Anna Di Tirro a participé à un projet de construction en cuivre dans le cadre d'une nouvelle école en cours de réalisation.

Avant de me lancer vers l’Académie Earthship, j’ai attendu trois ans, durant lesquels je me suis informée au sujet de différentes formes d’habitations autosuffisantes. Or, avec leurs murs en terre et pneus recyclés, leur système solaire photovoltaïque et leur serre qui permet de tendre vers l’autonomie alimentaire, les maisons écologiques et abordables de type Earthship ont su capter tout mon intérêt. Ceci tant par leur caractère résilient et autonome que par leur construction utilisant des matériaux autrement relégués aux poubelles, ou au mieux au recyclage, tels les pneus, les bouteilles et les canettes.

C’est ainsi qu’en mai 2019, accompagnée de mes outils, et de quelques appréhensions je l’avoue, je me rends à Taos. Ce que je ne sais pas à ce moment-là, c’est que je me prépare à vivre l’une des expériences les plus enrichissantes et mémorables de ma vie. Arrivée sur place, le tout me paraît presque surréel. Un désert vert, entouré de montagnes invitantes, des Earthships qui semblent surgir de terre tout en étant harmonieusement liés à leur environnement, et des gens au regard pétillant que je ne connais pas encore, mais qui m’entoureront durant tout le mois. Et quel mois cela a été!

L'architecte Michael Reynolds est un pionnier de la construction en matières récupérées.
© earthshipglobal.com

L’Académie Earthship a été fondée par l’architecte Michael Reynolds, qui construit des maisons abordables et durables en matériaux naturels et récupérés depuis le début des années 1970. C’est le lieu de rencontres avec des personnes venant de divers horizons, ayant en commun le désir de s’imprégner concrètement d’une autre façon de concevoir l’habitation.

Des liens forts se tissent, entre autres à travers la mise en pratique de la théorie transmise en classe. Au fil de ces moments partagés sur les sites de travail, qui sont des projets en construction (www.earthshipglobal.com/we-build-earthships), et aussi pour nous des lieux d’enseignement, nous retenons notamment que le travail d’équipe rend les rêves réalité.

Exemple d’un Earthship « Global Model ». © earthshipglobal.com

Les connaissances nous sont transmises par des formatrices et formateurs expérimentés, engagés et généreux de leur savoir-faire, qui tout en favorisant l’acquisition de nouvelles compétences, savent mettre à profit les aptitudes et champs d’intérêt de chacun et chacune. Les apprentissages sont aussi variés que les activités auxquelles nous participons. Parmi celles-ci : compactage de la terre dans les pneus empilés, préparation et application du torchis (béton naturel à base d’argile et de fibres végétales), coupe de bouteilles en verre, utilisation de ces bouteilles pour la construction d’un mur, pose de céramiques, fabrication de pièces en bois, installation de la plomberie reliée aux citernes, construction d’une cellule botanique. Et à la fin, après avoir vécu tout cela et plus encore, nous nous disons que ce fut un mois bien trop vite passé.

Fin de journée sur un site de travail : la construction d’un Earthship « Encounter », le dernier modèle développé. © earthshipglobal.com
© earthshipglobal.com

Les projets de développement durable

Parallèlement à la compagnie Earthship Biotecture, qui assure la conception et la construction des maisons de type Earthship, évolue un organisme sans but lucratif : Biotecture Planet Earth. Celui-ci a pour mission de favoriser le développement de bâtiments plus abordables, durables et résilients dans des pays ayant été frappés par des désastres naturels ou à risque de l’être.

Il ne s’agit pas uniquement de construire, mais de le faire en utilisant des matériaux qui se trouvent localement, tout en favorisant chez les populations rencontrées une réappropriation de leur pouvoir d’agir, notamment en leur transmettant les connaissances nécessaires afin qu’elles puissent entretenir elles-mêmes ces bâtiments, puis à leur tour soutenir leur communauté dans la construction de nouvelles structures similaires. Le transfert des savoirs et la pérennité des projets sont assurés grâce à une étroite collaboration et un lien de confiance solide avec des organismes locaux ou des membres des communautés.

© Curt Close pour Solutionera.com

Préoccupée par la volonté de répondre aux besoins spécifiques des régions désignées, Biotecture Planet Earth n’œuvre pas en reproduisant simplement un modèle de bâtiment unique. Tout projet de construction est précédé d’une phase de recherche s’étalant sur quatre à six mois. Durant cette période sont étudiés le contexte culturel, les habitudes et conditions de vie, les besoins en habitation, ainsi que les méthodes et matériaux de construction locaux. Aux Philippines, au Malawi, au Canada ou en Haïti, ces données ne seront pas les mêmes, et elles influenceront la viabilité d’un projet, ainsi que ses retombées positives sur le quotidien tel que vécu par les populations concernées.
Parmi les projets à venir, il est prévu de retourner en Haïti du 6 au 31 janvier 2020[1] pour la construction d’une école primaire autosuffisante à Anse-à-Galets, dans la commune de La Gonâve. En plus des apprentissages pratiques, ce programme offre également un volet théorique tous les matins sauf le dimanche, exactement comme à l’Académie Earthship de Taos. Les frais d’inscription servent à couvrir les coûts des matériaux nécessaires à la réalisation de l’école, en plus de permettre à la population locale intéressée de participer gratuitement aux cours. Pourquoi un tel projet à La Gonâve? En octobre 2016 Haïti est frappé par l’ouragan Matthew, et l’île de La Gonâve est l’un des endroits les plus durement touchés. Depuis, le rétablissement des services de base, entre autres en éducation, demeure un enjeu majeur.

Selon un rapport préparé par le gouvernement d’Haïti, 2 507 écoles ont été endommagées et 521, complètement détruites[2] : « Le coût des dommages liés au passage de l’ouragan Matthew sur les établissements scolaires dans les départements du Sud, Nippes, Grand’Anse, Nord-Ouest et sur l’île de La Gonâve atteint un montant estimé de 62,9 millions de dollars américains. […] 2 507 écoles ont été endommagées dont 80 % ont une construction des murs en bloc avec des toits en tôle. Les 521 écoles complétement détruites ont été, quant à elles, construites avec des murs en bois ou clissade (55 %) et des toits en toile ou en paille (70%). (p. 42) » 

Le premier Earthship québécois a été construit à Chertsey (Lanaudière).
Formations : http://es-cargo.qc.ca/

Dans l’objectif d’une réédification durable et résiliente, il importe de choisir des structures et des méthodes de construction qui sauront résister à un futur désastre naturel éventuel, et qui par le fait même éviteront à la population d’Haïti de devoir faire face à des conditions de vie fragilisées et instables. Là se situe toute la pertinence de répondre avec des bâtiments de type Earthship! Le modèle préconisé pour la construction de l’école primaire est un Earthship « Hut ». L’utilisation de pneus compactés pour les murs de même que sa forme en dôme en font l’un des bâtiments les plus résistants aux ouragans et aux tremblements de terre, tout en étant autosuffisant comme les autres modèles de Earthship. Biotecture Planet Earth demeure un petit organisme sans autre source de revenus réguliers que les dons et les frais de participation à ses projets de développement durables humanitaires. Une grande partie de ses ressources sont consacrées à la planification et à la promotion des projets à venir, de même qu’à la recherche des fonds nécessaires à leur réalisation. Dans ce contexte précaire, il ne peut mener à terme qu’un ou deux projets par année. Et pourtant ce ne sont pas les besoins qui manquent!

Alors, si vous souhaitez apporter votre contribution pour changer le monde un Earthship à la fois, ou si vous aimeriez simplement en savoir davantage, n’hésitez pas à lui écrire à l’adresse outreach@earthship.com. Pour moi, ce fut une expérience qui m’a donné l’inspiration, les connaissances et l’énergie nécessaires pour croire et cheminer vers la réalisation de mon souhait d’un mode de vie autosuffisant, en plus d’ouvrir la porte sur la possibilité d’allier ce rêve à l’engagement social et communautaire.  

[1] Biotecture Planet Earth s’est rendue en Haïti une première fois en 2014, à la suite du tremblement de terre de 2010, afin d’entreprendre la construction d’un centre communautaire de style Earthship à Port-au-Prince (www.biotectureplanetearth.com/projects/haiti/). Celui-ci est toujours existant et utilisé par la communauté.

[2] Source : Gouvernement de la République d’Haïti avec l’appui conjoint de la Banque mondiale et de la Banque Interaméricaine de Développement. Octobre 2016. Évaluation rapide des dommages et des pertes occasionnés r l’ouragan Matthew et éléments de réflexion pour le relèvement et la reconstruction. earlyrecovery.global/sites/default/files/evaluation_rapid_des_impacts_de_matthew_version_preliminaire.pdf