
Des millions de tonnes de biomasse sont enfouies ou gaspillées chaque année au Québec alors que cette matière pourrait servir à chauffer de façon abordable et écologique des bâtiments ou même des écoquartiers situés à proximité de ces résidus, comme le fait Beneva depuis 2012 au complexe de 800 logements Cité Verte, à Québec. « Au Québec, il y aurait 10 millions de tonnes métriques de bio-masse (forestière, agroalimentaire et urbaine) disponible à des fins de valorisation énergétique, ce qui équivaut à une énergie thermique brute de 174 PJ (48 TWh) », estimait en 2021 Hydro-Québec qui a vendu 177,2 TWh d'électricité sur le marché québécois l'année dernière et qui veut doubler ses ventes d'ici 2050 afin de contribuer à sortir le Québec des énergies fossiles.

« Le Québec compte un millier de petites municipalités qui dépendent encore d’énergies fossiles coûteuses et polluantes. Leur transport produit énormément de gaz à effet de serre (GES) et de particules fines », déplore Jean-Pierre Naud, président directeur général du nouveau Centre provincial d’expertise en énergie biomasse Desjardins, ouvert en décembre 2024 à Saint-Marc-des-Carrières, dans Portneuf. « Des écoles, des hôpitaux et des bâtiments municipaux sont chauffés au mazout alors qu’elles ont des volumes immenses de biomasse résiduelle trop souvent enfouis dans les décharges où ils génèrent du méthane (puissant GES) en se décomposant et ce, après avoir été transportées sur jusqu’à 100 km. C’est une aberration économique et environnementale. »

La biomasse comprend les résidus forestiers, de bois de déconstruction, de rejets de bois commerciaux (élagage, ateliers d’ébénisterie) ou industriels, et même les déjections animales et les déchets agricoles. Convertis en granules ou en copeaux (aussi appelés plaquettes), ces résidus locaux peuvent être convertis en énergie thermique dans des chaudières à eau chaude automatiques, à très haute efficacité, silencieuses et pouvant être dotées de filtres à particules fines. C’est ce que font depuis quatre décennies les Scandinaves et les Autrichiens, au lieu de brûler du mazout ou du propane. Le chauffage des serres et la fonte de la glace dans les entrées des personnes âgées sont d’autres applications possibles du chauffage à la biomasse.
Au Québec, le potentiel de cette industrie axée sur l’économie circulaire est immense, estime M. Naud. « Il faut privilégier les circuits courts, la source de biomasse résiduelle étant souvent située à quelques kilomètres de l’utilisateur. Grâce à la biomasse, nous pourrions devenir un modèle d’autonomie et de sécurité énergétique en réduisant massivement nos importations de combustibles fossiles et en optimisant l’utilisation de l’électricité qui est très coûteuse et polluante à produire quand on l’importe au plus froid de l’hiver. »

Depuis 2014, la municipalité de Saint-Gilbert (voisine du Centre d’expertise sur la biomasse) a réduit jusqu’à 50 % les coûts de chauffage de ses bâtiments institutionnels en remplaçant des systèmes au mazout par une chaudière à la biomasse locale opérée par nul autre que Jean-Pierre Naud.
Organisme neutre et sans but lucratif, son Centre s’est doté d’une chaudière européenne dédiée à la recherche, à la démonstration et aux formations. Plus d’une centaine de municipalités, d’organismes et d’entreprises ont déjà suivi l’atelier Biomasse 101 qu’il offre gratuitement afin de leur permettre de bien maitriser cette manière de chauffer. « Avant, il n'y avait aucune formation en la matière, ce qui créait un grand vide, rendant les assureurs très frileux envers cette forme d'énergie, dit-il. Nos conseils objectifs portent sur le comment faire et surtout ce qu’il ne faut pas faire. Si les conditions ne sont pas au rendez-vous on avise. »

Au Québec, il n'existe qu'une dizaine de centres de production et de distribution de plaquettes à partir de bois sans preneur. Jean-Pierre Naud rêve de voir s'établir des stations-service de plaquettes dans chacune des 87 MRC de la province. Sa devise : « Enjeu global, solutions locales. »
Selon le cadre normatif du Programme d’aide financière pour des projets de conversion à la bioénergie, une aide financière est offerte aux secteurs commercial (incluant certains immeubles multilogements), institutionnel, municipal, industriel ou manufacturier.

« Sont toutefois exclus :
- les bâtiments à usage mixte (résidentiel et commercial) à l’intérieur des centres urbains de plus de 100 000 habitants;
- les habitations multirésidentielles à l’intérieur des centres urbains de plus de 100 000 habitants;
- les habitations multirésidentielles neuves de dix étages et moins;
- les maisons individuelles, jumelées ou en rangée;
- les chalets pour usage personnel ou dont la vocation n’est pas régie par un permis d’exploitation;
- les petits immeubles à logements qui ont moins de 600 mètres carrés de surface projetée au sol ou moins de quatre étages.
Toute personne morale, société de personnes ou personne physique exploitant une entreprise individuelle est admissible au programme. Un regroupement de personnes morales, liées solidairement entre elles par contrat et représentées par un participant délégué, est également admissible si son projet est situé au Québec. »
En réponse à nos questions, RECYC-QUÉBEV nous a répondu :
« Il n’est pas illégal d’enfouir du bois de construction au Québec
« Le Plan d’action 2019-2024 a un objectif de recyclage et de valorisation de 70% pour l’ensemble des résidus de CRD (construction, démolition, rénovation) incluant le bois. Selon le Bilan 2023, la proportion des résidus de CRD acheminés vers les centres de tri est de 53 % et les installations ayant participé à l’enquête du Bilan ont acheminé un total de 48 % des matières sortantes vers le recyclage et la valorisation énergétique (essentiellement du bois).
La Stratégie de valorisation de la matière organique (voir section bois p. 21) mise notamment sur l’amélioration de la qualité du tri des CRD dont le bois afin de favoriser les marchés ainsi qu’une surcharge à l’élimination pour les résidus de CRD non triés. »
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