Désirant accélérer le remplacement des systèmes de chauffage au mazout et au gaz par des systèmes électriques efficaces et performants, l’organisme montréalais Écohabitation offrira bientôt des prêts allant jusqu’à 20 000 $. L’innovation : le risque sera faible puisque le prêt sera remboursable via le compte de taxe foncière. 

Son programme JeRénovÉco doit être officiellement lancé ce printemps mais sa page Web (ecohabitation.com/services/jerenoveco) est déjà en ligne. Il propose aux municipalités un puissant outil municipal de lutte contre les changements climatiques et de décarbonisation du bâti existant. Il est axé sur la formation et l’accréditation des entrepreneurs ainsi que l’accompagnement des consommateurs (devis techniques, soumissions, vidéos éducatives, etc.). 

Autres travaux visés

L’organisme sans but lucratif veut déployer son offre de rénovation écologique dans tous les types de bâtiments résidentiels dès l’an prochain. Éventuellement, il financerait notamment la mise à niveau des systèmes de traitement des eaux usées, l’étanchéisation des fondations et le remplacement des toitures en bardeaux d’asphalte par des revêtements métalliques, nous a confié en entrevue le directeur et cofondateur d’Écohabitation, Emmanuel Cosgrove.

 « On s’attaque en premier aux systèmes de chauffage carburant aux énergies fossiles, pour être conséquents avec notre mission d’accélération de la transition énergétique. On commencera tranquillement avec environ 80 prêts la première année dans une dizaine de municipalités de la couronne montréalaise. Plusieurs villes sont intéressées parce qu’il reste environ 163 000 de ces systèmes en opération, mais souvent les propriétaires n’ont pas les moyens de les remplacer, ou ne savent tout simplement pas par quel bout commencer », dit-il. L’organisme veut financer 1 500 conversions par année pour remplacer au moins 20 000 systèmes d’ici 2040.

M. Cosgrove promet un modèle simple, adaptable aux particularités régionales et dont les résultats seront mesurés. « Nous allons prescrire et financer les mesures les plus rentables sur la base d’études indépendantes. Écohabitation va délivrer des prêts avec le concours des municipalités qui, en offrant la taxe foncière comme véhicule de recouvrement, viennent sécuriser les projets », explique-t-il. 

Réputé depuis deux décennies pour son expertise en construction et rénovation écologique résidentielle, l’organisme arrime JeRenovÉco avec les programmes et directives climatiques des gouvernements provincial et fédéral, ainsi qu'avec les offres de financement de la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et d'Hydro-Québec. « C'est surtout un programme qui est construit avec le concours de plusieurs municipalités pour assurer un arrimage solide avec la réalité vécue par les villes et les propriétaires », explique son concepteur, Mathieu Gillet.

Projet pilote concluant

JeRenovÉco est la nouvelle mouture du programme pilote à succès FIME (Financement innovateur pour des municipalités efficaces) développé et dirigé par M. Gillet, aujourd’hui partenaire d’Écohabitation, grâce à l’aide financière de la FCM. Testé à Varennes, Verchères et Plessiville de 2016 à 2017, le FIME a permis de réaliser 24 rénovations écoénergétiques avec des prêts allant jusqu’à 20 000 $. Les travaux (étanchéité, isolation, thermopompes, etc.) ont généré des économies d’énergie moyennes de 29 % offrant une rentabilité en 7 à 18 ans.

« La beauté du programme, explique Mathieu Gillet, c’est que le prêt est attaché à la propriété et à un service d’accompagnement, ce qui aide vraiment les propriétaires à planifier facilement et à exécuter rapidement leur projet avec la certitude que cela se passera bien. Vraiment FIME, ou JeRÉnovÉco désormais, est fait pour aider les propriétaires trop souvent dépourvus devant l’ensemble des solutions qui s’offrent à eux. »

M. Gillet nous a simulé une conversion d’un système à air chauffé au mazout qui revient à 25 000 $ pour une nouvelle fournaise électrique comprenant un accumulateur de chaleur en briques, une thermopompe, un panneau électrique et la main-d'œuvre. Le prêt revient en fait à 15 000 $ car le propriétaire peut s’attendre à recevoir 10 000 $ en subventions permettant de rembourser une partie du prêt par anticipation. À un taux d’intérêt de 4 %, cela représente des annuités de 1 600 $ ajoutées sur la taxe foncière pendant 12 ans. « Les économies d'énergie générées par la conversion vers un système électrique intelligent et efficace vous permettront de couvrir en partie, parfois en totalité, les annuités de votre prêt, selon les conditions. » 

Selon les études de marché menées dans le cadre de FIME et de JeRénoÉco, le potentiel d’économies d’énergie pour la rénovation écoénergétique de bâtiments dans le secteur résidentiel s’élève à 24 pétajoules (PJ). Cela représente 6 666 gigawattheures (GWh ou milliards de kWh) ou près de 10 % des ventes résidentielles de 68 647 GWh réalisées par Hydro-Québec en 2020. 

Cet important potentiel de décarbonisation et d’économies d’énergie permettra d’électrifier d’autres secteurs d’activité, souligne M. Gillet. « Il faut s’attaquer à ce potentiel en priorité car c’est le plus simple et les technologies sont matures et sécuritaires. Le risque est quasi nul et c’est gagnant-gagnant pour tous, les propriétaires comme pour Hydro-Québec et le Québec en général. Les proprios vivent dans une maison plus confortable, cela leur coûte moins cher et ils sont climatiquement propres. Hydro dispose de plus de kWh et pour le gouvernement, les GES diminuent, mais sans que cela lui coûte un sou. Au contraire même, cela génère de l’activité économique. »

Un modèle éprouvé

L’initiative s’inspire du modèle à succès PACE (Property Assessed Clean Energy ou Énergie propre fondée sur la valeur des bâtiments) implanté dans une trentaine d’États américains ainsi qu’à Toronto et Halifax. « Cela permet d’offrir des prêts de longue durée (jusqu’à 20 ans), sans mise de fonds du propriétaire, qui engendrent des économies nettes dès le premier jour – ce qui n’est pas le cas avec les prêts traditionnels, explique Emmanuel Cosgrove. Ce mécanisme de financement innovant, utilisé en sus et en complémentarité avec les subventions existantes, permet d’accélérer et d’optimiser le déploiement des mesures d’efficacité énergétique et de substitution, avec à la clef une foule de bénéfices connexes tels que la création d’emplois dans toutes les régions, l’amélioration du confort et de la santé, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration du cadre bâti, la réduction des émissions de GES, etc. »