En 1976, la docteure en chimie biophysique Arlene Blum était face à un dilemme : on l'invitait à devenir la première américaine à gravir l'Everest, au moment où elle allait écrire un article historique qui protégerait du cancer les quelque 6 milliards d'enfants nés depuis. Avec son collègue de l'Université de Berkeley Bruce Ames, elle venait de découvrir que les bébés aborbaient du Tris, un retardateur de flamme mutagène et probablement cancérogène qui composait 10 % du poids de leurs pyjamas et se retrouvait dans leur urine. 

« Qu'auriez-vous choisi entre les deux? », demande-t-elle à son auditoire dans cette fascinante conférence TEDx d'une durée de dix minutes. Finalement, elle a choisi ses deux appels : en montant l'Everest, chaque soir, dans sa tente, elle écrivait son article. Bien qu'elle n'ait pas atteint ce sommet mythique, trois mois après la publication de leur article dans la prestigieuse Science (1), les pyjamas pour enfants contenant du Tris ont été interdits aux États-Unis.

Éliminer les plastiques et les six classes de produits chimiques nocifs dans les produits de consommation est plus difficile que de monter les plus hauts sommets du monde, explique la directrice du Green Science Policy Institute dans sa conférence intitulée Climbing Towards a Healthier Toxic-Free Future (Vers un avenir plus sain et sans toxines).

Heureusement, en collaboration avec de nombreux scientifiques, militants écologistes et politiciens éclairés, Blum accumule les succès depuis des années au bénéfice de la santé publique mondiale. 

Je nous souhaite tous d'avoir le courage et la détermination contagieuse de cette femme extraordinaire qui milite pour l'assainissement de nos habitations et de notre planète.

Joyeuses fêtes et je vous reviens dans cette infolettre le 9 janvier.

Ci-dessous, le résumé de sa conférence.

(1) Flame-Retardant Additives as Possible Cancer Hazards: The main flame retardant in children's pajamas is a mutagen and should not be used, Arlene Blum et Bruce Ames, Science, 7 janvier 1977.

(Les additifs ignifuges comme risques potentiels de cancer : le principal ignifuge utilisé dans les pyjamas pour enfants est un mutagène et ne devrait pas être utilisé.)

 

 

 

 


Le problème de la substitution regrettable [01:31]

Bien que les plastiques à usage unique soient un problème majeur, certains plastiques, comme ceux utilisés dans les dispositifs médicaux ou l'électronique, sont nécessaires et devraient être exempts de produits chimiques toxiques.

Arlene Blum met en évidence le problème de la substitution regrettable :

  • L'exemple le plus courant est celui des bouteilles d'eau sans BPA (bisphénol A), où le BPA est souvent remplacé par le BPS (bisphénol S), qui est tout aussi nocif [01:40].

  • Elle insiste sur la nécessité de considérer des familles entières de produits chimiques à la fois, et non des substances individuelles, pour éviter de remplacer un produit toxique par un cousin chimique similaire en structure, fonction et toxicité [02:12].

Les six classes de produits chimiques nocifs [02:37]

Pour simplifier la réglementation des dizaines de milliers de produits chimiques nocifs, son institut a proposé de les regrouper en six classes qui contiennent la majorité des substances dangereuses dans les produits de consommation courants [02:46] :

  1. Les PFAS (produits chimiques « éternels »)

  2. Les antimicrobiens

  3. Les retardateurs de flamme

  4. Les bisphénols et phtalates

  5. Les métaux

  6. Les solvants

La lutte contre les retardateurs de flamme [03:25]

  • Le cas du Tris : Son combat a commencé lorsqu'elle a découvert que les pyjamas pour bébés contenaient 10 % de Tris (un retardateur de flamme cancérigène), dont les produits de dégradation étaient retrouvés dans l'urine des enfants [03:31].

  • Elle explique que la plupart des produits chimiques (comme les retardateurs de flamme) ne sont soumis à aucune obligation de recherche scientifique ni d'approbation gouvernementale, contrairement aux aliments, médicaments et pesticides [04:02].

  • L'impact : En 1978, alors qu'elle était en expédition sur le Mont Everest, elle a écrit son article sur le Tris chaque nuit [04:44]. Cet article a été publié et a conduit, trois mois plus tard, à l'interdiction du Tris dans les pyjamas pour enfants [06:03].

  • Un problème persistent : Malgré l'interdiction, les retardateurs de flamme ont continué d'être utilisés dans de nombreux autres produits, notamment les meubles, l'électronique et les voitures [06:18]. Le retardateur de flamme Penta, présent dans la plupart des meubles et voitures pendant 30 ans, a été associé à une perte de QI de quatre à six points chez les enfants [06:34].

Progrès et défis actuels [07:00]

  • Victoires : Grâce à la collaboration avec l'industrie, le gouvernement et les pompiers, les normes d'inflammabilité ont été modifiées. Depuis une décennie, les retardateurs de flamme ne sont plus présents dans les meubles et les produits pour enfants [07:09].

  • Défis : Ils sont cependant toujours présents dans les voitures et l'électronique [07:21]. Elle annonce de bonnes nouvelles concernant les voitures, avec un soutien bipartite au Congrès américain pour développer de nouvelles normes d'inflammabilité afin d'éliminer ces produits cancérigènes [07:27].

Les produits chimiques éternels (PFAS) [08:24]

  • Les PFAS sont des composés fluorés imperméabilisants et antiadhésifs qui sont toxiques et ne se décomposent jamais .

  • Grâce à l'action d'ONG, des changements réglementaires sont en cours, principalement au niveau des États américains, pour éliminer les PFAS des emballages alimentaires, des tapis et des textiles d'extérieur [08:41].

Conclusion [09:17]

Arlene Blum conclut que débarrasser le plastique et les produits de leurs substances toxiques est comparable à l'ascension d'une haute montagne : il faut une équipe, des efforts constants, et malgré les tempêtes et les avalanches, l'objectif est d'atteindre le sommet d'un monde plus sain, sans produits chimiques nocifs dans nos produits, ni en nous [09:59].