Le chanteur et pianiste québécois Christian Marc Gendron avoue avoir été très sceptique le jour où une amie d’enfance lui a confié être « allergique au Wi-Fi », chose qu’il trouvait « saugrenue » à l’époque. Mais sa perception a changé complètement le 22 octobre dernier, jour de son 41e anniversaire.
« J’avais dans la main un cellulaire branché dans le mur et j’ai eu une espèce d’électrocution qui m’a passé partout dans le corps », nous a raconté en entrevue la vedette du spectacle Piano Man Expérience. Quelques jours plus tard, il a paniqué : « J’avais l’impression que l’électricité ne voulait pas quitter mon corps, puis je me suis mis à paralyser de la mâchoire et du bras. Ça me brûlait, une espèce de douleur diffuse, un peu comme du zona. C’était assez brutal comme douleur, comme si j’étais conducteur d’électricité. Pendant la semaine, j’ai vraiment dépéri. Je suis allé à l’hôpital et j’ai passé un paquet de tests. Le médecin m’a dit que j’étais en bonne santé. Il voulait me prescrire des antidépresseurs, mais dans ma tête ça ne pouvait pas être ça, c’était trop physique et électrique comme douleur. J’ai eu peur d’avoir ça toute ma vie. Je ne pouvais plus sortir de ma maison. »
S’entrainer et se grounder
C’est finalement un naturopathe qui lui a dit qu’il était devenu électrohypersensible et qu’il devrait changer son style de vie pour réduire l’acidité de son corps, conductrice d’électricité. Avant de tomber malade, il avoue qu’il était surmené. « Je travaillais beaucoup trop, j’ai fait de l’insomnie pendant plusieurs mois. » Il a aussi perdu beaucoup de poids et avait des reflux gastriques. « La seule chose qui me faisait du bien, c’était de m’entrainer deux heures par jour, de marcher pieds nus dans le gazon et de toucher à un arbre pour me grounder. Je sentais l’électricité passer à travers mes mains. »
Après un repos forcé de six semaines, il s’est remis sur pied avec l’aide de ses proches, dont l’auteure et interprète Natasha St-Pier, qui lui a conseillé l’alimentation saine et une méditation yogique qui lui « fait vraiment du bien ». Il a réduit sa consommation de café, d’alcool, de viande rouge et de produits laitiers. Puis il a fait installer un téléphone et une connexion internet filaires dans sa maison, ainsi que des matériaux blindant les radiofréquences, avec l’aide du technicien Stéphane Bélainsky, de l’entreprise Expertise électromagnétique 3E. « Chez moi, je me sens bien, c’est devenu un refuge où je peux récupérer physiquement et mentalement », affirme le pianiste de nombreuses vedettes, dont Mario Pelchat et Brigitte Boisjoli.
Aujourd’hui, il dit aller beaucoup mieux, mais il est toujours hypersensible, par exemple aux ondes du Wi-Fi qui le surexcitent et lui donnent des palpitations cardiaques. « Je ne veux même pas m’imaginer ce que vivent les enfants qui dorment dans le Wi-Fi et qui vont à l’école dans le Wi-Fi. Moi, je suis toujours en tournée dans les salles de spectacle. Dans mon devis technique, je demande de fermer le Wi-Fi et dans 90 % des cas ils acceptent. Les techniciens qui travaillent avec moi, ça fait leur affaire parce qu’ils sont tous un peu hypersensibles. Ils disent que c’est normal, que ça existe. Les micros et les amplis sans fil, on est tout le temps là-dedans. » Heureusement, son médecin de famille est ouverte d’esprit. « Elle a reconnu certains de mes symptômes chez ses autres patients. »
En 2005, l’Organisation mondiale de la santé a reconnu le phénomène croissant de l’hypersensibilité électromagnétique tout en précisant qu’il ne s’agissait pas d’un diagnostic médical, car il n’a pas été prouvé que les symptômes sont causés par l’exposition aux champs électromagnétiques. Pourtant, cette condition est connue des militaires depuis l’usage du télégraphe durant la guerre de Sécession américaine à la fin du 19e siècle (lire le formidable livre The Invisible Rainbow). En 2000, « l’intolérance électromagnétique » a été reconnue par les pays nordiques européens, tels la Suède et le Danemark, comme une maladie professionnelle¹ dont les « symptômes disparaissent dans les environnements non électriques ». Et en 2016, l'Académie européenne de médecine environnementale publiait les Lignes directrices pour la prévention, le diagnostic et le traitement des problèmes de santé et maladies liés aux champs électromagnétiques, qui synthétisent un siècle de connaissances sur ces sujets.
C’est pour donner au suivant que Christian Marc Gendron a accepté de devenir porte-parole de l’organisme d’information et de soutien Rassemblement ÉlectroSensibilité Québec. « Il y a beaucoup de personnes hypersensibles qui m’ont été d’un soutien incroyable et je sais qu’il y en a qui souffrent plus que moi. C’est dommage que les gouvernements et l’opinion publique soient dans le déni. Ça peut faire peur aux gens, savoir que l’avancement technologique nous rend malade... J’ai tout intérêt à ce que ce soit mieux connu. Sans alerter les foules ou faire peur aux gens, c’est juste de prendre nos précautions. »
Entrevues intégrales avec Christian Marc Gendron, Manon Séguin et Stéphane Bélainsky: youtube.com/watch?v=rNrzNCfE1AQ
1. Selon l'expert américain Arthur Firstenberg, le terme électrosensible est trompeur et sert à masquer le fait que nous sommes tous sensibles à l'électricité mais ne voulons pas admettre que les appareils électriques filés ou sans fil peuvent rendre malade. En fait, on devrait parler de blessure due aux radiations, au même titre qu'une personne peut devenir hypersensible à la suite d'un empoisonnement chimique. C'est selon lui ce qui menace des millions de personnes avec l'arrivée prochaine de la 5e génération de technologie cellulaire (5G) avec l'Internet des objets, comme il l'explique dans cette conférence qu'il a prononcée en août 2018. Firstenberg est l'auteur de The Invisible Rainbow, l'histoire la plus complète de l'électricité et de ses effets sur la santé.