choisies et localisées pour optimiser les gains solaires, arrivent en tête de liste. Elles sont suivis des panneaux isolants pare-air et/ou pare-vapeur performants, mis en place selon les règles de l’art.

En plus de réduire grandement les besoins de chauffage en profitant du rayonnement solaire, les fenêtres dotées de vitrages à faible émissivité permettent, aussi, d’obtenir un bien meilleur confort thermique toute l’année et de maintenir à l’intérieur, par temps froid, un taux d’humidité approprié sans provoquer de condensation importante sur les vitrages.

Quand aux panneaux isolants recouvert d’une membrane, ils permettent d’obtenir facilement des parois étanches en posant un ruban sur les joints et en scellant les extrémités.

5 - Parmi les appareils qui ont un bel avenir devant eux, il y a en tête de liste, selon moi, les systèmes géothermiques couplés à des panneaux solaires.

Dans un pays comme le nôtre, où les besoins de chauffage dépassent largement les besoins de refroidissent, l’utilisation à grande échelle de la géothermie résidentielle pourrait cependant amener des problèmes à plus ou moins long terme : avec les années, la température moyenne du sol autour des puits de chaleur pourrait s’abaisser. Réchauffer le sol autour de ces puits en été, par chauffage solaire, pourrait être une avenue intéressante à explorer.

Pour en venir à une utilisation à grande échelle de la géothermie, il faudrait deux choses cependant : une augmentation importante du prix unitaire des différentes sources d’énergie (ce qui viendra fatalement) et une réduction des coûts d’achat et d’installation de ces systèmes, compte tenu de leur amortissement et de leur durée de vie.

Salutations !

Camille Gagnon