L’on peut produire ses propres végétaux par semis intérieurs grâce à une bibliothèque avec des néons fixés aux tablettes. © Claudia Charbonneau  

Chargée de cours à l’UQAM en maisons saines, énergie et environnement, l’auteure est horticultrice et dirige l'entreprise de services agricoles Éco Gaïa 

Les villes nourricières et l’agriculture urbaine ont la cote. Juste à Montréal, on estime qu’au moins 40 % de la population y pratiquerait cette forme d’agriculture. (Ouranos, 2024). La métropole étant un chef de file mondial en la matière, plusieurs villes québécoises n’hésitent pas à emboîter le pas en se dotant de politiques à cet égard et en offrant plus de souplesse quant aux règlementations associées à cette pratique.

Les activités, pas permises partout, peuvent être aussi diverses que l’élevage d’abeilles et celui des poules pondeuses et des poissons (pisciculture), sans oublier la production maraîchère comme les vergers, la culture de champignons, les potagers en façade et sur les toits, etc. Les projets peuvent être de nature commerciale, éducative, et peuvent s’insérer aussi dans des démarches collectives et ce, via des jardins communautaires et collectifs. Ils peuvent également être individuels et se faire en milieu résidentiel. Cet article abordera justement ce genre de projet et plus spécifiquement l’aménagement comestible à notre portée.

Avantages et défis de la production domestique

Produire ses propres aliments permet d’avoir accès à des produits frais et diminue le coût des dépenses d’épicerie, en plus de nous aider à maintenir une santé globale par la pratique d’une activité physique régulière. Le jardinage contribue aussi à améliorer notre environnement et à développer des liens quand on partage un jardin avec nos voisins. Mais avant de se lancer dans l’aventure, il faut en connaître les nombreux défis!
Le type d’entretien requis pour son aménagement, le temps dont on dispose et les règlementations en vigueur dans son quartier, car il s’agit souvent d’arrondissements ou de villes pour les règlements, sont des aspects à considérer. Ce qui s’avère crucial, car cela permet de mieux planifier son projet, mais aussi de mettre en place des conditions gagnantes pour obtenir de meilleurs résultats.

Favoriser la biodiversité 

Pour les plantes vivaces et annuelles, il est pertinent d’ajouter des espèces aromatiques ainsi que des fleurs pour attirer les pollinisateurs.  © Natachat Pépin Danis

Autour de la maison, l’on peut non seulement créer des plates-bandes florales mais aussi y ajouter des végétaux comestibles. Il est également possible d’intégrer des variétés qui sont notamment indigènes, comme le sureau du Canada et la verge d’or, afin de favoriser ainsi la biodiversité urbaine. Ces choix sont pertinents puisque les abeilles, mouches et papillons participent à la pollinisation de nombreux végétaux.

Les directions d’urbanisme n’aiment pas tellement voir pousser un champ de patates en façade, mais l’on peut créer des espaces gourmands qui s’harmonisent avec l’environnement. La composition de l’aménagement doit donc tenir compte de préoccupations pratiques et esthétiques.

Les conditions d’un site devraient dicter le choix des cultures. Il faudra considérer l’ensoleillement, l’espace disponible, l’accès à l’eau, etc. Faire une recherche préalable et réaliser une esquisse d’aménagement peut aussi s’avérer une bonne idée. Au besoin, élaguez les arbres pour laisser passer plus de lumière. Il sera également possible de jardiner en contenants si l’espace au sol est restreint ou si ce dernier est contaminé. Pensez aussi à capter l’eau de pluie dans un baril pour économiser cette précieuse ressource.    

Les arbres et arbustes fruitiers peuvent servir de cadre structurant ou de point focal dans l’aménagement. Certaines vivaces et annuelles comestibles viendront ensuite combler l’espace. Les végétaux plus petits sont mis en évidence en avant-plan, tandis que les plus hauts sont mis à l’arrière-plan, tout comme les plus colorés. Autant de notions de base en aménagement qui peuvent être intéressantes à appliquer.

Pour le choix des arbres et arbustes, pensons par exemple aux pommiers et poiriers, aux amélanchiers, aux gadeliers, mais aussi aux bleuetiers qui arborent un magnifique feuillage à l’automne. Il sera important de choisir des variétés généreuses en fruits dont la récolte s’échelonnera durant la saison. Les plants devront être robustes et résistants aux maladies et il faudra mettre en place les bonnes conditions de croissance. En effet, les pommiers et les poiriers tout comme le bleuetier demande plusieurs individus pour favoriser leur pollinisation. Cependant, la culture de ce dernier nécessite deux à trois variétés de cultivars différents en plus d’un pH de sol acide. Pour les plantes vivaces et annuelles, il est pertinent d’ajouter des espèces aromatiques ainsi que des fleurs pour attirer les pollinisateurs. En plus d’être comestibles, plusieurs d’entre elles sont également médicinales et s’avèrent efficaces dans une optique de compagnonnage pour prévenir les infestations dans la culture de légumes. Pensons seulement à la sauge pour la mouche de la carotte, la calendule pour les pucerons et l’agastache pour les pollinisateurs. Certains légumes, comme les bettes-à-carde, les asperges et les différentes variétés de choux, impressionnent par la beauté de leur feuillage. Les épinards malabars, les fraisiers ainsi que les plants de tomates, une fois mis en évidence dans des contenants adaptés, n’ont rien à envier aux autres. Les plantes grimpantes, une fois bien guidées, permettent d’optimiser l’espace disponible au sol. Les courges, les concombres, les pois et certaines variétés d’haricots sauront apprécier vos arches, mais aussi vos balcons. Bien connu des amateurs de bières, le houblon est une plante à la fois décorative et aromatique. Mais comme il est envahissant, il saura faire votre bonheur s’il est bien confiné. Bref, une multitude de variétés de végétaux peuvent être intéressants à faire pousser. Il faut juste connaître leurs besoins, s’assurer de visualiser le potentiel de notre espace de culture et l’adapter au besoin. N’hésitez pas à consulter un(e) spécialiste avant de planter!

Cultures hors sol 

Le bac en cèdre n’a pas tendance à moisir. Il est facile d’y intégrer un isolant pour y conserver des vivaces durant l’hiver. © Natachat Danis  

La culture hors sol peut s’appliquer dans de nombreuses situations, soit lorsque l’on vit  en logement et qu’il n’y a aucun accès à une cour, mais aussi pour le contrôle des plantes envahissantes ou lorsque notre sol est contaminé, asphalté ou difficilement praticable. Certains types de contenants sont fortement recommandés. Le bac à réserve d’eau au fond du contenant permet aux racines des plantes de puiser celle-ci par capillarité. Quant aux Smart Pots fabriqués de géotextile recyclé, ils permettent aux racines de mieux respirer. Ils se lavent et se rangent facilement après utilisation, mais requièrent un système d’irrigation ou un arrosage fréquent. Enfin, le bac en cèdre n’a pas tendance à moisir. Il est facile d’y intégrer un isolant pour y conserver des vivaces durant l’hiver. Il est généralement plus esthétique que les premiers contenants.

Il est préférable de jardiner dans un mélange de terreau léger composé de mousse de sphaigne, de fibres de coco, du compost et de la chaux permettant à la fois de stabiliser le pH du sol et d’apporter suffisamment de nutriments. En plus du compagnonnage, il faut savoir respecter la distance requise entre les plants, afin d’éviter la compétition qui limitera la croissance de certains ainsi que l’accès aux nutriments et à l’eau. D’un point de vue esthétique et pratique, pensez aussi à combiner des plantes avec des ports remontants et d’autres retombants.

Tout se met en contenant. Il faut juste s’assurer que le contexte de croissance soit bien adapté au choix des plantes.

Extension de la saison à l’intérieur 

L’on peut produire ses propres végétaux par semis intérieurs grâce à une bibliothèque avec des néons fixés aux tablettes. Cette approche permet d’apporter l’éclairage et la chaleur nécessaires aux plantules durant leur croissance. Cette installation peut également assurer une production de verdurettes et de micropousses à l’année.

Un solarium peut également servir d’espace pour la culture intérieure et faciliter ainsi l’extension de la saison. Cet espace vitré devrait être muni d’une masse thermique, comme un plancher de céramique ou un mur de brique qui emmagasine la chaleur solaire durant le jour et la restitue en soirée. Gare aux nuits froides, toutefois : si vous cultivez des végétaux dans cet espace plus adapté aux humains, optez pour des espèces résistantes au gel ou évitez de fermer une porte l’isolant de la maison quand cet espace est plutôt prévu pour le chauffage solaire passif.

La serre, attenante ou non à la maison, peut aussi être envisagée. Les modèles varient et il est important de se renseigner sur les règlementations en vigueur dans votre secteur avant d’en faire l’installation. Enfin, il existe des solutions comme la couverture flottante et le microtunnel. Se plaçant facilement au niveau du sol, ils permettent d’augmenter la température, de protéger les cultures des intempéries et des insectes indésirables. Toutes ces installations permettent de créer des zones de transition intéressantes avant la sortie définitive des plantes au printemps et pour étirer la saison à l’automne. 

Axé sur le verdissement, l’agriculture urbaine, l’éducation à l’environnement et l’implication citoyenne, le projet Vert l’Harmonie a été implanté au sein du HLM La Pépinière après la transformation d’un ancien stationnement en un espace vert qui crée un îlot de fraicheur et de biodiversité accueillant, sécuritaire, nourricier et éducatif. Depuis, il s’est également déployé au sein des trois HLM pour aînés du quartier de Mercier-Ouest. La serre communautaire trois saisons, le parcours comestible et les bacs d’agriculture urbaine permettent d’améliorer la qualité de vie et de diminuer l’insécurité alimentaire des résident.es du quartier. 
© PROJETHARMONIE.CA/VERT-LHARMONIE

Conclusion

L’agriculture urbaine est une forme d’approvisionnement hyper locale accessible aux nombreux avantages. Elle répond à plusieurs enjeux contemporains, comme la sécurité alimentaire et la perte de biodiversité, en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à l’approvisionnement alimentaire (en moyenne, la plupart de nos aliments voyagent 2 400 km avant d'arriver dans votre assiette).

À cette époque où les gens n’ont jamais été à la fois aussi connectés et aussi éloignés les uns des autres, cette pratique permet de maintenir un certain tissu social et ce, d’autant plus pour ceux et celles qui jardinent collectivement. Elle contribue à créer des villes à l’échelle humaine. Des projets communautaires, tel le Projet Harmonie avec sa serre communautaire en milieu HLM, en sont un bon exemple. Créé en 1995 dans le quartier montréalais de Mercier Ouest, il offre de nombreuses retombées socioéconomiques dans le secteur, grâce à son frigo communautaire et ses cuisines collectives.

Enfin, l’engouement pour l’agriculture urbaine permet de servir de pivot pour l’agriculture de demain, mais aussi de remettre les préoccupations humaines au centre de la planification urbaine. En jardinant ainsi, nous contribuons à devenir des acteurs de changements positifs pour le monde de demain.