Avis aux jardiniers complexés : un petit effort fait des miracles. Chaque année, Éric Duchemin achète pour moins de 25 $ de semences et pourtant il récolte l’équivalent de mille dollars de légumes. « Chez moi, j'ai un potager de 30 mètres carrés dans la cour arrière, un aménagement paysager (raisin, kiwi sur pergola, haricots qui font des haies, groseilliers et cassissiers pour des bosquets), des piments et des aubergines sur le balcon et je cultive aussi devant la maison. »
Environ les trois quarts de ses semences viennent des plantes qu’il laisse fleurir et monter en graines, relate le cofondateur et directeur scientifique du laboratoire de recherche, d’innovation et d’intervention en agriculture urbaine AU/LAB, partenaire de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Je fais sécher mes propres semences, par exemple de piment, de tomate, de kale et de courge, et j’en achète notamment pour les carottes et les betteraves. Mais mon approche n’est pas très scientifique. Mes graines ont un taux de germination très variable. C’est pourquoi j’en mets trois par coup dans le sol. Ainsi je suis sûr qu’une d’entre elles va germer! »
Si ce sont des conseils ou des ateliers de jardinage qui vous intéressent, ce professeur associé à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM vous dirigera vers les experts en la matière, comme Yves Gagnon, Albert Mondor, Bertrand Dumont et Lili Michaud. « L’agriculture urbaine, c’est plus que jardiner chez soi, explique Éric Duchemin. C’est aussi les jardins collectifs [cultivés par un groupe] ou communautaires [divisés en jardinets familiaux], et même la création de fermes urbaines, d’un système beaucoup plus vaste de production, de transformation et de mise en marché durable et équitable. »
Comme de nombreux acteurs participant à la révolution mondiale de l’agriculture urbaine, ce chercheur cultive des terres et champs beaucoup plus vastes qu’un petit lopin de terre privé. Il consacre ses efforts au service de la collectivité afin de permettre aux citoyens de se réapproprier un système alimentaire dominé par les grandes industries dont les pratiques sont malsaines et destructrices. Au Québec, 1,7 million des 2 millions d’hectares agricoles sont destinés à la production porcine et bovine qui pollue l’air et l’eau, sans parler du traitement souvent inhumain des animaux privés de leur liberté.
Depuis qu’Éric Duchemin a cofondé AU/LAB en 2009, ce lieu de réflexion interuniversitaire est devenu un pôle de référence international en matière d’agriculture urbaine (AU) et de transfert d’expertise vers le développement de fermes urbaines. On y discute notamment de sécurité alimentaire, de résilience et de lutte contre les changements climatiques, de réduction de l’usage des engrais et pesticides de synthèse, des organismes génétiquement modifiés (OGM), de protection de la biodiversité, de justice alimentaire (favoriser la production et la consommation d’aliments de proximité, de qualité et accessibles au plus grand nombre).
L’AU connaît une croissance effrénée à Montréal et plusieurs autres villes depuis une dizaine d’années. L’un des catalyseurs fut Les incroyables Comestibles, mouvement mondial d’innovation sociale lancé en 2008 par deux mères de famille britanniques, Mary Clear et Pam Warhurst. Leur idée fut de cultiver bénévolement des aliments sur des terrains publics et privés improductifs (parcs, terrains vagues, ruelles, trottoirs, pelouses, etc.) afin de les offrir gratuitement aux passants. Et ce, sans demander la permission! À leur grande surprise, 60 personnes de leur petit village de 15 000 âmes, Todmorden, étaient venues à leur première rencontre. Cultivés dans les bordures de routes passantes que personne ne respectaient et où les chiens faisaient leurs besoins, leurs potagers drôles, vivants et intrigants, avec leurs affiches Nourriture à partager, ont fait fureur partout sur la planète.
« Nous voulions créer une raison d’avoir une conversation autour des plantes, créer une connexion entre des inconnus », comme elles l’ont expliqué dans le film Demain. D’abord confus et rébarbatifs, policiers, élus et fonctionnaires ont rapidement compris le bienfondé de leur initiative écorebelle. Depuis 2013, tous les terrains vacants de leur région de 200 000 habitants sont devenus des cultures Incroyables. Son jardinier en chef, le docteur en biochimie Nick Green, explique dans le même film qu’on nous ment quand on prétend que l’agriculture industrielle nourrit la planète. En fait, elle est extrêmement inefficace, destructrice et nocive. Olivier Schütter, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation auprès des Nation unies, confirme ses dires : « Est-ce que l’agroécologie peut nourrir le monde? La réponse est oui : de 70 à 75 % de ce qui est consommé dans le monde vient des petits agriculteurs. »
Le mouvement des Incroyables Comestibles fut introduit au Québec en 2012 par le couple drummondvillois Michel Beauchamp et Josée Landry. À l’époque illégal, leur potager en façade fut finalement autorisé et même encouragé par leur municipalité. Il faut dire que l’activiste américain Roger Doiron, de Kitchen Garden International, qui avait convaincu le président Barack Obama de créer un potager à la Maison-Blanche, avait lancé une pétition internationale, signée par 35 000 personnes, pour faire plier Drummondville. Depuis, des projets d’Incroyables Comestibles se répandent partout en province, dont Montréal.
Loin d’être frivole, le mouvement répond à des besoins réels. L’agriculture et le jardinage urbains sont des moyens de lutter contre l’insécurité alimentaire, en particulier dans les quartiers défavorisés où les commerces de proximité offrent surtout de la malbouffe. Ils permettent de réduire l’impact de l’augmentation soudaine du prix des aliments, comme ce fut le cas lors de la crise financière de 2008-2009. En 2010, environ 40 % des Montréalais n’avaient pas accès à des fruits et légumes frais à distance de marche. Et par manque d’espace, il faut attendre des années avant d’obtenir une parcelle à cultiver dans un jardin communautaire. À Montréal, seulement 10 % des jardiniers produisent plus de 50 % de leur consommation estivale de fruits et légumes, selon Éric Duchemin.
Pourtant, citoyens et entrepreneurs ont fait de Montréal une ville nourricière de réputation internationale. On y retrouve une centaine de jardins communautaires (contre 553 à New York qui compte 8,3 millions d’habitants) et 565 des 691 ruches établies dans la région. Aujourd’hui, plus de 40 % des Montréalais – 800 000 personnes – jardinent, dont 34 % sur leur balcon, et presque toujours sans ingrédients pétrochimiques. « Tout est en culture bio parce que les pesticides et engrais de synthèse sont défendus dans l’ensemble des jardins communautaires à Montréal », explique Éric Duchemin. Il nous a d’ailleurs confirmé que le blé d’Inde vendu en magasin devrait « logiquement » être sans OGM, comme l’affirment les marchands, sauf peut-être pour les cultures contaminées par des cultures GM voisines. « Greenpeace a trouvé des traces d’OGM dans du maïs en conserve. »
Tendance sociale lourde, l'AU n’est que retour aux sources, écrivaient Éric Duchemin et Jean-Philippe Vermette dans « Montréal, ville nourricière », titre d’un chapitre du livre La révolution de l’agriculture urbaine, de Jennifer Cockrall-King (Écosociété, 2016) : « Avec plus de 80 % du territoire montréalais aujourd’hui minéralisé, il est difficile de s’imaginer qu’au coin des rues Saint-Urbain et Sainte-Catherine poussaient autrefois les plus beaux légumes du Québec! » En 2007, Montréal ne disposait que de 8 200 parcelles cultivables pour ses 1,8 million d’habitants, soit environ deux mètres carrés par 220 habitants, selon le Regroupement des jardins collectifs du Québec, 2007. Comme nos aménagements urbains recouvrent les terres les plus fertiles de la province, c’est là qu’il faut planter, explique Éric Duchemin. « Mais on n’a pas besoin de chercher des espaces verts, on n’a qu’à développer des fermes sur les stationnements et les toits. »
Si, en 1966, le maire Jean Drapeau avait interdit l’élevage et l’abattage d’animaux à Montréal pour en faire une ville « moderne », la Ville soutient l’agriculture urbaine depuis plusieurs années. Nul besoin de cultiver illégalement les espaces minéralisés comme on le faisait dans les années 1970, pratique connue sous le terme guerilla gardening. Loin de l’interdire, ajourd'hui les élus, fonctionnaires et entreprises encouragent la revitalisation pour plusieurs raisons : embellir la ville, lutter contre les ilôts de chaleur et les changements climatiques, absorber les eaux pluviales, maintenir la biodiversité, purifier l'air, décontaminer le sol, composter la matière organique, tendre vers l'autonomie alimentaire, favoriser la socialisation et l’activité physique, sensibiliser les gens au jardinage bio et à l’alimentation saine.
Les villes du Québec sont devenues des acteurs clés dans la transformation d’une industrie agroalimentaire qui, à plusieurs égards, mine la planète et les relations humaines. « L’agriculture urbaine est souvent un passage pour les travailleurs et entrepreneurs avant de se lancer dans le monde rural. Aujourd’hui, la relève agricole passe en partie par les villes », affirme Éric Duchemin, qui est aussi membre du Collectif de recherche en aménagement paysager et agriculture urbaine durable (CRAPAUD). Cet organisme se consacre à une « agriculture urbaine plurielle, accessible, créative et viable par l’expérimentation, la pratique, l’autogestion, la recherche, la diffusion et l’action politique.
Dénonçant l’hégémonie végétale de la pelouse, la mécanisation polluante de l’entretien paysager, le coût environnemental exorbitant relié au transport de la main-d’œuvre et de la disposition des matières résiduelles ainsi que l’omniprésence des espaces bétonnés, le CRAPAUD tend à diversifier l’aménagement paysager des milieux institutionnels par des plantes comestibles indigènes. Établi à l’UQAM, l’organisme se fait un devoir d’engager des étudiants à des fins de stages, de recherche ou d’emplois d’été rémunérés... et se veut ouvert sur les différentes possibilités de partenariat avec des organismes à but non lucratif œuvrant dans les quartiers avoisinants dans des causes environnementales et sociales. »
Le 28 février dernier, la Fédération interdisciplinaire de l’horticulture ornementale du Québec (FIHOQ) organisait à Drummondville le premier Forum québécois sur l’agriculture urbaine. Il a réuni 320 personnes provenant d’entreprises, de municipalités ainsi que d’organismes communautaires, environnementaux et gouvernementaux. Elles y ont discuté des outils, freins et opportunités au développement de l’agriculture urbaine. Désireuse d’inciter les milléniaux au jardinage et à l’AU, la FIHOQ a publié diverses fiches d’information intéressantes, notamment sur les paysages comestibles.
Un projet pilote réalisé dans neuf villes vient de permettre au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) de développer une Stratégie de soutien de l’agriculture urbaine. Celle-ci vise notamment à appuyer la mise en place d’initiatives structurantes, à promouvoir et sensibiliser la population à l’agriculture de proximité et au patrimoine agricole, et à améliorer les connaissances en la matière. Son site Web est une formidable source d’informations qui présente les principales ressources, les diverses possibilités (dont l’élevage des poules et l’apiculture) ainsi que le nouveau Guide de l’agriculteur urbain, rempli de trucs et conseils utiles.
« Les maires et mairesses ont toujours eu une écoute, dit Éric Duchemin. Plusieurs villes comme Saint-Lambert, Victoriaville, Trois-Rivières et Saint-Bruno sont en train de passer dans ce mouvement, par exemple en convertissant des terrains vacants en potagers d’Incroyables Comestibles. »
La nouvelle politique bioalimentaire du MAPAQ vise à doubler les superficies en production biologique, à augmenter la part de produits québécois dans notre assiette, à enseigner aux jeunes à cuisiner et à encourager les pratiques responsables qui, par exemple, favorisent la protection de la biodiversité, améliorent la qualité de l’eau et la santé des sols, et réduisent le gaspillage alimentaire. Toutefois, le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) souhaite que la cible de part de marché du bio soit plus ambitieuse pour refléter sa grande popularité, que la politique favorise davantage les petits producteurs, la réduction de l’usage des pesticides et l’enseignement du jardinage aux jeunes.
« Pour le RNCREQ, la plus grosse déception demeure cependant l’absence de volonté d’aller de l’avant en matière d’étiquetage des organismes génétiquement modifiés (OGM), une mesure pourtant souhaitée ardemment par les consommateurs eux-mêmes, explique Vicky Violette, responsable du comité agriculture. Le Regroupement s’étonne par ailleurs de la proposition d’améliorer l’accès au réseau de gaz naturel pour les entreprises bioalimentaires », une incohérence par rapport à la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre les changements climatiques.
L’exemple de Victoriaville
Depuis 2015, Victoriaville a investi environ 100 000 $ dans son Jardin des Rendez-Vous qu'elle a développé en trois phases. Un potager collectif a d'abord été implanté sur un terrain vague appartenant au Cégep et à la commission scolaire. « Nous voulons être à l’avant-garde, dit Serge Cyr, directeur du service de l’environnement de Victoriaville. Notre premier volet consiste à aider nos citoyens à tendre vers l'autonomie alimentaire ainsi que favoriser la consommation de produits biologiques. D'ailleurs un volet de formation sur la culture biologique est offert aux citoyens. Notre objectif, d’ici 10 à 15 ans, est que 50 % des produits alimentaires consommés proviennent de la région, mais actuellement ont l’estime à seulement 3 ou 4 % — on le saura d’ici six à huit mois au terme d'une étude en cours. Nous visons à doubler cette proportion d’ici trois ans. C’est important parce qu’avec les changements climatiques, la Californie manque de plus en plus d’eau, ce qui pourrait faire augmenter les prix des aliments. De plus, avec les taux de cancer qui augmentent, nous sommes conscients que les traces de pesticides qui se retrouvent dans les aliments, ainsi que dans l’eau et le sol, pourraient avoir un effet sur la santé. »
Sur un terrain adjacent, en 2016, la Ville a converti une pelouse en verger écologique et depuis l'année dernière elle y plante une forêt nourricière. Celle-ci comprend une centaine d’arbres, d'arbustes (amélanchiers, aronias, thé des bois, etc.) et d'autres plantes vivaces indigènes comestibles ainsi que des plantes médicinales. Le jardin a même été pensé en accessibilité universelle pour favoriser le déplacement de personnes à mobilité réduite. De plus, des bacs de culture à base de palettes recyclées ou des anciens bacs à fleurs sont installés à divers endroits très fréquentés, par exemple à la Coop alimentaire La Manne. « La Ville fournit les plantes comestibles et les gens les entretiennent, explique Serge Cyr. Ces efforts incitent les gens à mieux se nourrir et a se réapproprier le jardinage. »
Ces réalisations sont issues de nombreuses demandes et propositions faites par des citoyens et entrepreneurs de la région, tel Alexandre Guilmette, fondateur de B Transition, entreprise initiatrice des Incroyables Comestibles à Victoriaville. « Il y a des subventions pour les bâtiments verts, mais encore beaucoup à faire pour les territoires nourriciers », rappelle celui qui a bénéficié d'une aide financière de la Ville pour se construire une maison écologique, en 2013.
L'année dernière, M. Guilmette fut au coeur de plusieurs projets novateurs implantés à Victoriaville. D'abord l'écodesign, la production et la vente de l'Incroyable Bac à culture de B Transition. Issu de l'économie circulaire et de l'insertion sociale, il fut installé sur diverses terrasses. Alexandre Guilmette fut aussi l'instigateur d'une première Incroyable Écozone, espace de repos et lieu de nourriture à partager destiné tant aux visiteurs qu'aux employés de Gaudreau Environnement. Ensuite, le comité de coordination de citoyens bénévoles des Incroyables Comestibles Victoriaville a inventé l'Incroyable Carte « Je crée l'abondance ». Offerte aux propriétaires de terrains où l'on cultive de la nourriture à partager, elle sert à les identifier et à les récompenser par des rabais et gratuités offerts par un groupe de partenaires toujours grandissant, explique l'entrepreneur enthousiaste en ajoutant : « Je structure ce projet afin de le propulser à travers tout le Québec. Bienvenu aux partenaires! » Enfin, toujours en 2017, il a permis à Victoriaville d'obtenir une subvention de 15 000 $ du gouvernement fédéral, dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération, afin d'atteindre l'objectif de 100 espaces comestibles à partager. « Les citoyens et partenaires partout sur le territoire créent une véritable synergie et multiplient les initiatives comme la création de potagers de façade sen libre service, dit-il. Ensemble soyons créatifs, le monde de demain n'attend que ça ! »
Voici d’autres initiatives québécoises parmi les plus remarquables en matière d’AU.
- En 1988, la ferme Pousse-Menu, qui produit et distribue quotidiennement des pousses fraîches à travers le Québec, est la première ferme moderne à s’établir à Montréal.
- Depuis la fin des années 1990, il s’est créé à Montréal plus de 85 jardins collectifs qui favorisent la rencontre de jardiniers qui se partagent travaux et récoltes. Ces jardins sont généralement portés par des organismes communautaires dont les animateurs forment les jardiniers qui souvent partagent également leur récolte avec des organismes d’aide alimentaire.
- Fondé en 1993, Sentier Urbain est un organisme montréalais qui utilise le verdissement comme outil de réinsertion socioprofessionnelle de gens marginalisés et vulnérables (décrocheurs, toxicomanes, prostituées, etc.). Il contribue de façon concrète à embellir la ville tout en les responsabilisant et en les sensibilisant à l'écologie. L’organisme collabore ainsi, avec de nombreux partenaires, à l’amélioration de la santé et de la qualité de vie des collectivités locales.
- Depuis 2015, Sentier Urbain participe à la revitalisation de la place Émilie-Gamelin en participant aux Jardins Gamelin, une initiative du Partenariat du Quartier des spectacles, en collaboration avec l'arrondissement Ville-Marie. L'aménagement comprend une serre et une grande terrasse structurée par des bacs d’agriculture urbaine et des assises en palettes recyclées. Ses sept jardins thématiques et autres projets inspirants (champignons, aquaponie, compost de mouches, etc.) offrent une vitrine extraordinaire à l’agriculture urbaine, où le public est invité à jardiner et à profiter librement des récoltes. Selon le chargé de projet Guillaume Moreau, cet été les nouveautés à ne pas manquer sont une ferme de spiruline dans la serre, une culture de dinoflagellés bioluminescents (micro-organismes aquatiques), une papillonnière, une ruche à bourdons et des nouvelles thématiques pour certains jardins.
- La permaculture fait fureur au Québec! Venue d’Australie, elle consiste à concevoir des systèmes (maisons et jardins, par exemple) calqués sur l’équilibre des écosystèmes naturels. Dans la nature, la biodiversité animale et végétale règne, il n’y a ni monoculture ni pesticides, les engrais sont naturels et tout est composté. Divers experts forment les permaculteurs chez nous, dont : le fermier permaculteur Bernard Alonso (Permaculture internationale), l’écologiste Graham Calder (P3 permaculture) et le technicien horticole et spécialiste de la forêt nourricière Wen Rolland (Design éecologique). « Le design écologique, dit ce dernier, consiste à intégrer la nature dans nos plans et nos plans dans la nature. En fait, nous sommes une partie de la nature et il est primordial de le réaliser et d’agir en conséquence. »
Comme enchaîne si bien Graham Calder qui a été formé en Australie par Graham Calder, auteur du fameux livre Greening The Desert : « La permaculture est une science qui utilise des solutions écologiques, conscientes et permanentes, basées sur l’observation de la nature, afin de mieux planifier nos projets communautaires et individuels. Le but est de créer des systèmes autonomes, auto-abondants et éthiquement consciencieux pour l’humanité ainsi que pour la planète et tous ses habitants. »
- Depuis 2009, l’organisme Les Urbainculteurs est LA référence en matière d’AU à Québec. Dirigé par un agronome, il conseille entreprises et organismes, aménage des potagers, organise des conférences et formations. Enfin, il vend divers produits dont les fameux pots de jardinage en géotextile Smart Pots qu’il importe et distribue au Canada.
- C’est en 2010 que l’entreprise Fermes Lufa construisait la première serre commerciale sur un toit au monde, au sommet d’un immeuble industriel dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. Plus de 2 000 clients sont abonnés à son service de livraison hebdomadaire de paniers de fruits et légumes hydroponiques le jour même de leur récolte. Bien que la certification biologique ne s’applique qu’à la culture en sol plutôt qu’en hydroponie, Fermes Lufa fertilise ses serres avec des faux bourdons et fait appel à des coccinelles plutôt qu’à des pesticides pour limiter les insectes nuisibles.
- Craque-Bitume est un collectif œuvrant en écologie urbaine dans la Ville de Québec. Sa mission est de développer et promouvoir des actions écoresponsables favorisant l’engagement citoyen et l’adoption d’un mode de vie durable. L'organisme a quatre volets d'activité spécifiques : l'agriculture urbaine, lecompostage, les formations écocitoyennes et la vie associative. Cette dernière fait référence au fait que l'organisme fonctionne en collectif, c'est-à-dire qu'il a un mode de fonctionnement en autogestion, sans hiérarchie. Elle concentre surtout ses activités autour du jardinage écologique et des jardins collectifs. À la différence des jardins communautaires, les jardins collectifs ne sont pas séparés en lotset tout le monde choisi les semences ensemble, jardine ensemble et se partage les récoltes. Ce type de jardinage favorise l'action collective, le partage, le respect, en plus de donner accès à des aliments sains, biologiques, locaux et variés.
- De plus, Craque-Bitume encourage et propose deux formes de compostage, tout aussi intéressantes l'une que l'autre. Premièrement, c'est Craque-Bitume qui met en place et qui entretien les sites de compostage communautaires de la Ville de Québec. Ensuite, Craque-Bitume est le seul organisme a faire l'élevage de vers pour le vermicompost. Le vermicompost est une excellente alternative pour qui veut composter mais qui n'a pas accès à un terrain ou à un site de compostage communautaire, dont les listes d'attente peuvent s'avérer longue !
Enfin, Craque-Bitume offre une large gamme de formations écocitoyennes qui touchent de près la vie des gens. L'organisme offre des formations sur dix semaines comme le jardinage écologique, l'alimentation holistique ou l'autonomie vestimentaire, ainsi que des soirées thématiques telles que les ateliers sur la fabrication de savon, sur le vermicompostage et l'élevage de poules urbaines. Craque-Bitume tente de répondre à sa mission en offrant à la collectivité des formations écocitoyennes qui touchent réellement au quotidien des gens, dans une logique d'empowerement (d'autonomisation). - En 2011, le Groupe de travail en agriculture urbaine a lancé une pétition pour réclamer la tenue d’une consultation publique sur le sujet. Celle-ci a récolté 29 068 signatures en seulement 90 jours. « Bien que les résultats de cette mobilisation restent encore marginaux, elle a sonné le réveil des instances publiques », écrivent Duchemin et Vermette. Montréal en tient désormais compte dans sa planification et est conseillée par un comité permanent sur l’AU. Le maire de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, François William Croteau, a même mis en place une stratégie afin que « les résidants en viennent à s’approprier l’espace public et l’exploitent à bon escient, sans avoir à porter le poids des entraves règlementaires ». C’est ce même arrondissement qui, en 2011, avait permis l’élevage de poules pondeuses à des fins éducatives par l’entremise de groupes communautaires. Exemple suivi par Hochelaga-Maisonneuve et Ville-Marie. En 2017, la Ville de Montréal a même autorisé un projet pilote, réalisé en partenariat avec l’AU/LAB, qui a permis l’installation de 50 poulaillers dans la cour arrière de résidences.
- En 2013, le collectif montréalais Les Fruits défendus, chapeauté par le centre alimentaire intergénérationnel Santropol Roulant, a permis la récolte de 2,5 tonnes de cerises, pommes et poires dans 82 arbres situés sur des terrains publics et privés. Les propriétaires des arbres et les cueilleurs se partagent ainsi des fruits avant qu’ils ne pourrissent, faute de main-d’œuvre.
- Des résidants du quartier Villeray ont décidé de cultiver les saillies de trottoirs à l’intersection des rues de Castelnau et Drolet au printemps 2014. Le Mange-Trottoir est l’un « des plus citoyens et luxuriants projets d’agriculture urbaine écologique à Montréal. Il attire, rassemble, informe, éduque et inspire tant la communauté locale qu’internationale, relate le site Biopolis. Plusieurs jardinières en bois et plates-bandes au design soigné sont disposées dans les saillies de part et d’autre de la rue, contenant une multitude de plantes comestibles et indigènes, et ce, au grand plaisir des résidants qui viennent y faire leur cueillette. Des activités collectives sont régulièrement proposées sur ce trottoir comestible où les dimensions sociale et pédagogique occupent une place centrale. »
- Le Québec a la chance d’être la patrie de l’expert mondial de l’agriculture biologique intensive, idéale pour l’AU : Jean-Martin Fortier, auteur du livre Le Jardinier-Maraîcher – Manuel d’agriculture biologique sur petite surface (Écosociété, 2012), traduit en sept langues et vendu à plus de 100 000 exemplaires. Il réussit à produire cinq fois plus de légumes par hectare qu’une ferme traditionnelle, sans tracteur ni pesticides, ni engrais de synthèse. Ce champion du réseau des Fermiers de famille (et des paniers bio) d’Équiterre a cofondé la ferme Les jardins de la Grelinette, à Saint-Armand (Montérégie), avec sa conjointe Maude-Hélène Desroches. Il arrive même à y cultiver en hiver, sous des tunnels de plastique, tel qu’il l’expliquait lors de son passage à l’émission de télé Tout le monde en parle, le 25 mars dernier.
Comme le raconte son site Web : « Depuis 2015, il est le directeur de la production maraîchère à la Ferme des Quatre-Temps [projet du milliardaire André Desmarais], une ferme expérimentale d’envergure dont le but est de démontrer que des petites fermes écologiques peuvent être plus rentables et produire des aliments de plus haute qualité nutritive que l’agriculture conventionnelle. En 2017, il a lancé The Market Gardener’s Masterclass, un cours en ligne d’expertise sur les méthodes culturales bio-intensives. Plusieurs centaines d’élèves dans 33 pays se sont inscrits, créant ainsi une communauté globale de jeunes (et moins jeunes) agriculteurs allumés désirant avoir un impact positif sur leur communauté et l’environnement. Au printemps 2018 il sera, avec son équipe de la Ferme des Quatre-Temps, le sujet de la série documentaire Les Fermiers, diffusée à Unis TV. Il espère que l’attention médiatique qu’il reçoît pourra inspirer une nouvelle génération à se lancer dans le mode de vie fermier. » Un homme inspirant qui propose des solutions permaculturelles à la détresse ressentie par plusieurs agriculteurs classiques.
Intégration culturelle et intergénérationnelle
Les citadins de diverses origines sont les champions du jardinage urbain depuis toujours. Autour du marché Jean-Talon, dans La Petite-Patrie, « on remarque les pruniers, poiriers, figuiers et autres arbres fruitiers, sans parler des vignobles, dans les cours arrière des maisons du quartier. Une balade dans la ruelle Mozart est encore une aventure ethnographique témoignant de l’immigration montréalaise, qui a grandement contribué à façonner l’agriculture urbaine de la ville », écrivaient Éric Duchemin et Jean-Philippe Vermette en 2016. Au jardin communautaire Basile-Patenaude, qui développe un volet pédagogique pour les enfants depuis octobre 2015, ce sont des petits de plus de 20 communautés culturelles qui bénéficient d’un espace sécuritaire et ludique. « Cet espace, conçu par les enfants et construit par une équipe de bénévoles sous la direction d’une architecte du paysage, comprend six bacs de plantation, un écosystème aquatique avec des poissons, un jardin floral pour les insectes pollinisateurs, un hôtel à insectes, un pavillon recouvert de vignes, une cabane de jeux pour enfants, une volière à papillons, une bibliothèque « verte », 25 arbres et arbustes fruitiers ainsi que 65 plants et légumes », relataient Duchemin et Vermette.
- Depuis juillet 2017, le IGA extra Famille Duchemin est le premier marchand d’alimentation canadien vendant des légumes biologiques qui poussent sur son toit, où l’on retrouve même le plus grand potager biologique sur toit au pays avec ses 25 000 pieds carrés. Il est situé au 5600, boulevard Henri-Bourassa Ouest, à Saint-Laurent, arrondissement qui exigeait l’aménagement d’un toit vert à 50 %, notamment pour lutter contre les ilôts de chaleur et absorber les fortes pluies. On y cultive une trentaine de variétés de légumes (rabioles, laitues, aubergines, etc.) dont la production biologique est certifiée ECOCERT Canada. Ils sont vendus au même prix que les produits importés, transport polluant en moins! Ils sont même irrigués avec l’eau récupérée par son système de déshumidification, une autre première canadienne pour un marchand d’alimentation.
En outre, la firme d'apiculture urbaine Alvéole bichonne huit ruches d’abeilles qui produisent près de 600 pots (200 kg) de miel par année. Son propriétaire, Robert Duchemin, n’est pas un proche parent d’Éric Duchemin. « Antoine Trottier, qui gère le toit du IGA, est un collègue et siège au conseil d’administration de AU/LAB. À l’origine, ils craignaient que produire des légumes sur leur toit grugerait leurs ventes, mais en fait, ils vendent plus de légumes qu’avant! Ils ont attiré des clients sensibilisés. Un sondage auprès de gens qui ont un jardin a révélé qu’ils mangent plus de légumes et tendent à acheter en circuit court, tels les paniers d’ASC (agriculture soutenue par la communauté), dont ceux des fermiers d’Équiterre qui sont certifiés bio. »
- D’autres fermes urbaines font un travail remarquable, selon Éric Duchemin. Par exemple : Blanc de gris (pleurotes engraissées aux résidus organiques montréalais); VERTige, de Sherbrooke, produit des pousses fraîches, énergisantes et certifiées biologiques ECOCERT Canada; Y’a QuelQu’un l’aut’bord du mur (YQQ), entreprise d’économie sociale de Hochelaga-Maisonneuve, est vouée à la revitalisation urbaine ainsi qu’à l’insertion socioprofessionnelle de jeunes en difficulté comme stratégies afin de contrer la recrudescence de tags et graffitis dans le quartier par le verdissement, l’agriculture, la propreté et l’enlèvement de graffitis; La Ligne Verte, entreprise montréalaise, partenaire du IGA Duchemin, spécialisée en toits verts qui intervient de Gatineau à Chicoutimi; le projet Nourrir la citoyenneté d’Alternatives, organisme qui œuvre pour la justice et l’équité, explore de nouvelles façons d’interagir avec le cadre bâti, l’environnement urbain et le cycle alimentaire afin de verdir les villes et améliorer la santé des communautés; et le Santropol roulant, organisme montréalais voué à la sécurité alimentaire et à l’inclusion sociale, cultive (sur le campus de l’Université McGill), prépare et livre de la nourriture aux personnes en perte d’autonomie, pour la plupart des personnes âgées.
- La 10e édition de l’École d’été sur l’agriculture urbaine de Montréal aura lieu du 20 au 24 août prochain. Un projet de AU/LAB, elle rassemblera citoyens, chercheurs, étudiants, entrepreneur et divers autres acteurs dans son école d’été qui a pour vocation de susciter débats, rencontres et partage d’expériences. « Cette année, nous explorerons les tiraillements entre les fonctions sociales, environnementales et économiques du mouvement de l’agriculture urbaine. Nous réfléchirons aussi sur l’avenir pour l’agriculture dans la ville de demain. À travers la présentation de projets inspirants, d’ateliers pratiques, de panels et de conférences, une kyrielle de praticiens passionnés et de théoriciens chevronnés viendront nourrir la réflexion collective entamée en 2008 dans le cadre de cette école devenue à travers les années un évènement incontournable pour quiconque, expert ou néophyte, s’intéresse à l’avenir, à la résilience et à la vitalité de la Ville de demain. Comme lors des éditions précédentes, nous espérons que vous trouverez durant cette 10e École d’été des connaissances et de l’inspiration pour poursuivre ou entreprendre des projets en agriculture urbaine, chez vous, à votre travail, dans les écoles, dans votre quartier ou qui sait, pour démarrer votre propre entreprise agricole urbaine! »
L’horaire de l’école d’été est du lundi au vendredi de 9 h à 16 h 30. Il y a trois choix de formation : Jardiner chez soi, Jardiner collectivement, Cultiver la ville - Fermiers(ères) urbains(es). Coût : 200 $ et 25 $ supplémentaires pour une attestation de la formation continue de l’UQAM (taxes en sus). Hâtez vous : début avril, 130 des 200 places disponibles avaient déjà été réservées!
- Formation « Jardins pédagogiques et éducatifs : comment arrimer l’éducation et l’agriculture urbaine » : « Cette formation propose de donner les outils nécessaires à la mise sur pied, l’animation et la gestion de jardins pédagogiques et éducatifs, tout en explorant des initiatives inspirantes. Elle offrira aux participants des connaissances pratiques et des outils pédagogiques, afin d’utiliser le jardinage comme levier en matière de pédagogie active. Elle sera aussi un espace de partage d’expériences, de ressources concrètes pour le démarrage de tels projets et un espace de réseautage, afin de pouvoir soutenir le mouvement global du jardinage pédagogique et éducatif. Les initiatives d’agriculture urbaine en milieu scolaire ou éducatif favorisent la conscientisation à la biodiversité, contribuent à l’amélioration de la condition physique et d’une saine alimentation et permettent de reprendre contact avec la nature et de développer un fort sentiment d’appartenance à son environnement. »
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mapaq.gouv.qc.ca/fr/Productions