Il faudra réduire notre consommation de ressources de 90 % d’ici 2040 pour que l’humanité puisse soutenir harmonieusement l’augmentation de la population mondiale, selon le docteur en écologie humaine William E. Rees, professeur émérite de planification urbaine à l’Université de Colombie-Britannique et créateur de la notion d’empreinte écologique.
Celui-ci prononçait la percutante conférence d’ouverture du premier colloque canadien sur le standard Passivhaus, Passive House North, tenu dans la belle ville de Vancouver du 27 au 29 septembre derniers. Récemment introduit au Canada, Passivhaus est à l’heure actuelle le seul standard éprouvé visant un objectif aussi ambitieux pour ce qui est de la consommation d’énergie dans les bâtiments.
Organisé par le Canadian Passive House Institute (CanPHI), l’événement a réuni des spécialistes des maisons performantes venant de toutes les provinces ainsi que plusieurs Américains. Du Québec, nous n’étions qu’une poignée. Le père de la certification, le physicien allemand Wolfgang Feist, était aussi présent à cette première canadienne pour nous parler de l’évolution de ce standard en Europe, où des dizaines de milliers de bâtiments publics et privés de toutes sortes (habitations, bureaux, hôpitaux, etc.) ont reçu cette prestigieuse certification. Les participants étaient enthousiastes et curieux. Parmi eux, plusieurs étaient en train de planifier ou de construire des immeubles visant la certification Passivhaus. Chacun voulait affiner ses connaissances et était à la recherche de trucs et astuces pour réussir ce défi de la manière la plus optimale et la plus rentable.
Les exposants y étaient nombreux et volubiles. Entres autres, des constructeurs proposaient des solutions constructives et des manufacturiers de fenêtres et de systèmes de ventilation présentaient leurs produits à la fine pointe de la technologie. Le standard Passivhaus suscite un intérêt évident chez les architectes, présents en grand nombre à cet événement. Pas surprenant, car cette approche ambitieuse, basée sur la science du bâtiment, a été élaborée grâce aux recherches effectuées dans les pays nordiques, autant en Europe du Nord qu’au Canada. Elle s’avère donc des plus pertinentes pour le climat canadien.
Qu'est-ce qu'une maison passive
Ce standard, fondé sur de nombreuses recherches en science du bâtiment, vise en effet une amélioration drastique de la performance énergétique en réduisant les besoins de chauffage de 90 %. Le but est d’optimiser le processus de construction à l’aide des stratégies les plus économiques afin d’assurer l’abordabilité. Pour avoir un réel impact, les solutions proposées ne doivent pas augmenter exagérément le coût de construction.
Par exemple, il est démontré que l’étanchéité aux fuites d’air permet d’augmenter substantiellement la performance globale. Assurer une meilleure étanchéité n’est pas si coûteux. C’est une question de qualité de la mise en œuvre. Les autres principes proposés concernent l’orientation du bâtiment pour optimiser les gains solaires passifs, l’élimination des ponts thermiques, l’isolation, la performance des fenêtres ainsi que l’efficacité énergétique des systèmes et appareils. Toutes des notions déjà connues, mais il s’agit de doser les interventions pour atteindre le standard Passivhaus : une consommation d’énergie de chauffage et de climatisation maximale de 15 kWh/m2 (1,4 kWh/pi2) par an.
À titre de comparaison, selon une étude de Ressources naturelles Canada, la consommation d’énergie moyenne des ménages en 2007 était de 230 kWh/m2 (21 kWh/pi2) par an. Il est donc évident qu’il y a place à amélioration! Un des faits saillants de l’événement Passive House North fut l’hommage rendu à l’un des pionniers des recherches sur les bâtiments à très haute efficacité, l’architecte canadien Harold Orr, concepteur de la fameuse maison solaire Saskatchewan Conservation House, l’un des projets de recherche à l’origine du standard Passivhaus. C’est sous un tonnerre d’applaudissements qu’on lui a remis, lors du souper du vendredi soir, le Golden Blower Door Award ou prix de l’infiltromètre d’or, qui rappelle l’appareil utilisé pour confirmer la très grande étanchéité (0,6 changement d’air à l’heure à 50 pascals) des bâtiments passifs! Nous en avons beaucoup appris lors des deux journées de présentations, notamment au sujet des normes de performance des fenêtres, des nouveaux outils de conception ainsi que des diverses expériences réalisées. Notamment au sujet du duplex Rainbow House bâti à Whistler, qui est seulement la deuxième résidence canadienne à avoir reçu la certification Passivhaus.
En conclusion, nous avons eu droit à une prestation inspirante de la très charismatique Californienne Bronwyn Barry, directrice du design chez One Sky Homes et grande spécialiste des fenêtres. Elle invite tous les concepteurs, constructeurs et fournisseurs nord-américains de maisons passives à se regrouper et à partager leurs connaissances. Je reviens de cet événement inspirée par la volonté et la forte motivation des participants. Nous ressentons tous un besoin ardent d’agir pour améliorer le sort de l’humanité et de notre belle planète et voyons dans l’approche Passivhaus une solution évidente au défi des changements climatiques. Prochain rendez-vous : Ottawa en 2015!
Dans ma prochaine chronique, je vous présenterai en détail la fameuse Rainbow House et vous entretiendrai de mon expérience lors de la conception de la Maison Kénogami visant la certification Passivhaus dans le secteur Lac-Kénogami de Saguenay, au Québec.