Selon la Société canadienne du cancer, le nombre de cancers diagnostiqués augmentera de 40 % dans les 15 prochaines années.(1) On blâme souvent le vieillissement de la population pour l'augmentation des cancers. C'est normal, les cancers apparaissent plus souvent chez les plus âgés.
En France, le président du Réseau Environnement Santé (RES), André Cicolella, affirme que les augmentations des maladies chroniques, cancers inclus, ne peuvent plus s'expliquer par le vieillissement de la population. Par exemple, en Alsace, les AVC ont augmenté de 131 % en 10 ans. Ces chiffres dépassent de loin la probabilité due à une augmentation du nombre de personnes âgées.
D'autres pointent plutôt du doigt les avancées dans les techniques diagnostiques : il n'y a peut-être pas plus de cancers, mais on les diagnostique plus. Par contre, l'OMS mentionne qu'entre 2008 et 2012, le nombre de décès causés par les cancers a augmenté de 8 % sur la planète.(2) Dans le rapport World Cancer Report 2014, les experts de l'OMS soutiennent même que les cas de cancers pourraient augmenter de 70 % dans les prochains 20 ans.(3,4)
La guerre contre le cancer
De toutes les maladies, les cancers sont celles qui connaissent la plus forte progression. Dans la majorité des pays, ils ont détrôné les maladies cardiaques comme premiers tueurs. Notre mode de vie serait le grand responsable de cette progression. Mais qu'est-ce qui, dans notre mode de vie, cause les cancers? Y a-t-il moyen de s'en protéger?
La fameuse guerre contre le cancer, déclarée par le président américain Richard Nixon en 1971 (5), doit être maintenant nommée pour ce qu'elle est : un échec. Certes, les traitements sont de plus en plus nombreux, mais ils sont aussi de plus en plus onéreux. Leurs prix deviennent prohibitifs, et les résultats sont très variables. Certes, les outils de détection précoce sont plus accessibles, mais qui dit détection ne dit pas prévention et, surtout, le fait de détecter ne nous donne pas les moyens de nous protéger nous-mêmes. De plus, ces outils sont très controversés, avec les risques de surdiagnostics, de faux positifs et de traitements inutiles qu'ils comportent.
Pourtant, on investit comme jamais dans la recherche. À tout moment, on nous sollicite pour donner à la recherche via diverses manifestations et il y a de plus en plus de fondations pour supporter ces recherches. Malheureusement, les recherches portent la plupart du temps sur la découverte de médicaments et, plus rarement, sur le pourquoi, sur les causes des cancers. On comprendra que, du point de vue des investisseurs, les produits brevetables et commercialisables sont beaucoup plus intéressants que la recherche des causes pour diminuer le nombre de cas.
Exposition aux cancérigènes
La revue Carcinogenesis a publié un numéro spécial dans son édition de juin 2015: «Assessing the Carcinogenic Potential of Low-Dose Exposures to Chemical Mixtures in the Environment: The Challenge Ahead» (accessible en ligne)
Les experts qui publient dans ce numéro font partie d'un regroupement mondial nommé Halifax Project. Ils ont utilisé des étapes du développement des cancers (hallmarks of cancer) et ont ensuite examiné les données toxicologiques de 85 substances connues pour affecter ces étapes. Ils ont découvert que 59 d'entre elles agissent, à très faibles doses, sur ces étapes. Ces substances, comme les phtalates et plusieurs pesticides, sont très présentes dans notre environnement et, selon l'Environmental Working Group (EWG), 23 de ces substances sont détectables dans le sang de monsieur et madame Tout-le-Monde! (6,7)
Dans ce numéro spécial, des chercheurs répondent également à plusieurs questionnements usuels. Ils y déboutent entre autres la notion que des « erreurs de réplications d'ADN dues au hasard » soient à l'origine des cancers.(8)
En France, le RES fait un énorme travail pour conscientiser à la fois la population et les décideurs sur le rôle des substances cancérigènes dans nos environnements immédiats, dont le Bisphénol A et autres perturbateurs endocriniens. Le RES, tout comme les experts de Carcinogenesis, met l'emphase sur la synergie de ces substances à très faibles concentrations. Il semble que des micro-doses de plusieurs de ces substances soient plus dangereuses que des doses importantes, parce qu'ensemble, elles ont la capacité de reprogrammer les cellules.
Le RES publiait, le 17 juillet dernier, un communiqué de presse déclarant que les perturbateurs endocriniens coutent aux États de la communauté européenne la modique somme de 157 milliards d'euros! (9)
Se protéger contre le cancer
Étant donné que nos États sont aux prises avec des réalités économiques et des lobbys très puissants, ils ne peuvent que faire des compromis. Cette situation de toxicité de l'environnement ne pourra être vraiment résolue que par une implication des gouvernements, basée sur la science factuelle et sans influence d'intérêts particuliers. Mais en attendant, il nous revient, en tant que citoyens ordinaires, d'agir pour réduire notre charge toxique, tant par nos achats que par notre comportement.
Des regroupements, comme EWG avec ses guides aux consommateurs, nous permettent d'y voir un peu plus clair et de diminuer notre exposition aux toxines environnementales. Voici une liste de gestes simples dans ce but:
- Diminuer l'usage du plastique dans notre alimentation, et surtout ne jamais chauffer un contenant en plastique au four à micro-ondes.
- Lire les étiquettes des aliments et des cosmétiques. Choisir les produits ayant le moins d'additifs (commencez par éliminer le plus possible les noms chimiques que vous ne connaissez pas ou que vous savez dangereux).
- Choisir, autant que possible, des produits certifiés biologiques (BIO).Plus le BIO est en demande, plus ses prix baissent et plus l'agriculture conventionnelle s'y intéresse. Les méthodes de production évoluent selon la demande.
- Utiliser un filtre efficace (osmose inverse ou autre) sur l'eau de consommation pour éliminer les organochlorés et les molécules que les usines d'épuration laissent passer.
- Jardiner pour produire une partie de ce que vous consommez.
À ceux qui vous disent que le BIO ne sert à rien et que l'agriculture conventionnelle, avec ses pesticides et ses OGM, est tout à fait correcte, il faut leur citer les documents de Carcinogenesis et de RES.
Bref, la conscience de l'impact de ces substances se développe lentement, mais surement. En y ajoutant nos efforts, petits mais constants, nous arriverons à améliorer notre qualité de vie et diminuer notre charge toxique.
Consultez aussi mes autres articles sur les cancers :http://www.jydionne.com/category/pathologies/cancers/
Santé!
Références:
- Branswell H, la presse canadienne, Hausse des cas de cancers au Canada d'ici 2030.http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201505/27/01-4872844-hausse-des-cas-de-cancers-au-canada-dici-2030.php
- Reuters, sur Le Monde.fr. L'OMS s'inquiète de la hausse des cancers dans le monde. 2013-12-12. http://www.lemonde.fr/sante/article/2013/12/12/hausse-du-nombre-de-cancers-le-constat-alarmiste-de-l-oms_4333500_1651302.html
- World Cancer Report 2014. http://apps.who.int/bookorders/anglais/detart1.jsp
- Les cas de cancer devraient augmenter de 70% en 20 ans dans le monde. Le Nouvel Obs. 2014-02-03. http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20140203.OBS4868/les-cas-de-cancer-devraient-augmenter-de-70-en-20-ans-dans-le-monde.html
- https://en.wikipedia.org/wiki/War_on_Cancer
- http://www.ewg.org/research/rethinking-carcinogens?inlist=Y
- http://www.ewg.org/research/rethinking-carcinogens/executive-summary
- Harris CC. Cause and Prevention of Human Cancer.http://carcin.oxfordjournals.org/content/36/Suppl_1/S1.full
- http://reseau-environnement-sante.fr/2015/07/17/espace-presse/presse/communique-17-juillet-2015-pollution-de-lair-sortir-du-constat-pour-sattaquer-aux-causes-il-faut-une-grande-loi-de-sante-environnementale/