Sans l’engagement de 900 familles des Hautes-Laurentides qui achètent les « paniers bio solidaires » de la Ferme aux petits oignons de Mont-Tremblant, cette entreprise qui participe à l’agriculture soutenue par la communauté (ASC) depuis 16 ans ne pourrait exister, selon sa propriétaire Véronique Bouchard. « Il serait impossible de rentabiliser une production diversifiée, avec une main-d’œuvre locale, dans le climat des Laurentides, dans un contexte d’économie de marché industrialisé », dit-elle.
Mais comme les gens veulent de plus en plus manger bio et local, elle arrive à vendre ses produits à juste prix sur une saison, en offrant un abonnement au programme de paniers bio fondé en 1996 par Équiterre. Un concept qui permet d’obtenir des fruits et légumes certifiés bio qui sont frais, diversifiés et de saison, directement de la ferme, tout en maintenant jusqu’à une trentaine d’emplois en plein été.
La productrice maraîchère cultive une soixantaine de légumes qu’elle livre en petits, moyens et gros paniers chaque semaine à environ 300 clients de Mont-Tremblant et à autant de Val-David et de Saint-Sauveur. « En trois heures, j’écoule ce qui prend une semaine à vendre en épicerie. C’est gagnant-gagnant pour tout le monde car nous bonifions la valeur du panier selon son format, par rapport au prix que nous vendons au marché. Ainsi, au printemps et à l’été, les abonnés payent 22 $ et reçoivent pour 24 $ de produits dans le petit panier, 29 $/33,35 $ pour le moyen et 38 $/45 $ pour le gros, et c’est 30 $/35 $ pour le moyen en automne et 37 $/42 $ pour le gros en hiver qui est livré aux deux semaines », explique Mme Bouchard.
Elle est bien au fait des prix plus élevés que doivent exiger les détaillants puisqu’elle possède aussi le Marché et bistro fermiers aux petits oignons où travaillent jusqu’à cinq autres personnes, sur la route 117 à Mont-Tremblant. « L’accès au paiement par carte de crédit tous les jours de la semaine et la mise en marché en magasin, ça coûte beaucoup plus cher. Distribuer directement nos produits via les paniers nous coûte moins cher et rend le bio local plus accessible. C’est ma façon d’apporter des solutions aux problèmes environnementaux qui créent chez les gens un sentiment d’impuissance. L’ASC est le socle d’une nouvelle forme d’organisation sociale dans une économie qui n’est pas du tout solidaire. Une économie basée sur des choix dictés par la publicité est sans égard au bien-être des humains et de la nature. Ça favorise la surproduction, la surconsommation et le gaspillage. Il faut produire 75 % de plus que ce qui est nécessaire parce que 58 % des aliments produits au pays sont jetés ou gaspillés », selon un rapport de l’organisme Second Harvest cité par Radio-Canada.
Elle explique qu’initialement, la plupart des consommateurs se demandent avant tout si les paniers bio leur en donnent pour leur argent. « Ensuite, ils entrent dans une relation de confiance, comme avec leur coiffeuse. Ils comprennent que j’offre de meilleurs salaires à mes employés et que je protège l’environnement. De plus, l’alimentation bio n’est pas nécessairement écologique ni éthique. Les grandes chaines d’approvisionnement négocient férocement les prix des aliments pour maximiser leurs profits, causant stress (détresse) et dégradation des conditions de travail en agriculture ici comme ailleurs. En se regroupant, fermiers et mangeurs, nous bâtissons des formes d’approvisionnements plus justes et équitables pour tous, incluant l’environnement. »
Le prix d’un panier bio est jusqu’à 30 % inférieur à celui d’une quantité équivalente de légumes bio achetés à l’épicerie, selon la dernière vérification effectuée par Équiterre, en 2017. Ce que confirme l’ancien syndicaliste Marc-André McSween, aujourd’hui épicier à l’épicerie Bio Sattva, de Val-David. « On peut toujours trouver un produit équivalent moins cher en magasin, mais globalement le panier revient 30 % moins cher que le prix demandé par les détaillants au marché d’été de Val-David, par exemple », explique celui qui fut jadis abonné aux mêmes paniers bio et a été bénévole pour la ferme.
Pour profiter de cette économie, dit-il, le consommateur écoresponsable doit faire preuve de flexibilité. « On aura de la misère à se procurer des poivrons ou des brocolis en hiver, il faut donc adapter son alimentation en fonction des saisons. »
Les légumes des paniers bio solidaires proviennent presque exclusivement de la Ferme aux petits oignons et sont offerts en fonction des récoltes, comme l'explique le site Web de l'entreprise : « À certains moments de la saison, nous complémentons les paniers de certains fruits ou légumes certifiés biologiques provenant d’autres fermes de la région. Le cas échéant, les abonnés sont toujours avisés de la provenance de ces produits complémentaires. Pour distribuer nos paniers bio solidaires, nous avons développé une formule unique de mini-marché flexible qui vous permet de faire plusieurs choix pour composer votre panier tout en évitant les emballages. Il est aussi possible de vous procurer des articles supplémentaires avec les crédits-légumes (voir mode de fonctionnement dans la page abonnement aux paniers bio). »
Il n'est donc pas possible d'échanger un produit pour un autre à sa guise, comme l'explique M. McSween : « Sur une table comptant quatre produits différents, l’abonné au panier moyen pourra en sélectionner deux de son choix, mais il n’y aura pas de substitution à proprement parler, quoi qu’il y aura des produits en plus qui seront à vendre. » Tout cela permet au fermier ou à la fermière de famille de planifier sa saison en limitant les pertes d’aliments. « C’est beaucoup de travail, dit-il. Pour Véronique, prioriser les paniers facilite l’organisation et la prévisibilité des ventes. »
Véronique Bouchard précise : « Chaque semaine, nous rassemblons les légumes dans des choix, selon la récolte disponible. Lorsque certains légumes sont disponibles en plus petites quantités (parce que c’est prévu ainsi ou en raison des aléas de Dame Nature), nous les regroupons en choix. C’est parfait pour des légumes comme le kale, le fenouil ou la coriandre, que certains abonnés adorent et d’autres détestent. Les abonnés s’adaptent à l’alimentation locale et de saison tout en pouvant faire certains choix. Le fait de choisir un nouveau légume plutôt que de se le faire imposer change tout à fait l’approche. Avec notre bulletin hebdomadaire, on présente un légume-vedette chaque semaine avec des recettes et des trucs culinaire pour inciter les abonnées à découvrir de nouveaux légumes ou redécouvrir certains par de nouvelles façons de les cuisiner. »
Pour plus de détails, visiter le site https://auxpetitsoignons.bio/notre-ferme/ qui présente notamment ce tableau des prix et des produits contenus dans les paniers bio solidaires.