Expert en maisons abordables à l'Université McGill, le professeur d'architecture Avi Friedman est reconnu mondialement comme co-inventeur de la maison évolutive.
Expert en maisons abordables à l'Université McGill, le professeur d'architecture Avi Friedman est reconnu mondialement comme co-inventeur de la maison évolutive.

Les défis et les occasions de société apparus au tournant du 21e siècle risquent d'influencer la façon dont les Québécois vont se loger au cours des prochaines décennies. Ces changements affecteront probablement la construction résidentielle sur le plan du design, des techniques et de l'environnement, et offriront à l'industrie l'occasion de se redéfinir en matière de production et de marketing. Nous vous présentons ici les prochaines tendances en habitation et leur éventuel impact sur la construction résidentielle.

Tendances démographiques et économiques

Les changements dans la composition démographique de la société ont affecté la façon dont les gens vivent et se logent. L'image typique de la famille que l'on retrouvait après la Seconde Guerre mondiale, composée du père soutien de famille, de la mère au foyer, et des enfants dépendants, était tellement persuasive que les constructeurs d'habitations pouvaient facilement envisager leur clientèle potentielle comme un seul bloc homogène d'acheteurs. Toutefois, les changements de société et l'émergence de nouveaux styles de vie ont entraîné une demande pour des habitations contemporaines qui sont petites, flexibles et efficaces, comme la maison évolutive et sa version verte la maison redécouverte. Un des changements sociétaux les plus importants est la montée des ménages non traditionnels. Au cours des soixante dernières années, le nombre de couples sans enfants et de familles monoparentales a augmenté considérablement, et les prototypes habituels d'habitation doivent maintenant être réexaminés.

De plus, l'âge moyen de la population augmente constamment. Le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus a plus que doublé depuis les années 1970. Ce segment de la population exigera des habitations accessibles et adaptables qui répondront à son mode de vie et à ses besoins. Représentant 16 % de la population québécoise en 2011, il représente maintenant une masse critique qui peut valider les approches alternatives envisagées par les décideurs politiques, les designers et les promoteurs.

 Des maisons évolutives montréalaises. © SCHL
Des maisons évolutives montréalaises. © SCHL

Le ralentissement économique a eu de graves répercussions sur la société, affectant les marchés mondiaux et la vie des citoyens. Les emplois sûrs et les revenus stables se font de plus en plus rares, et les acheteurs d'une première maison ont de plus en plus de difficulté à acquérir leur demeure. Par ailleurs, avec l'émergence d'un écart de capacité financière, le taux d'augmentation du prix des maisons a dépassé le taux d'augmentation du revenu des ménages. Par le passé les acheteurs préféraient de grandes maisons dont le coût excédait souvent leurs capacités financières. Toutefois, à la suite de l'effondrement des marchés immobiliers à travers le monde en 2008, les mentalités concernant l'habitation ont commencé à changer.

Comme de plus en plus d'éventuels propriétaires sont incapables d'accumuler les fonds nécessaires à l'achat d'une maison, la demande pour des maisons moins coûteuses, plus petites et plus éconergétiques risque d'augmenter. Les changements démographiques et la hausse du nombre de foyers non traditionnels sont également des facteurs qui risquent de faire augmenter la demande pour des habitations plus petites. Il est donc important d'envisager de nouveaux concepts de design et de nouvelles méthodes de construction afin de répondre à ces changements fondamentaux, car ces facteurs domineront le marché immobilier dans un avenir prochain.

Impact environnemental de l'habitation

La société est de plus en plus consciente de l'impact humain sur l'environnement, et l'on réévalue les pratiques en matière de logement afin de minimiser leurs conséquences. L'impact de la prolifération de grandes maisons détachées semble être la preuve que pour la première fois, des actions locales ont un effet global. D'un point de vue contemporain, les habitations de grande densité sont maintenant considérées comme une solution à certaines des conséquences environnementales de l'étalement urbain. La prolifération des maisons détachées entraîne également une augmentation des déchets. Selon une étude réalisée en 2007 par le Nebraska Energy Office, la construction d'une maison de 190 mètres carrés (2 000 pieds carrés) produit en moyenne 3,6 tonnes métriques (8 000 livres) de déchets qui sont souvent tous envoyés vers les sites d'enfouissement.

Les climatiseurs, ces grands consommateurs d'énergie et émetteurs de gaz réfrigérants à effet de serre qui contribuent aux changements climatiques, comme les hydrofluorocarbones (HFC), sont de plus en plus utilisés dans les demeures canadiennes. Selon un rapport publié en 2005 par Ressources naturelles Canada, 45 % des foyers canadiens ont utilisé un modèle quelconque de climatiseur en 2003, comparativement à 25 % en 1993. Cette hausse pourrait être attribuable aux étés de plus en plus chauds ou peut tout simplement être une manifestation de l'augmentation de la consommation.

Des normes plus durables

Au cours des dernières années, la nécessité de repenser les pratiques de design et de construction des habitations et de les faire cadrer avec les nouveaux objectifs environnementaux s'est retrouvée au centre du débat. Les gouvernements et les associations de professionnels de la construction ont commencé à établir des normes pour des pratiques de construction durables. Ces normes sont plus rigoureuses que celles des codes nationaux de construction et elles établissent des critères d'efficacité plus stricts en plus de jouer le rôle de système d'accréditation.

Les constructeurs et les projets sont évalués et récompensés en fonction l'ampleur de leur engagement environnemental. Le Conseil du bâtiment durable des États-Unis (Green Building Council) a mis sur pied le programme Leadership in Energy and Environmental Design (LEED), qui est devenu le critère de référence en matière d'évaluation environnementale des nouveaux projets résidentiels.

Ces tendances et ces normes signifient que les règles de construction résidentielle couramment acceptées sont en train de changer. Le besoin de développer des prototypes d'habitations qui peuvent être construites dans des régions démographiques à densité plus élevée commence à prendre de l'importance. De plus, les habitations qui conservent les ressources naturelles durant la construction, et l'énergie une fois qu'elles sont occupées, seront de plus en plus populaires, et comme les coûts d'énergie augmentent constamment, elles plairont autant aux entrepreneurs qu'aux consommateurs. Les habitations à consommation d'énergie nette zéro, les maisons solaires, les technologies de chauffage, ventilation et climatisation innovatrices, les toits verts, les matériaux intérieurs sains, les produits recyclés, et les systèmes de récupération des eaux sont de plus en plus populaires dans le marché immobilier depuis quelques années.

La relation entre une demeure et le monde extérieur est un aspect indispensable du design résidentiel. Cette relation gagnera en importance avec l'augmentation des pressions environnementales locales et internationales. Il sera donc essentiel d'envisager certains aspects naturels lorsque vient le temps de choisir un site pour une habitation, comme l'orientation, la topographie et la faune et la flore, et de profiter du potentiel de ce site. De plus, l'aménagement paysager n'est plus conçu uniquement pour des raisons esthétiques, il peut également servir à planifier la construction d'un potager. Les jardins et les pelouses ne peuvent plus représenter un fardeau pour l'environnement. Les pratiques de xéropaysagisme serviront à réduire la consommation d'eau et l'utilisation de produits chimiques couramment employés pour éliminer les mauvaises herbes des pelouses et conserver leur belle couleur verte.