L'auteur rédige le blogue Éco-Énergie à Montréal. Lire la version intégrale de ce texte sur https://eco-energie-montreal.com/post/adieu-la-tarification-dynamique-a-credit-hivernal-hydro-quebec/
Cet été, j’ai pris la décision d’abandonner le programme de tarification dynamique à crédit hivernal d’Hydro-Québec pour passer à la tarification dynamique FLEX D. Voici pourquoi.
Dans le contexte particulier du Québec où 80 % des systèmes de chauffage sont alimentés à l’électricité et qu’il peut parfois y faire très froid, Hydro-Québec fait face à des défis d’approvisionnement en électricité pendant une centaine d’heures à chaque hiver. Ce sont les fameuses périodes de pointe hivernale où on demande à la population de faire un effort collectif afin de déplacer leur consommation et ainsi éviter d’importer à grands frais de l’électricité [NDLR : « sale » car de sources fossiles] des provinces voisines et de certains États américains. C’est donc dans ce contexte que sont nés il y a quelques années les programmes de tarification dynamiques ainsi que la filière Hilo d’Hydro-Québec qui permettent de rétribuer financièrement les consommateurs qui participent activement à aplatir la courbe de la consommation électrique de la province.
Tout d’abord, il faut faire la distinction entre « périodes de pointe » et « événements de pointe » ou « défis » qu’utilisent respectivement les programmes de tarifications dynamique et Hilo. Les périodes de pointe sont les périodes qu’on pourrait qualifier de normales où la consommation est la plus élevée, la plupart des consommateurs ayant des horaires de grande consommation relativement similaires (de 6h à 9h le matin et de 16h à 20h en fin de journée).
Les événements de pointe ou de défis, dans le cas de Hilo, ne surviennent, quant à eux, qu’à environ 30 reprises par grands froids, alors qu’Hydro-Québec prévoit des difficultés d’approvisionnement. Ces événements ou défis sont donc communiqués 24 heures à l’avance aux participants. Ils peuvent donc se préparer en conséquence pour gérer leur consommation électrique du lendemain. (...)
Pourquoi j'ai changé d'option tarifaire
Plongeons maintenant dans le vif du sujet : la raison de l’annulation de mon inscription au tarif dynamique à crédit hivernal d’Hydro-Québec.
La première raison est que mes habitudes de consommation sont déjà optimisées. Par exemple, je consomme très peu d’énergie lors des périodes de pointe matinales. Les douches sont prises le soir, le lave-vaisselle et la recharge de ma voiture électrique sont programmés pour démarrer la nuit. De plus, mes enfants et moi quittons tôt pour l’école et le travail.
En ce qui concerne les pointes de 16 h à 20 h, à part le chauffage, nous n’avons également pas une grande consommation, les douches étant prise un peu plus tard. Et grâce à mon contrôleur de chauffe-eau Sinopé (aucun produit de ce type n’est encore disponible pour la plate-forme Hilo mais ça s’en vient grâce à un partenariat avec Hydro Solutions), nous sommes en mesure de prendre 2-3 douches sans que le chauffe-eau ne démarre si personne n’abuse. Et tel que mentionné plus haut, la recharge de ma voiture électrique est programmée dans l’application fournie avec cette dernière pour démarrer à 21 h.
La seconde, et probablement la raison principale pour laquelle j’ai pris cette décision, est l’algorithme déficient du calcul de la réduction de consommation durant les événements de pointe.
En effet, puisque le programme de tarification dynamique à crédit hivernal (tout comme Hilo d’ailleurs) est basé sur le concept de kWh « effacé », soit « non consommé », il doit estimer ce chiffre selon un algorithme de calcul. Or, cet algorithme accorde une importance démesurée à la consommation électrique des trois heures précédant la période de pointe, nommée période d’ancrage.
Selon mon expérience acquise en expérimentant le programme pendant un hiver et en lisant à propos de l’expérience d’utilisateurs du service Hilo sur Facebook, il est très facile d’optimiser, voire de tromper l’algorithme. Il suffit de surconsommer durant la période d’ancrage avant de couper toute consommation durant la période de pointe, ce qui est le but de la tarification dynamique et d’Hilo. Il semblerait qu’Hydro-Québec et Hilo utilisent la consommation de la période d’ancrage afin d’estimer l’effet de la température sur l’habitation. Ils présument ainsi que si les clients consomment beaucoup durant la période d’ancrage cela signifie qu’il fait très froid. La réduction de consommation durant l’événement de pointe est donc par la suite plus fortement récompensée, les « sacrifices » étant surestimés.
Techniquement, selon cette formule de calcul, quelqu’un pourrait laisser couler de l’eau chaude pendant les trois heures précédant un événement de pointe ou un défi Hilo et se voir accorder un crédit ou une remise en argent pour l’avoir fait! Je ne dis pas qu’une grande proportion des participants à ces différents programmes abusent, mais il est tout de même aberrant qu’une telle faille soit présente dans le calcul. Il peut être tentant pour certains d’en profiter.
Cette faiblesse a été et sera exploitée tant qu’Hydro-Québec et Hilo ne mettront pas à jour leur méthode de calcul. (Lire l'article de Radio-Canada, À cause des tricheurs, Hydro-Québec songent à changer les règles d'Hilo.)
Hydro et Hilo tiennent aussi compte de la consommation moyenne durant les périodes de pointes régulières (par grands froids de 6 h à 9 h et de 16 h à 20 h) hors des événements de pointe dans le calcul. Il devient ainsi avantageux de déplacer sa consommation d’appareils énergivores durant ces périodes. Ainsi, lorsque surviendra un événement de pointe, Hydro et Hilo estimeront, encore une fois, que nous avons fait un plus gros effort qu’il ne l’est en réalité en estimant un effacement de kWh plus élevé. Cet autre élément n’avantage donc pas les gens qui ont déjà des bonnes habitudes de consommation.
Dans mon cas, après avoir « échoué » selon Hydro à réduire ma consommation lors de ma toute première participation à un événement de pointe, j’ai lu sur le sujet et fait un petit test. J’ai ainsi réussi à « optimiser » ma consommation en démarrant mon lave-vaisselle, en lavant et séchant du linge, en chauffant plus qu’à l’habitude et en chargeant ma voiture électrique durant les 3 heures de la période d’ancrage. Résultat? Cette fois j’ai réussi à obtenir un effacement de 50 kWh durant une seule période de pointe pour un gain de 26,50 $. Ce n’est pas rien!
Recharge de ma voiture électrique avant la pointe
Fait à noter: il s’agit d’un comportement qu’on pourrait qualifier de justifiable puisque je n’ai pas gaspillé d’énergie car ces tâches auraient dû être effectuées de toute façon à mon retour à la maison. Par contre, j’ai été récompensé alors que normalement ça n’aurait pas dû être le cas. Pourquoi être récompensé pour avoir chargé ma voiture électrique durant les heures précédant l’événement de pointe alors que j’aurais très bien pu le faire la veille, durant la nuit ? Je ne me plaint pas, naturellement, d’avoir obtenu ces économies, mais je préférerais les obtenir en n’ayant pas à « jouer » avec le système et son algorithme.
D’ailleurs je ne suis pas le seul à dénoncer les largesses permises par l’algorithme de calcul de la tarification dynamique à crédit hivernal d’Hydro-Québec et des défis Hilo. L’article de Radio-Canada a également suscité tout un lot de réactions sur le site Reddit.
Fait intéressant, selon les chiffres fournis par Hilo, l’économie moyenne des participants possédant une maison individuelle s’est élevé à 140 $ pour la saison de chauffage 2022-2023 alors qu’il s’est élevé à seulement 71,40 $ pour les abonnés à la tarification dynamique à crédit hivernal qui se sont activement impliqués.
J’ai donc bien hâte de voir si Hydro-Québec et Hilo ajusteront leur calcul de consommation effacée dans le cadre du programme de tarification dynamique à crédit hivernal et des défis Hilo.
Conclusion
Tout ça pour en venir à la conclusion que pour réaliser des économies, la tarification dynamique à crédit hivernal n’est pas celui qui convenait le mieux à mes habitudes qui était déjà plutôt bonnes. Cela représentait un peu trop de gymnastique à mon goût.
J’ai donc pris la décision d’opter pour l'option de tarification dynamique FLEX D qui me permettra de réaliser entre 22 % et 30 % d'économies globales en hiver. Pour quelqu’un qui possède une voiture électrique comme moi, cette tarification est très intéressante. Je pourrai en profiter pour charger ma voiture à bas tarif en tout temps. Comme je peux déjà profiter de la recharge gratuite au bureau (je suis responsable du département de vente de bornes de recharge chez Écosolaris), les 10-15 kWh que je consomme quotidiennement l’hiver pour revenir le soir à Montréal à partir de Saint-Jérôme ne me coûteront vraiment pas cher.
Évidemment, je devrai être très prudent durant les événements de pointe afin de ne pas trop consommer car le tarif est alors cinq fois plus élevé que le tarif D (domestique) de base. Par contre, avec mon écosystème Sinopé, constitué d’une passerelle GT-130, de plusieurs thermostats pour plinthes électriques TH1124ZB , de mes thermostats pour plancher radiant électriques TH1300ZB ainsi que de mon contrôleur de chauffe-eau Calypso RM2500ZB, 80 % du travail se fera automatiquement. Il me suffira de penser à ne pas démarrer la sécheuse et à ne pas faire cuire de dinde durant les événements de pointe!
Au moins, mes économies seront directement liées à ma consommation réelle lors des événements de pointe. Plus question d’algorithme et de concept de kWh effacés calculés de façon douteuse.