Alors que Santé Canada affirme que le rayonnement de radiofréquences (RF) faible, mais constant de la téléphonie cellulaire de deuxième à cinquième génération (2G à 5G) « ne pose pas de risque pour la santé », plusieurs citoyens s’opposant à l’érection d'antennes dans leur quartier ont l’écoute de leurs élus locaux. Bien que les télécommunications soient de juridiction fédérale, début juin, les élus de Bromont ont pu rejeter un tel projet de Vidéotron parce que le terrain convoité appartient à la Ville.
Outre l’impact d’une quatrième tour cellulaire sur le paysage bromontois, de nombreux citoyens, incluant un ancien réalisateur de l’émission scientifique Découverte de Radio-Canada, Pascal Gélinas, s’inquiètent des études démontrant que les gens vivant à moins de 500 mètres d’antennes cellulaires ont plus de problèmes de santé que la moyenne, comme le cancer (bit.ly/44a9hJU), et voient la valeur de leur propriété se déprécier (bit.ly/44bXWcr).
L’affaire est compliquée par la politisation de la science. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est accusée de faire réévaluer les risques de cancer présentés par les champs électromagnétiques (CEM) de RF par des chercheurs en conflit d’intérêts avec un organisme sympathique aux industries électriques et des télécommunications.
En 2011, des chercheurs indépendants réunis par le Centre international de recherches sur le cancer de l’OMS classaient les RF comme « peut-être cancérogènes » parce que des études démontraient que le cancer du cerveau est deux fois plus fréquent chez les gens qui téléphonent régulièrement avec un cellulaire posé du même côté de la tête. En 2022, une méta-analyse de 46 études sur le sujet a précisé que ce risque est plus élevé que la norme si on utilise ainsi le cellulaire pendant plus de mille heures sur dix ans, soit l’équivalent de 17 minutes par jour en moyenne. C’est pourquoi les experts, dont les auteurs de centaines d’études indépendantes sur le sujet regroupés au sein de la Commission internationale sur les effets biologiques des champs électromagnétiques (icbe-emf.org), nous empressent d’utiliser un téléphone filaire le plus souvent possible. Lorsque cela est impossible, ils recommandent d’utiliser le cellulaire avec la fonction haut-parleur ou un écouteur de type Airtube et surtout d’écourter les conversations, en particulier quand la réception est mauvaise, ce qui augmente les émissions du téléphone et donc l’exposition aux RF.
Plusieurs autres études récentes motivent la réévaluation commandée par l’OMS. Elles indiquent que les personnes et les animaux constamment exposés aux RF peuvent aussi développer des tumeurs de la thyroïde, de la prostate, du nerf acoustique et du sein, ainsi que d'autres maladies, selon l’article Wireless Hazards publié dans le Washington Spectator, en décembre 2020.
Or, 11 des 21 chercheurs mandatés par l’OMS pour réévaluer la cancérogénicité des RF ont déjà défendu les limites d’exposition proposées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, mieux connue sous l’acronyme anglais ICNIRP, déplore un membre de l'ICBE, le chercheur Joel Moskowitz qui dirige le Centre pour la santé familiale et communautaire de l’École de santé publique de l’Université de la Californie à Berkeley (saferemr.com). Selon Microwave News, l'ICNIRP fut fondé par Michael Repacholi, un ancien fonctionnaire de Santé Canada devenu consultant industriel avant de fonder et diriger pendant dix ans le Projet de recherche de l’OMS sur les CEM.
La plupart des pays du monde s’inspirent des limites d’exposition aux RF de l’ICNIRP, notamment de 41,2 volts par mètre (V/m) pour la fréquence 900 mégahertz. (L’Italie résiste aux pressions de l’industrie et vient de maintenir sa limite de 6 V/m, la plus stricte en Europe.) Sauf que ces limites, dites thermiques, ne visent qu’à prévenir l’échauffement des tissus humains de 1 degré Celsius après une exposition de six minutes. Elles font fi des risques non thermiques à long terme, notamment de cancer, qui font consensus parmi les chercheurs indépendants. Plusieurs d’entre eux sont regroupés au sein d’un autre organisme, la Commission internationale sur les effets biologiques des champs électromagnétiques (icbe-emf.org), et ont cosigné la ligne directrice 2016 sur les CEM de l’Académie européenne de médecine environnementale. Elle conseille par exemple de câbler les connexions internet pour éviter de s’exposer à un rayonnement du Wi-Fi dépassant 0,6 V/m ou 10 microwatts par mètre carré (μW/m2) le jour, 0,019 V/m ou 1 μW/m2 la nuit et 0,006 V/m ou 0,1 μW/m2 pour les enfants et autres personnes plus sensibles. Ses limites pour l’exposition au rayonnement de la téléphonie sans fil ou cellulaire sont dix fois plus élevées.