Géothermie : grâce à Hydro, la rentabilité est presque immédiate

En juillet 2024, Dominic Crousset a doté sa maison de Drummondville d’un système géothermique de trois tonnes de puissance à 43 000 $ toutes taxes comprises. Celui-ci lui a permis de réduire sa facture d’électricité de 44 % ou 1 400 $ l’hiver dernier, soit davantage que le surcoût de 1 000 $ de son système canadien GeoSmart Energy comparativement à une thermopompe air-air aussi puissante (trois tonnes) et coûtant au moins 15 000 $ (avant subvention de 4 320 $), mais moins écoénergétique et deux fois moins durable.

Comment est-ce possible? Grâce au programme LogisVert d’Hydro-Québec qui a remis une aide financière de 27 000 $ à son installateur de Saint-Hyacinthe, E.D. Réfrigération, qui ne lui a donc facturé que 16 000 $. Autrefois accessible seulement aux riches, cette technologie écologique devient ainsi ultra payante pour tous les propriétaires de bâtiments dotés d’une fournaise ou d’une chaudière (chauffage radiant à eau chaude).

« Ma facture d’électricité est passée d’environ 3 200 $ à 1 800 $ par année, mais l’économie aurait été encore meilleure s’il n’avait pas fait si froid l’hiver dernier », m’a expliqué M. Crousset en entrevue téléphonique. En effet, les factures de chauffage des Québécois ont alors augmenté, car il a fait 3 degrés plus froid en moyenne qu’à l’hiver 2023-2024, selon Hydro-Québec qui a ainsi augmenté son bénéfice de 23 au premier semestre de 2025.

Inventés dans les années 1940, les systèmes géothermiques ont longtemps été hors de prix et seulement rentables dans les grands bâtiments énergivores et dans les pays nordiques où les coûts énergétiques sont très élevés. 

L’ABC de la géothermie

Un système géothermique comprend une thermopompe installée à l’intérieur d’un bâtiment et un liquide caloporteur, en général un antigel de glycol qui est pompé en boucle fermée à travers une longue tuyauterie de polyéthylène. Cette tuyauterie est insérée dans un ou des puits profonds devant être forés dans le sol. En plus de réduire les coûts de chauffage d’environ 50 %, la géothermie permet aussi de climatiser et, optionnellement en ajoutant un échangeur de chaleur appelé « désurchauffeur », de chauffer l’eau.

En été, la thermopompe climatise en expulsant la chaleur du bâtiment dans la boucle souterraine, réchauffant le sol qu’elle refroidit en hiver quand elle y puise des calories. Il faut savoir que sous la ligne de gel, la température de la terre est stable à l’année, c’est-à-dire autour de 8 degrés Celsius à une profondeur d'au moins 4 mètres au Québec. Ce phénomène explique pourquoi le compresseur d’une thermopompe géothermique installée dans un bâtiment chaud puisse typiquement produire quatre fois plus d’énergie qu’il n’en consomme, contre un coefficient de performance maximal de 3:1 pour une thermopompe air-air dont l’évaporateur est installé à l’extérieur, ce qui diminue cette même performance par grands froids. Quant à la géothermie, son efficacité un peu par grands froids quand le bâtiment perd plus de chaleur qu'en n'en fournit. Un système géothermique est doté d’un élément électrique d’appoint afin d’ajouter de la puissance par grands froids, mais quand le système est bien dimensionné, cet élément ne s’allume presque jamais. 

Voilà pourquoi Hydro-Québec offre une aide financière si généreuse pour la géothermie : au plus froid de l’hiver, période dénombrant jusqu’à une centaine d’heures, son réseau peine à répondre à la demande de pointe. Hydro est alors obligée d’importer de l’électricité de source fossile très polluante et très coûteuse. Le problème, c’est que la demande d’électricité explose : Hydro veut doubler sa taille afin de décarboner le Québec qui convertit ses véhicules, ses bâtiments et autres équipements à l’électricité.

On trouve l’aide à la géothermie sous l’onglet Entreprise d’installation du site logisvert.ca. Hydro y offre 750 $ par 1 000 Btu/h de puissance calorifique, ce qui revient à 9 000$ par tonne de réfrigération (12 000 Btu/h).

Une recherche intense de solution 

C’est en février 2024, quand sa vieille thermopompe air-air centrale a rendu l’âme après 35 ans de loyaux services, que Dominic Crousset s’est mis à rechercher intensément une solution de rechange. « Je me suis rendu compte que les subventions d’Hydro pour les thermopompes air-air n’étaient pas fantastiques et que les nouveaux modèles ont davantage de composantes électroniques à l’extérieur, ce qui les exposent au gel, au dégel et à l’humidité. J’ai beaucoup réfléchi et ce fut un show stopper [élément marquant] en faveur de la géothermie dont la thermopompe est installée à l’intérieur. De plus, c’est un système silencieux et écoénergétique : le moteur électronique du ventilateur, plus puissant mais moins bruyant que celui de mon ancienne thermopompe, consomme aussi peu que 44 watts en mode recirculation d’air, le plus souvent utilisé. »

C’est un entrepreneur en chauffage et ventilation qui lui a parlé d’Yvan René, propriétaire de Forage Géothermix, lequel travaille depuis 2005 avec divers entrepreneurs qui installent des systèmes géothermiques. « À -20 Celsius, une thermopompe air-air travaille très fort et ne diminue pas la demande de pointe d’Hydro comme la géothermie, dit M. René. Mes entrepreneurs disent aux clients que ça ne vaut pas la peine, d’autant plus que les nouvelles thermopompes comportent tellement d’électronique qu’elles s’useront prématurément. En comparant le coût d’une thermopompe géothermique, qui a une durée de vie de 25, 30 ans, il faut calculer que vous pourriez dépenser un autre 15 000 $ après dix ans pour remplacer votre thermopompe air-air. Dans le cas de Dominic, en plus du confort, la géothermie lui offre un rendement annuel d’au moins 1 400 $ à l’abri de l’impôt pour 30 ans. C’est un rendement hors norme qui normalement serait interprété comme trop beau pour être vrai! »

L’entrepreneur en géothermie Denis Boucher, de Geo Consulterre, dit ne plus installer de thermopompes air-air. « C’est juste en laboratoire qu’elles sont économiques jusqu’à -30 degrés Celsius (°C), fait-il remarquer. Elles sont rendues tellement cheap que je recevais cinq fois plus d’appels de service même si elles ne représentaient que 20 % de mes installations. Pour qu’elles durent 15 ans, je recommande à mes clients de les éteindre à -15 °C et de bien les déneiger. À -20 °C, elles dégivrent environ dix fois par jour, ce qui est énergivore et cause de l'inconfort puisqu’il faut envoyer la chaleur dehors. Ce n’est pas économique. »

Impact minime sur le terrain

Il y a vingt ans, Yvan René a innové avec concevant une méthode en instance de brevet qui réduire les coûts de forage de 20 à 30 %. Il a modifié une petite foreuse de dynamitage afin de creuser des puits géothermiques en diagonale. Elle peut même opérer sur des petits terrains urbains avec un impact minime sur le paysagement, contrairement aux forages géothermiques classiques qui requièrent des puits de plus grand diamètre (5 po). « Il a foré trois puits de petit diamètre (2 ¾ po) dans un espace d’environ 10 pi x 10 pi tout près de la maison, tout en respectant la distance exigée pour protéger ma bande riveraine, explique Dominic Crousset. Son travail m’a coûté une vingtaine de milliers de dollars », soit moins que le montant de la subvention accordée par Hydro-Québec.

L’impact sur l’aménagement paysager est un important facteur qui décourage souvent les acheteurs à se tourner vers la géothermie, dit Yvan René. « Ça représente un coît plus ou moins important et amène quelques désagréments. Les mythes associés à la géothermie demeure nombreux et souvent alimentés par les représentants de thermopompe air-air, comme les coûts et les espaces requis qui rendraient la géothermie inaccessible. Lors des comparaisons non équitables, on ne demande jamais pour tout autre système de chauffage et de climatisation en combien de temps il sera payé, mais on demande toujours en combien de temps un système de géothermie sera amortie grâce aux économies. Autre avantage, la subvention permet de dimensionner le système géothermique pour fournir 100 % de la charge thermique, et donc il n’y aura plus d’appel à l’élément électrique. »

La technique de Forage Géothermix augmente même l’efficacité des systèmes, ajoute M. Crousset. « Ce qui m’énervait dans les forages classiques, c’est que l’entrepreneur creuse un seul trou et y laisse la gaine de métal du forage dans le sol, ce qui exige un remplissage épais de bentonite isolante et conséquemment réduit l’échange de chaleur avec le roc. Yvan m’a expliqué qu’il faisait des plus petits trous afin d’augmenter le transfert de chaleur. De plus, parce qu’il ne laisse pas ses tuyaux dans le sol, ça requiert moins de bentonite. J’ai trouvé qu’il réfléchissait beaucoup; il est impressionnant. »

Yvan René dit avoir tellement de travail depuis qu’il s’est acheté deux nouvelles foreuses et que son fils Alexandre s’est joint à son entreprise. « Si vous avez une fournaise au mazout ou au propane, rappelle-t-il, vous pouvez aussi profiter de la subvention du programme Chauffez Vert », accordée lorsqu’on la remplace par un système à l’électricité ou par une autre énergie renouvelable.

Pour Dominic Crousset, la géothermie, une source écologique, écoénergétique et durable de confort, c’est tout simplement un excellent investissement. « Et en plus, mon système augmente beaucoup la valeur de ma maison. »