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La Terre est-elle un être vivant? C'est du moins ce que postulait en 1970 le climatologue anglais James Lovelock en collaboration avec la microbiologiste américaine Lynn Margulis. comme d'autres scientifiques avant eux. Comme le rapporte Wikipédia, selon l'hypothèse Gaïa, la Terre serait « un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d'années en harmonie avec la vie ». Voici ce qu'écrit à ce sujet l'océanographe et humoriste Boucar Diouf cet extrait de son livre La face cachée du grand monde des microbes - Et pourquoi nous leur devons tant, publié cet automne aux Éditions La Presse. AF

 

Si la Terre est un être vivant, les virus semblent y jouer des rôles de régulateurs dans les écosystèmes. Peut-être sont-ils aussi le fouet avec lequel Gaïa corrige les enfants terribles que nous sommes. Peut-être que notre Terre-Mère essaye de nous rappeler l’importance de partager les ressources avec le reste de notre famille élargie en se servant parfois de la force destructrice microbienne? Une chose que l’humanité très gourmande a de plus en plus de difficulté à envisager. Ainsi, selon Paul Ehrlich, de l’Université de Stanford, l’humain accapare à lui seul près de 40% des produits de la photosynthèse des plantes. Ce qui signifie qu’environ une molécule sur deux fabriquées par les plantes est récoltée d’une façon ou d’une autre par les gourmands fouteurs de bordel que nous sommes. Si on rapportait l’histoire de la Terre sur une journée de 24 h, l’humain serait apparu sur la planète à 23 heures 59 minutes et 56 secondes, dit une certaine sagesse très imagée. Ce qui veut dire qu’en seulement 4 secondes d’existence, ce bipède a profondément massacré ce que la nature a mis 24 heures à construire. Le voilà même au centre de la sixième extinction de masse de l’histoire de la planète. Une hécatombe qui, selon certains auteurs, est de 100 à 1 000 fois supérieure aux cinq autres extinctions naturelles qui ont secoué la planète pendant les 500 derniers millions d’années. Pendant que l’humain moissonne et accumule, le reste de la création lutte pour sa survie. La Terre est devenue un buffet ouvert pour notre seule espèce. Flanquée d’une génétique d’insatisfaction, elle avance impitoyablement avec sa tronçonneuse. C’est plus d’une centaine d’espèces qui disparaissent chaque jour et s’écoulent comme les grains de sable d’un sablier qu’on ne pourra jamais retourner. Il y a ainsi des merveilles de la création que la nature a mis des millions d’années à fignoler qui disparaissent sans même qu’on ait le temps de les découvrir et de les admirer. À chaque heure qui passe, des créatures magnifiques disent adieu à la planète, vaincues par notre espèce qui n’a de préoccupation que pour les êtres vivants qu’elle juge d’intérêt. Cette condamnable vision utilitariste qu’un grand-père qui n’est pas le mien attaquait en racontant qu’une mauvaise herbe, c’est juste une plante dont on ne connaît pas encore les vertus.

L’érosion rapide de la biodiversité aura de fâcheuses conséquences sur l’humanité, avertissent les scientifiques. Pourquoi ? Encore les virus ! Ainsi, le 29 octobre 2020, 22 experts des Nations unies sur la biodiversité ont conclu qu’à moins d’un changement radical du système économique mondial, nous marchons vers des temps où les pandémies seront de plus en plus fréquentes et meurtrières. Ces experts de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) croient que l’érosion de la biodiversité et son habitat exposera plus fréquemment l’humanité à de nouveaux pathogènes qui se prélassaient chez d’autres espèces que la nôtre. Citant une estimation publiée dans la revue Science en 2018, ils ont rapporté que seulement chez les mammifères et les oiseaux, il existerait encore 1,7 million de virus inconnus. Et de ce réservoir de pathogènes, de 540 000 à 850 000 « auraient la capacité d’infecter les humains ». Un grand bassin de recrutement qui a de quoi faire frémir d’effroi, car on peut imaginer y retrouver des monstres bien plus redoutables que le SARS-CoV-2.

La seule façon durable de se protéger de ce grand danger, c’est de confiner un peu plus l’humanité économiquement, démographiquement et géographiquement pour permettre au reste de la création de continuer à s’épanouir sur la planète.

Autrement, si nous pensons que la turbulence que traverse la planète avec cette pandémie n’a aucun lien avec la crise écologique et environnementale engendrée par ce que certains appellent notre capitalocentrisme, c’est que nous n’avons pas entièrement compris ce triste message de Gaïa. La seule façon d’éviter ce danger qui nous guette, c’est de revenir au concept de santé globale. C’est-à-dire se rappeler en tout temps que la santé humaine est indissociable de la santé animale et environnementale. Bref, lutter contre les changements climatiques et la crise écologique qui sont deux facettes d’un seul et même problème. Sinon, bien que l’arrivée de la vaccination ait fait dire à beaucoup de politiciens que la victoire sur la COVID-19 est proche, il faudra se préparer rapidement pour d’autres menaces plus meurtrières et dévastatrices pour l’économie planétaire.

Le SARS-CoV-2, qui a confiné une grande partie de l’humanité au printemps 2020, nous a fait beaucoup de mal, mais il nous a aussi démontré à quel point la Terre est capable de se soigner en très peu de temps. Après quelques semaines de réclusion de l’humanité, les signes annonciateurs de la grande résilience de notre Terre-Mère sont apparus dans les médias et sur les réseaux sociaux. Des messages comme pour nous rappeler que, avec un peu d’efforts et de volonté, on peut améliorer significativement notre impact sur la biosphère. Alors qu’une bonne partie de la planète était enfermée, en plus de cet éclaircissement du ciel au-dessus des grandes villes, cette lumière d’espoir observée sur les images satellites, les animaux sauvages se sont aventurés jusque dans les villes pour nous rappeler que la nature ne prendrait pas beaucoup de temps à reprendre ses droits advenant notre autodestruction.

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Oui, la Terre nous envoie des messages qu’il faut écouter avec humilité et sagesse, et non prendre pour une déclaration de guerre à l’humanité comme l’ont fait les dirigeants occidentaux au début de la pandémie. On a ainsi entendu les Trump, Macron, Johnson, Trudeau et autres aborder l’arrivée de la COVID-19 en parlant d’ennemie, de menace pour l’humanité, de guerre, d’attaque, d’armes, de défense et de victoire. Pourtant, ce besoin de mettre à genoux la nature, particulièrement poussé en Occident, fait bien plus partie du problème que de la solution. On en soupçonne un peu l’origine. « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre.» Ce passage de la Genèse semble être le texte fondateur de cette relation conflictuelle qui amène à déclarer la guerre à un virus. L’humilité et un sincère questionnement sur notre place dans la biosphère font partie de toute solution qui se veut durable. La Terre nous parle et il faudra redévelopper l’intelligence du cœur nécessaire pour recommencer à l’entendre. Il faudra revenir à cette sagesse qui empêche de poser constamment un regard utilitariste sur la biodiversité. Cette propension humaine à penser qu’il n’y a que ce qui nous rapporte quelque chose qui est important dans le vivant est très condamnable. Quand on y pense, l’abeille prend à la Terre, mais elle contribue respectueusement à l’épanouissement des plantes par son travail de pollinisatrice. L’humain, lui, prend et détruit tout sur son passage sans rien donner en retour, ce qui, selon bien des scientifiques, correspond à la définition d’un parasite. Si l’humain était un parasite de la Terre comme le SARS- CoV-2 est un parasite humain ? Longtemps après l’hypothèse [Gaïa] de Lovelock, voilà la question que se posent désormais beaucoup d’écologistes. Heureusement, là où croît le péril... croît aussi ce qui sauve, dit à juste raison Hubert Reeves. Je crois qu’il n’est pas trop tard, car l’humain peut être aussi quelqu’un de bien.

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Partout dans la biosphère, les virus sont des acteurs importants de l’évolution du vivant. En éradiquant sporadiquement certains individus et en contrôlant la densité des populations, ils agissent souvent comme le bras armé de la sélection naturelle.

Aucune autre forme de vie, y compris les bactéries, n’est à l’abri de la force de frappe virale. Heureusement, à part cette infinitésimale proportion qui nous cause des maladies, les virus ne sont pas nos ennemis. Ils nous rendent même de grands services. Beaucoup de virus nous protègent indirectement en tuant des microbes nuisibles à notre santé.