Créateur de meubles personnalisés non toxiques et durables depuis 2008, Régis Pelletier a un message pour les parents : « Vous n’aurez plus à vous préoccuper si vos enfants devaient sauter sur votre divan. Ils pourraient être vingt en même temps et le sofa restera intact. Mais ils risqueraient de se blesser; le divan, lui, n’y verrait rien », illustre le propriétaire de l’atelier montréalais LUWISS.

Des divans sur mesure non toxiques. © LUWISS

Les produits LUWISS sont 50 % plus chers que les meubles standard, comme chez tout fabricant de produits haut de gamme mais qui ne sont pas nécessairement sains et écolos. Par exemple, on paiera de 2 495 $ pour un simple fauteuil en produits synthétiques à 5 950 $ pour un sofa de trois ou quatre places en matières 100 % naturelles. Comment cet artisan réussit-il dans un domaine si compétitif ? En créant des meubles non polluants – sans retardateur de flamme (ou « ignifugeant ») ni substance perfluorée (PFAS) antitaches – et aussi durables que ceux de vos parents ou grand-parents.

« Les structures que je propose (pas les tissus ni les bourres) sont garanties à vie, dit-il en entrevue téléphonique. Les clients que je dessers n’ont pas comme seul objectif de payer le moins cher possible. Ils ne veulent pas mettre leur santé ni l’environnement en danger. Et ils veulent un produit qui dure. » 

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Forces et limites d’IKEA

IKEA offre les meubles non toxiques les moins chers sur le marché, mais cela exige de se passer de bois massif, selon la consultante canadienne en maisons saines Corinne Segura, chimicosensible et auteure du blogue mychemicalfreehouse.net. Elle recommande aussi ceux offerts par les groupes allemand Crate&Barrel et américain Pottery Barn. Fabriqués aux États-Unis et vendus au Canada, leurs meubles sont désormais sans retardateurs de flamme, substances antitaches ni autres traitements nocifs.

« Oui, IKEA a fait des efforts pour donner plus de durabilité à ses meubles au cours des dernières années, reconnaît Régis Pelletier. Je pense qu’ils en avaient assez de devoir les remplacer parfois après quelques mois seulement. Tout est une question actuarielle : ils ont le volume pour se permettre ce type de rectifications. »

Mais le groupe suédois ne vous offrira jamais le confort et la durabilité à long terme d’un produit haut de gamme. Êtes-vous prêt à changer vos meubles aux 10 ans ou moins? « C’est quand même une courte période si on la compare à 15, 20, 25 ans pour un sofa de qualité, dit Régis Pelletier. Les ancrages en nylon pour ressorts qu’utilise IKEA sont conçus pour casser après un certain temps d'usage. On se retrouve littéralement avec des ressorts qui grattent le plancher. »

Afin de réduire les coûts de production, la plupart des fabricants à bas prix utilisent des mousses de basse qualité pour remplir les coussins des sièges, ajoute-t-il. « Ils font de même avec les systèmes de suspension : de simples sangles élastiques de très mauvaise qualité sont installées pour offrir un bon support au départ. Mais ces sangles étant très peu durables, les sièges s’enfoncent très rapidement. La plupart des meubles neufs sur le marché sont composés de coussins très épais pour tenter de compenser leur faible qualité et, conséquemment, celle des sièges. Je présente les principaux types de suspension sur mon site Internet à la page luwiss.com/sofa-sur-mesure. »

Il ajoute que réparer un siège inconfortable est souvent trop compliqué. « Cette réparation exige généralement de dégarnir les meubles au complet, ce qui revient plus cher que de les remplacer. Voilà l’arnaque. Tout est programmé pour que ça casse et qu’on doive remplacer! C’est mieux qu’avant chez IKEA, mais ça demeure du jetable. »

 

© LUWISS

Des ignifugeants nocifs permis au Canada

M. Pelletier fabrique et répare à l’occasion des meubles personnalisés avec des tissus certifiés non toxiques, par exemple par l’association EOKO-TEX qui regroupe 17 laboratoires indépendants présents dans 70 pays. Le STANDARD 100 d‘EOKO-TEX exige que les matières testées soient exemptes de nombreux produits chimiques nocifs, comme les PFAS et divers métaux lourds comme le cadmium, le plomb, etc. Comme l’explique l’entreprise Matelas Mirabel, CertiPUR-US est un programme mondial certifiant qu’une mousse de polyuréthane est notamment exempte de phtalates, métaux lourds et ignifugeants, tel le TDCPP, et qu’elle est faible en émissions de composés organiques volatils.

Le Canada permet encore d’utiliser de retardateurs de flamme dangereux, tels le TCPP et le TDCPP, et n’exige pas que les fabricants mentionnent leur présence ou non sur les étiquettes de leurs produits, ce qui est obligatoire en Californie. Or, en plus d’être nocifs, ces agents ignifuges sont même inefficaces, tout comme les PFAS, selon les experts tels ceux du Green Science Policy Institute.

« L'exposition aux PFAS provenant des meubles se produit lors de la fabrication, de l'utilisation et de l'élimination des tissus finis, ce qui entraîne des risques pour la santé des travailleurs, des consommateurs et des communautés vivant à proximité des sites de production, ainsi que des dommages pour l'environnement, explique l’organisme dirigé par la célèbre chimiste Arlene Blum. Certaines PFAS ont été associées à un large éventail de problèmes de santé graves, allant du cancer à l'obésité en passant par des formes plus graves de COVID-19, en plus de contaminer l'eau potable de plusieurs millions de personnes. »

Au chapitre des ignifugeants, Santé Canada étudie les risques pour la santé des consommateurs exposés au TCPP (risques de troubles sur la reproduction et le développement), au TDCPP (risques de cancer et effets sur les reins et les testicules) ainsi qu’à la mélamine qui est parfois utilisée dans les meubles rembourrés (risques de cancers ainsi que de problèmes urinaires et reproducteurs). Joshua Cooke, relationniste à Santé Canada, m’a expliqué par courriel : « Le gouvernement du Canada avance que le TCPP et le TDCPP sont nocifs pour la santé humaine, mais pas pour l’environnement, selon les niveaux d’exposition pris en compte dans l’évaluation. L’évaluation définitive est prévue pour 2026. Le TCPP et le TDCPP sont toujours autorisés dans les matelas et les canapés. Si l’évaluation définitive conclut que le TCPP et le TDCPP sont toxiques, Santé Canada pourrait prendre des mesures pour réduire l’exposition à certains produits fabriqués à partir de mousse, tels que les matelas et les meubles rembourrés. »

 

Matières synthétiques ou naturelles

Régis Pelletier offre à la fois des produits synthétiques sans dangers, comme le polyuréthane sans ignifugeant et le polyester, ainsi que des produits naturels comme le latex et des tissus très durables comme le coton, la laine, un mélange laine polyester et lin, tous tissés serrés. « Si vous avez des enfants et des animaux, je vous recommanderai nos produits les plus durables. » Par exemple, le cuir pleine fleur (le summum de la qualité et du raffinement) et même des tissus offrant une meilleure résistance aux griffes de chats.

Il ne peut garantir que son cuir est sans métaux lourds, mais dit que « des démarches pourraient être faites pour trouver ce type de cuir. Par contre, il faudra s’attendre à un prix plus élevé, voire inaccessible puisqu’il s’agira souvent d’importation. Aussi, il existe maintenant des cuirs faits à partir de végétaux, mais j’ai peu exploré cette avenue et j’ai quelques réserves sur la durabilité de tels produits pour des meubles rembourrés.

Corinne Segura de mychemicalfreehouse.net confirme que le seul cuir écologique et non toxique est teint à l'aide de colorants végétaux et fabriqué sans chrome ni autres métaux lourds et autres produits chimiques nocifs. Selon elle, la deuxième meilleure option est le cuir qui est au moins sans chrome. Seules quelques marques en Amérique du Nord répondent à ces normes, dont Elmo. « L'une des raisons pour lesquelles peu de marques utilisent cette méthode naturelle et non toxique est que le cuir n'est pas aussi uniforme que ce à quoi nous sommes habitués. Il n'est pas bon marché non plus », explique-t-elle.

  

Bois et mousses denses

Le mobilier LUWISS est fait à base d’érable de Norvège (une espèce envahissante dont la récolte protège l’érable à sucre), de contreplaqué russe sans urée formol, ou même de frêne montréalais abattu, car attaqué par l’agrile du frêne. Régis Pelletier spécifie que presque tous ses clients choisissent une plate-forme en bois massif, bien plus durable à long terme. « Souvent au départ, mes clients me regardent avec un air perplexe, mais ils finissent par choisir cette option tellement ils sont étonnés du confort qu’ils constatent. En sachant bien agencer les options de mousses polyuréthanes et/ou de latex naturels, on procure un confort inégalé qui durera des décennies. On est trrrrrrès loin de la sensation de s’asseoir sur une planche! Selon les matériaux choisis, il faut au minimum quatre, cinq pouces de bourre pour obtenir un tel confort. C’est la plus économique des options, car c’est quasi indestructible. C’est un investissement et pas seulement une dépense. Une vraie alternative à l’obsolescence programmée. »

Or, les clients d’IKEA sont tout de même plus satisfaits que ceux des géants comme Ashley, le plus grand fabricant et détaillant de meubles au monde, selon Jeff Frank, auteur du blogue Insider’s Guide to Furniture (Guide de l’initié au mobilier) lu par des millions de personnes. Après six ou dix ans, pas un seul client d’Ashley aime encore son mobilier, selon Frank qui a vérifié 12 000 évaluations de ce fabricant américain. « La plupart des coussins destinés aux canapés et divans fabriqués en série utilisent des âmes en mousse de polyuréthane d'une densité de 1,8 livres au pied cube (lb/pi3) qui a une durée de vie moyenne de 3 à 5 ans, écrit Jeff Frank. Au-delà de cette période, ils perdent leur forme, leur résilience (capacité à reprendre leur forme initiale) et leur confort. »

Régis Pelletier insiste sur l’importance de la densité des mousses qu’il utilise chez LUWISS. « Moins la mousse est dense, moins elle va durer. Pour le latex, selon la mousse choisie, la densité varie de 1 à 5 lb/pi; pour le polyuréthane, ça varie entre 1,8 et 3 lb/pi3. C’est le poids de la mousse qui donne une idée plus précise de sa densité. Certaines mousses très fermes sont très peu denses alors que certaines mousses très moelleuses sont très denses. »

Le latex est plus cher pour une excellente raison : « Il est particulièrement durable, jusqu’à plusieurs décennies dans les meilleures conditions. C’est l’oxydation qui affecte le plus le latex et le dégrade au fils des ans; il tombe progressivement en poussière, littéralement. S’il est bien protégé selon l’intensité de l'usage, le latex peut facilement offrir une bonne vingtaine d’années de confort dans le cas des densités de 5 et 4 pour les sièges. » 

 

© LUWISS

Entretien et réparation

Alors, comment protéger un latex pour qu’il dure ? « La protection ultime pour le latex serait de le couper de l’oxygène qui le dégrade (tout comme l’eau). Mais ceci n’est pas vraiment possible techniquement si on veut en faire un usage régulier. Déjà, les housses en tissu vont aider à réduire le contact direct avec l’air. Également, si une fibre de rembourrage est encollée sur la mousse latex, par exemple, un feutre de polyester, la colle servira aussi de protecteur pour couper l’air direct sur la mousse latex.

On recommande de limiter le nettoyage de ses sofas avec trop d’eau, pour éviter que l’humidité ne s’infiltre en profondeur. Si les housses des coussins sont amovibles, il est conseillé de les retirer et de les laver séparément, sans mouiller les coussins de latex – on peut les secouer pour enlever de la poussière, mais il faut éviter le contact direct avec l’eau.

Mais attention : laver seulement les housses des coussins peut provoquer une usure prématurée des tissus ainsi qu’une décoloration qui peut finir par contraster avec les recouvrements des éléments de structure. Si laver ses meubles est très important pour une personne, on recommande que le sofa complet soit confectionné avec des housses amovibles. En évitant de mouiller les éléments de structure rembourrés, on préservera le meubles et les bourres tout en évitant le développement de moisissures. »

Pour les personnes ou familles soucieuses de trouver des tissus faciles d’entretien, Régis Pelletier recommande ceux qui fabriqués en Belgique par FiberGuard. Son traitement antitaches, dont la formule chimique est secrète, est certifiée EOKO-TEX 100, ce qui confirme que le tissu ne libère aucune substance chimique nocive. « Ce traitement est intégré à même la fibre et beaucoup plus résistant que le Scotchguard et autres produits appliqués en surface qui boulochaient et s’avéraient toxiques », explique M. Pelletier. Si vous tachez votre divan, il recommande d’intervenir le plus rapidement possible : « On éponge le surplus et, en frottant doucement, on applique avec un linge humide le meilleur produit pour corriger presque 100 % des taches, soit le savon à vaisselle à petite dose. On répète ensuite avec un autre linge humide pour retirer le savon. »

Il n’est pas toujours avantageux de faire rembourrer ses vieux meubles, prévient-il sur son site Web. « Il faut s’assurer que leur structure soit suffisamment solide et robuste pour durer aussi longtemps que dureront les nouveaux matériaux et tissus. Généralement, plus un meuble est âgé, meilleur est son potentiel de remise à neuf. De plus, comme le service “sofa sur mesure“ est désormais le cœur des services chez LUWISS, nous offrons toujours le service de rembourrage de meubles, mais nous nous concentrons sur de plus petits projets tels que fauteuils, chaises, causeuses, poufs lorsqu’il s’agit de remplacement des bourres et de la confection de coussins. Nous continuons également d’offrir le service de rembourrage pour la plupart des meubles de style scandinave. »

M. Pelletier a élaboré par courriel : « Pour le rembourrage, j’en fais encore, mais moins. Il y a une question d’espace et de manipulation – je ne rajeunis pas! Et j’avoue qu’à part les vieux meubles qui étaient bien construits à l’époque, il est difficile de justifier une dépense plus élevée pour le rembourrage que le prix de remplacement pour un sofa neuf.

« Par contre, je fais souvent des réparations, par exemple remplacer le système de suspension défectueux par une plateforme en bois. J’ai trouvé une méthode qui peut sauver bien des sofas. C’est un peu moins coûteux que de remplacer et ça sauve bien des déchets. Je l’ai fait pour quelques clients déjà et tous sont très satisfaits.

« Sinon, je réfléchis depuis des années à la façon de réussir à fabriquer de la qualité/durabilité à un prix abordable J’ai une piste que je dois tester pour valider si ça vaut la peine. Je vous en parlerai si jamais ça fonctionne… »

Voir les gammes de prix des produits LUWISS sur luwiss.com/estimation

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