Dans le précédent numéro, j’expliquais la notion de perméance à la vapeur d’eau et certains pièges que nous tend l’industrie de la construction dans la jungle des matériaux offerts sur le marché, faute de tenir compte de cette notion. Or, qu’en est-il des pare-vapeur, conçus pour empêcher ou retarder le passage de l’humidité intérieure vers l’extérieur?
Qu’est-ce qu’un pare-vapeur?
La section 9.25 de la division B du Code national du bâtiment régit les exigences relatives au contrôle du transfert de chaleur, des fuites d’air et de la condensation dans la construction des maisons et petits bâtiments canadiens. Elle définit également les exigences concernant les pare-vapeur requis pour freiner la migration de la vapeur d’eau contenue dans l’air intérieur vers les vides des murs et des planchers ou dans les combles ou vides sous toit. On y précise que les pare-vapeur doivent avoir une perméance d’au plus 60 ng/(Pa.s.m2), soit un peu plus de 1 perm US, mesurée conformément à la norme ASTM E 96/E96M, au moyen de la méthode du siccatif (vase sec).
On a vu dans ma précédente chronique que même si les panneaux de contreplaqué et les panneaux de copeaux orientés (mieux connus sous l’acronyme anglais OSB pour Oriented Strand Board) sont en bois, les tests effectués sur ceux-ci ont démontré qu’ils s’avèrent peu perméables à la vapeur. Ces tests ont permis de mesurer une perméance de 40 à 57 ng/(Pa.s.m2) pour le contreplaqué de 9,5 à 18 mm d’épaisseur et une perméance de 44 ng/(Pa.s.m2) pour l’OSB de 11 mm d’épaisseur, ce qui les range dans la catégorie des matériaux « pare-vapeur » puisque leur perméance se trouve inférieure à 60 ng/(Pa.s.m2)[1].
Suivant les règles pour la conception d’une enveloppe du bâtiment performante, efficace et durable, lorsque ces panneaux sont utilisés comme sous-revêtement extérieur afin d’assurer le contreventement d’une ossature en bois, on n’a pas d’autre choix que d’installer un pare-vapeur ayant une perméance inférieure à celle de ces panneaux. Ceci parce que la température du côté intérieur du panneau de contreplaqué ou d’OSB, d’une cavité remplie d’isolant en nattes hautement perméable à la vapeur d’eau, peut tomber sous le point de rosée et créer un plan de condensation où s’accumule l’eau et la glace durant la saison froide, à moins que l’ajout d’isolant à l’extérieur du panneau de revêtement n’ait suffisamment déplacé le point de rosée pour éviter la condensation.
Comme la faible perméance de ces panneaux nuira à leur asséchement rapide au retour des températures plus douces, l’utilisation d’un pare-vapeur qui permettrait aussi l’asséchement de cette humidité — vers l’intérieur de la maison — serait idéale. Toutefois, c’est le pare-vapeur de polyéthylène qui domine le marché, en raison de son faible coût et de la rapidité avec laquelle il s’installe. Si ce pare-vapeur a été conçu pour empêcher que l’humidité ne pénètre dans les ensembles de construction, il peut aussi parfois empêcher ces mêmes ensembles de sécher.
Quelques autres exigences du Code de construction
Dans la section 9.25 du Code, on retrouve la norme à laquelle le pare-vapeur en polyéthylène doit se conformer (CAN/CGSB-51.34-M, Pare-vapeur en feuille de polyéthylène pour bâtiments) et la norme à laquelle les autres types de membranes doivent se conformer (CAN/CGSB-51.33-M, Pare-vapeur en feuille, sauf en polyéthylène, pour bâtiments).
On y précise que si un enduit pare-vapeur est appliqué sur des plaques de plâtre pour servir de pare-vapeur, la perméance de cet enduit doit être déterminée conformément à la norme CAN/CGSB-1.501-M, Méthode de détermination de la perméance des panneaux muraux de revêtement. Cette norme doit donc être utilisée pour tester la perméance des peintures dites coupe-vapeur ou d’autres enduits appliqués au gypse.
Le tableau A-9.25.5.1.1 du Code reconnaît que la perméance à la vapeur d’eau des panneaux de gypse est très élevée, soit de 2600 ng/(Pa.s.m2). Leur perméance chute à 1300 ng/(Pa.s.m2) avec une couche d’apprêt-scellant, alors qu’elle chute à 180 ng/(Pa.s.m2) si on ajoute encore deux couches de peinture de finition. Comme la perméance est inversement proportionnelle à l’épaisseur des couches de peinture, on ne peut déterminer avec précision la perméance des nombreuses couches de peinture qui finissent par s’accumuler avec le temps, même si on sait qu’elle est de plus en plus basse.
Toutefois, pour vraiment considérer que la peinture ait la fonction de pare-vapeur, il faut utiliser un apprêt-scellant latex formulé pour être coupe-vapeur et dont la perméance à la vapeur d’eau sur un panneau de gypse a été déterminée conformément à la norme citée au Code. Par exemple, la perméance à la vapeur d’eau de l’apprêt-scellant latex SUPER SPEC de Benjamin Moore a été déterminée à 28,6 ng/(Pa.s.m2) ou 0,5 perm US.
La section 9.25 du Code indique aussi que si l’espace intérieur produit beaucoup d’humidité à l’intérieur durant la saison de chauffe, par exemple à cause d’une piscine, d’une serre ou d’un sauna, l’ensemble devra être conçu conformément à la partie 5 de la division B du Code.
Que faire si on ne peut se résoudre à vivre dans le plastique ou que notre conscience environnementale nous torture? Quelles alternatives au polyéthylène répondent à toutes ces exigences?
La première question à se poser consiste plutôt à savoir si notre assemblage a besoin d’un pare-vapeur.
Une ouverture du Code à trouver des solutions de rechange
Dans la partie 5 à laquelle se réfère la section 9.25 pour les cas où l’espace intérieur produit beaucoup d’humidité, on donne la possibilité de ne pas installer de pare-vapeur s’il peut être démontré que la diffusion de vapeur d’eau n’aura pas d’effets indésirables sur l’un ou l’autre des éléments suivants :
- a) la santé ou la sécurité des occupants;
- b) l’utilisation prévue du bâtiment;
- c) le fonctionnement des installations techniques.
Il est donc théoriquement possible que des solutions de rechange répondant aux objectifs et énoncés fonctionnels de la partie A du Code puissent être présentées à l’autorité compétente pour approbation, si on ne veut pas utiliser les solutions « acceptables » inscrites dans la partie B du Code. Cependant, cette démarche est complexe et peu de professionnels, d’entrepreneurs ou de maître d’œuvre empruntent cette voie. Qui voudra assumer les coûts de cette démonstration?
Certains fabricants de matériaux ou certaines associations d’entrepreneurs ont toutefois embauché des chercheurs capables de faire de telles démonstrations et entrepris des projets de recherche afin de voir éventuellement leur solution de rechange adoptée dans les solutions acceptables d’une prochaine édition du Code.
L’exemple de la recherche menée sur le polyuréthane giclé
La Canadian Urethane Foam Contractors Association (CUFCA) a retenu les services de chercheurs de l’Université de Waterloo (Ontario) afin d’évaluer si un pare-vapeur est requis dans les assemblages de murs au-dessus du sol isolés avec du polyuréthane giclé. Cette étude a d’ailleurs permis d’ajouter à l’édition 2010 du Code national du bâtiment du Canada un alinéa autorisant l’utilisation d’un isolant de mousse plastique comme pare-vapeur, à condition que cet isolant ait une épaisseur suffisante pour avoir une perméance d’au plus 60 ng/(Pa.s.m2).
Dans le rapport RR-0912 publié en mars 2009 par Building Science Press, intitulé Spray Polyurethane Foam : The Need for Vapor Retarders in Above-Grade Residential Walls, on fait cependant la distinction entre les deux classes de polyuréthane giclé sur le marché, soit :
- Le polyuréthane de densité moyenne (32 kg/m3) à cellules fermées, rigide;
- Le polyuréthane de basse densité (8 kg/m3) à cellules ouvertes, flexible.
Dans leur projet de recherche, les chercheurs ont constaté que le logiciel WUFI Pro 1D (qui simule en une dimension) s’était avéré un outil efficace et précis pour prédire le contenu d’humidité observé dans les panneaux de revêtement des huit bancs d’essai construits à l’université. Afin de valider les simulations effectuées sur WUFI Pro 1D, le contenu en humidité des panneaux de revêtement extérieurs en bois y a été monitoré durant plus de deux ans.
Les recherches ont démontré que le polyuréthane de densité moyenne à cellules fermées appliqué dans une ossature de bois peut, pour des épaisseurs de plus de deux pouces (50 mm), contrôler la diffusion de la vapeur d’eau de façon sécuritaire dans tous les climats canadiens, et ce, même si l’humidité relative intérieure était maintenue à 50 % durant l’hiver. Bref, un tel assemblage ne nécessite pas d’autre pare-vapeur.
Dans le cas du polyuréthane de basse densité à cellules ouvertes, les conclusions sont cependant différentes : une ossature de bois isolée avec ce type d’isolant ne nécessite pas d’autre pare-vapeur dans les zones climatiques atteignant un maximum de 4 500 degrés-jours de chauffage (dont la grande région de Montréal) seulement si l’humidité relative intérieure est maintenue en-dessous de 40 % en hiver, soit une limite tout de même assez facile à respecter, à moins d’utiliser un humidificateur en tout temps avec un point de consigne plus élevé.
Dans les zones climatiques un peu plus froides, allant de 4 500 à 5 000 degrés-jours de chauffage (données légèrement dépassées dans la région de Québec), les chercheurs concluent que le polyuréthane de basse densité contrôlera la diffusion de la vapeur d’eau sans ajout d’autre pare-vapeur à condition que l’humidité relative intérieure soit contrôlée pour ne pas dépasser 30 % en hiver. Si cette condition n’est pas respectée et pour toutes les zones climatiques dépassant 5 000 degrés-jours de chauffage, un pare-vapeur devra être ajouté pour éviter un trop grand contenu d’humidité dans le panneau de revêtement.
Les chercheurs mentionnent aussi que pour les deux types de polyuréthane et pour toutes les zones climatiques canadiennes, l’ossature de bois elle-même montrait une résistance à la diffusion de la vapeur d’eau suffisante pour maintenir le contenu d’humidité dans une marge sécuritaire, à l’abri de la condensation et des moisissures, même si l’humidité relative de l’air intérieur était maintenue à 50 % durant l’hiver.
De plus, dans un tel assemblage, l’isolant extérieur ne serait probablement plus requis, le remplissage de l’ossature de bois avec du polyuréthane réduisant à toute fin utile le « pont thermique » dont on accuse l’ossature de bois. Toutefois, l’approbation de cette solution de rechange relèvera de l’autorité compétente, donc dans le cas d’une résidence, de la municipalité qui délivre le permis de construction.
Il faut cependant être conscient que le polyuréthane giclé demeure une mousse plastique et donc à base de pétrole, bien que certaines contiennent environ 20 % de matières recyclées (bouteilles de plastique et huile végétale). De plus, ce produit appliqué sur le bois ne permet pas de réutiliser ou de brûler le bois ainsi contaminé, à la fin de vie utile du bâtiment.
Les alternatives au plastique
Ceux qui ont bricolé dans les années 1980 se rappelleront sans doute le pare-vapeur d’aluminium. Constitué d’une pellicule d’aluminium laminée à une feuille de papier kraft, on agrafe le pare-vapeur avec le côté aluminium tourné vers le côté chaud du bâtiment, en chevauchant et en scellant les joints avec du ruban aluminium. Ce pare-vapeur, bien que plus long à installer que le pare-vapeur de polyéthylène, est aussi imperméable à la vapeur d’eau que le polyéthylène (sa perméance est négligeable).
Il détient cependant un avantage : lorsqu’on laisse un espace d’air entre ce pare-vapeur et le gypse ou autre finition intérieure, on a en prime une valeur isolante additionnelle d’environ R-3 (RSI 0,53) attribuable à la réflexion de la chaleur radiante (rayonnement infrarouges émis par les corps et objets). De plus, si on en profite pour que cet espace d’air soit assez profond pour permettre de poser les boîtes électriques et le filage sans percer le pare-vapeur, on a une excellente qualité de mise en œuvre du pare-vapeur. C’est ce que j’ai utilisé récemment dans une petite rénovation chez ma fille.
Il existe toujours des pare-vapeur qu’on appelait autrefois de type II et qui sont un peu plus perméables à la vapeur d’eau que les pare-vapeur de type I dont la perméance doit être inférieure à 15 ng/(Pa.s.m2). Ces produits de type II sont constitués de deux épaisseurs de papier kraft à résistance élevée, laminées l’une sur l’autre avec un bitume spécialement modifié, offrant une perméance de 30 à 33 ng/(Pa.s.m2). Jusqu’à tout récemment, c’était le type de membrane pare-vapeur qui assurait la perméance la plus élevée tout en demeurant conforme au Code. Mais les choses pourraient changer…
Une membrane pare-vapeur intelligente
En 2008, les chercheurs de l’Institut de recherche en construction du Conseil national de recherches du Canada élaboraient un protocole d’évaluation pour un pare-vapeur novateur ayant la prétention de pouvoir gérer l’accumulation d’humidité dans l’enveloppe du bâtiment. Cette innovation est un pare-vapeur la plupart du temps mais devient plus perméable lorsqu’un excès d’humidité s’accumule dans l’enveloppe, pour permettre son asséchement.
Le Centre canadien de matériaux de construction (CCMC) a alors entrepris de déterminer si ce produit pouvait servir à la fois de pare-vapeur et de système d’étanchéité à l’air et s’il était conforme aux exigences du code du bâtiment applicables. Fabriquée aux États-Unis par la compagnie CertainTeed, division du groupe français Saint-Gobain, cette membrane intelligente est commercialisée sous le nom de MemBrain, contraction des mots membrane et brain (cerveau, en anglais).
Les chercheurs ont démontré que le produit fournissait une bonne performance pour tous les emplacements étudiés, soit quatre régions canadiennes distinctes, à la fois côtières et non côtières, et pour des environnements intérieurs ayant des taux d’humidité relative faibles et élevés. Ces essais ont aussi révélé que la performance du produit diminuait lorsqu’on l’utilisait conjointement avec de la peinture acrylique sur les murs intérieurs. On recommande donc d’utiliser des peintures au latex pour maximiser les propriétés hygrovariables du produit, et d’éviter de le recouvrir de matériaux à faible perméance, tels que le papier peint en vinyle et la peinture pare-vapeur. CertainTeed précise aussi que le produit n’est pas adapté aux climats froids avec une forte humidité extérieure, et qu’il ne doit pas non plus être utilisé dans des espaces spécialement climatisés avec une humidité relative volontairement supérieure à 50 %, ou lorsque des systèmes d’humidification résidentielle sont réglés à une humidité relative supérieure à 50 %.
Le rapport d’évaluation du MemBrain (CCMC 13278-R) précise que le produit peut servir de solution de rechange aux pellicules de polyéthylène. Il ajoute qu’il peut être utilisé à la fois comme pare-vapeur et comme système d’étanchéité à l’air dans les murs extérieurs du bâtiment – sauf ceux qui ont des taux d’humidité relative élevés à l’intérieur, comme les saunas et les piscines. (Le fabricant suisse SIGA déconseille aussi l’usage de son produit équivalent, le Majrex, dans les pièces très humides.)
MemBrain retarde l’humidité dans des conditions sèches, avec une perméance d’environ 44 ng/(Pa·s·m2); mais, à mesure que l’humidité relative augmente au-dessus de 60 pour cent, il s’adapte considérablement jusqu’à une perméance maximale de 2 050 ng/(Pa·s·m2). Comme l’explique le magazine français La Maison écologique, « en fonctionnement normal hivernal, la membrane est relativement fermée à la diffusion (Sd de l’ordre de 10 m1) et préserve donc la paroi contre une trop forte charge en humidité; en cas d’apport d’humidité imprévu, la membrane s’ouvre à la diffusion pour permettre un séchage vers l’intérieur. »
N’ayant pas de retour d’expérience sur cette membrane de polyamide (nylon), n’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez utilisé ce produit afin de pouvoir juger de ses promesses. Intello et Majrex sont deux autres marques européennes de frein vapeur hygrovariable (voir les fiches de produits ci-bas).
- Valeur Sd = mètre d’équivalent lame d’air : plus la valeur Sd est élevée, moins le produit laisse passer de vapeur d’eau. Source : https://batisec.net/valeur-sd.
Pour en savoir davantage
La différence entre pare-vapeur et frein vapeurLa différence entre pare-vapeur et frein vapeur
Fiches de produits
https://be-fr.proclima.com/media/downloads/Brochure_systeme_INTELLO.pdf
https://fr.certainteed.com/insulation/vapor-barriers/
http://www.siga.ch/fr/vue-densemble-des-produits/detail-majrex.html
[1] ERRATA : dans le précédent numéro, une erreur s’est glissée quant à l’unité de mesure de la perméance pour ces deux matériaux, qui avaient été exprimée en « perm US » plutôt qu’en ng/(Pa.s.m2). Bien que les conclusions de l’article « Comment choisir une membrane pare-air » demeurent exactes, cette erreur pouvait nuire à sa compréhension. Veuillez m’en excuser.