L’architecte Paula Baker-Laporte est devenue experte en maisons saines par nécessité. En 1981, elle a déménagé dans une maison mobile qui l’a rendue hypersensible aux produits chimiques. Elle n’avait aucune idée que celle-ci était construite en panneaux de particules collées à l’urée-formol, une résine émettant d’importantes quantités de formaldéhyde. L’année précédente, Santé Canada interdisait la vente au pays de la mousse isolante d’urée-formaldéhyde, qui dans certaines conditions émettait de très fortes concentrations de ce gaz irritant, aujourd’hui classé cancérigène.
« Je faisais une pneumonie chaque année, et chaque fois que je sentais des parfums dans un centre d’achat, j’avais des étourdissements et le cerveau dans le brouillard, raconte cette architecte américaine d’origine torontoise. Il m’a fallu dix ans pour comprendre que je pouvais guérir en assainissant mon environnement. Aujourd’hui, le gouvernement exige que les panneaux de particules affichent une mise en garde expliquant de consulter son médecin si on éprouve des étourdissements ou autres symptômes. Encore faut-il que votre médecin soit au courant de l’impact des produits chimiques sur la santé. Et qu’en savent les architectes? Ils ne nous enseignent rien à ce sujet. »
Au cours des 16 dernières années, cette architecte formée par l’Institut international — germano-américain — de baubiologie [biologie de l’habitat] fut impliquée dans la construction d’une dizaine de maisons pour personnes hypersensibles. Avec son mari Robert Laporte, elle dirige la compagnie EcoNest Homes à Ashland, en Oregon. Elle est également l’auteure principale d’un excellent livre sur le sujet, Prescriptions for a Healthy House (Ordonnances pour une maison saine, (327 pages, éditions New Society, 2008), auquel plusieurs spécialistes, dont l’auteur de ces lignes, ont collaboré.
Ayant réussi à contrôler son hypersensibilité chimique en vivant dans un environnement sain et à aider beaucoup de personnes à faire de même, Paula Baker-Laporte est outrée par les propos du toxicologue québécois Albert Nantel, qui estime que ce syndrome est une phobie des produits chimiques. « Comment explique-t‑il alors qu’une personne allergique tombe en anaphylaxie à cause d’un sac d’arachides ouvert? »
Il y a 60 ans, le frère de cette architecte est né avec des allergies alimentaires sévères, une maladie rare à l’époque. « Un article sur lui est paru en première page du Toronto Star parce qu’il devait recevoir des injections [de désensibilisation] à toutes les semaines, explique-t‑elle. À l’époque, la communauté médicale percevait ce traitement comme de la science vaudou. Pourquoi est-il si difficile aujourd’hui de croire que certaines personnes tombent malades quand elles respirent de faibles doses de produits chimiques? »
Cette architecte a connu beaucoup de gens hypersensibles qui passaient pour des fous. « En fait, ils avaient raison d’avoir peur, car les produits chimiques les rendaient très malades. La solution, c’est que les maisons saines deviennent la norme. »
Selon elle, il n’y a rien de compliqué à bâtir une maison saine. « Il faut juste suivre une centaine de petites choses simples, comme la réduction des champs électromagnétiques et l’évitement des matériaux qui donnent aux maisons neuves leur mauvaise odeur. » C’est le cas, par exemple, du papier-peint et des couvre-planchers de vinyle, des moquettes, des peintures bas de gamme ou à l’huile et autres mastics odorants, de même que l’huile à décoffrage des fondations, qui peut être remplacée par un produit à base d’eau sans émissions de composés organiques volatils.
Paula Baker-Laporte espère que le Dr Nantel comprendra un jour à quel point les faibles doses de produits chimiques peuvent être nocives pour les personnes hypersensibles. « Je lui souhaite de ne pas le découvrir par une expérience personnelle qui le forcerait à manger ses mots. »
Pour en savoir davantage, découvrez les 25 règles de base de la baubiologie.