Je me souviens d’une discussion que j’ai eue avec mon fils pour lui expliquer la séduction. Elle allait un peu comme ça :
— Habituellement, pour faire un enfant, il faut séduire une personne, avoir du plaisir avec elle et, bien sûr, il faut l’aimer. Ensuite, il y a une fécondation, une grossesse d’environ 40 semaines puis un accouchement. Avant de te parler de séduction, Anthony, tu dois d’abord savoir que nous, les humains, nous venons de l’eau. C’est là que la vie a pris naissance, il y a 3 milliards d’années. D’ailleurs, si nos relations finissent souvent en queue de poisson, c’est que nos premières amours ont eu lieu dans cette mer primitive qui nous a vus naître. Dans mon cas, c’est par une soirée d’hiver, à travers la marée humaine d’un bar gaspésien, que j’ai lancé ma ligne à ta mère, convaincu qu’elle allait rester de glace. Mais elle a mordu à l’hameçon. Et comme on ne s’est jamais menés en bateau, nous voilà heureux comme des poissons dans l’eau. Alors, quand sonnera pour toi l’âge de la trôle, mieux vaut ne pas pêcher par facilité là où les morues tapinent et où les maquereaux errent sur les trottoirs, car, en bout de ligne, il y a souvent anguille sous roche. Tu dois savoir aussi mon fils qu’en chaque femme il y a une perle cachée, comme dans un coquillage au fond de la mer, et les plus belles perles ne sont pas toujours dans les plus beaux coquillages.
C’est là que ma blonde qui écoutait m’a envoyé paître. Elle avait aimé le poème, mais ma conclusion l’avait profondément insultée. Mais j’ai continué mon exposé :
— Après des millions d’années à draguer dans la mer primitive, nous sommes devenus, une fois sur la terre ferme, des marathoniens qui courtisent, couraillent, courent la galipote et les jupons comme si la séduction était un triathlon dans lequel il faut nager, galoper puis s’envoyer en l’air.
Tiré de Ce que la vie doit au rire, par Boucar Diouf, 272 pages, publié aux Éditions La Presse en septembre 2023.