La qualité de l’air intérieur (QAI) est un sujet de plus en plus étudié par les chercheurs en science du bâtiment. Ces dernières années, des recherches ont fait la lumière sur plusieurs sources de pollution incomprises jusqu’ici. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des moyens simples de préserver et même d’améliorer la QAI. Tour d’horizon de ces moyens et de quelques recherches en cours.
Bien des résidants de la vallée du Richelieu n’oublieront pas le printemps 2011. Et pour cause, car pendant des semaines, des milliers de résidences de la région ont été inondées. Or, la présence massive d’eau stagnante dans une maison peut rapidement affecter la qualité de l’air intérieur (QAI). C’est que cette eau est un milieu favorisant la prolifération de moisissures pouvant émettre des toxines, dont certaines sont très dangereuses pour la santé. Pour éviter cela, il faut retirer dans les 48 heures qui suivent l’infiltration d’eau tous les matériaux sur lesquels la contamination fongique est susceptible de se propager — par exemple, les plaques de plâtre, jusqu’à un pied (30 cm) au-dessus du niveau atteint par l’eau.
On imagine bien l’enfer qu’ont dû vivre les gens aux prises avec ce problème. Pas besoin d’un énorme dégât d’eau toutefois pour voir apparaître des taches brunâtres sur les murs et ailleurs. Un simple taux d’humidité trop élevé et chronique peut être aussi néfaste et sournois, car il peut favoriser la multiplication de moisissures moins visibles à l'œil nu mais tout aussi potentiellement dommageables. Dans une maison, le taux d’humidité relative idéal pour la santé des occupants et du bâtiment se situe entre 30 et 50 %. En hiver, l’humidité relative ne devrait pas excéder 45 % pour prévenir la prolifération de bactéries, de virus et de moisissures, et il est normal qu’elle se situe aux alentours de 30 % par grands froids. Pour prévenir les problèmes respiratoires, elle ne devrait toutefois pas chuter sous ce niveau. Si c’est le cas, la maison est un véritable panier percé et il faut sceller les fuites d’air, par exemple en posant de bons coupe-froid sur les portes et fenêtres. (Même à 100 % d’humidité relative, l’air extérieur dont la température est de -20 oC chute à 10 % d’humidité relative lorsqu’on le chauffe à 20 oC.) Une évaluation énergétique Rénoclimat permet de détecter les fuites majeures dans les maisons et donne droit à des subventions si l’on applique les recommandations de l’évaluateur.
Différents moyens peuvent être pris pour maintenir cet équilibre. Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail consacre un dossier à ce sujet sur Internet. Par exemple, hors de la saison de chauffage, il faut déshumidifier l’air à l’aide d’un déshumidificateur ou d'un climatiseur. Cela est particulièrement important dans les résidences sans échangeur d’air. Le retrait de l’humidité excessive est particulièrement critique dans les sous-sols de ces résidences. « Il est important de ventiler ces espaces pour changer l’air [en saison de chauffage] et de déshumidifier lorsque c’est trop humide dehors. On ne peut toutefois ventiler et déshumidifier à la fois, affirme Luc Saint-Martin, communicateur au Conseil national de recherches du Canada (CNRC) et responsable du Comité canadien sur la qualité de l’air intérieur et les bâtiments. Lorsqu’on déshumidifie, il faut fermer les fenêtres. Et si on veut ventiler, il faut fermer l’appareil [déshumidificateur ou climatiseur] durant l’opération, sinon on se trouve à déshumidifier l’air provenant de l’extérieur. »
Dans la cuisine, il importe d’utiliser la hotte d'extraction durant la cuisson des aliments et lorsque le lave-vaisselle fonctionne, car ces activités dégagent beaucoup de vapeur dans l’air intérieur. De même, on doit ventiler lorsqu’on prend une douche ou un bain et lors d'importants travaux de nettoyage qui peuvent contaminer l’air chimiquement.
L’apparition de condensation doit être limitée autant que possible. Pour cela, il faut isoler les surfaces froides comme la tuyauterie, les fenêtres (le verre énergétique « à faible émissivité » est plus chaud car plus isolant), les murs extérieurs, la toiture et les planchers exposés aux éléments. Il faut aussi :
• maintenir le bâtiment et les appareils de chauffage, de ventilation et de conditionnement d'air en bon état;
• réduire le plus possible la quantité d'eau utilisée durant le nettoyage des tapis et des moquettes;
• et enfin, ne pas poser de tapis autour des lavabos, des bains et des douches ou directement sur les planchers de béton, plus sujets à la condensation et aux fuites d’eau.
Mais que faire lorsque la moisissure s’est installée? « Il faut l’enlever en nettoyant le mur avec un détergent doux, sans parfum, affirme Wendy Pollard, conseillère principale à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), dont le site Web comprend l'excellente et très utile section Votre santé et votre maison. Enlever le contaminant avec de l’eau de Javel pure (comme cela est souvent fait) n’est pas recommandé, car cela crée d’autres contaminants chimiques indésirables. »
La contamination fongique n’est qu’un exemple des atteintes à la qualité de l’air qui peuvent survenir dans une résidence. Une panoplie d’autres éléments peuvent détériorer la QAI.
Les contaminants chimiques« Lorsqu’une maison neuve sent le neuf, c’est qu’il y a des contaminants chimiques dans l’air, affirme Mme Pollard. Lorsqu’une vieille maison sent le vieux, c’est souvent parce qu’il y a une contamination fongique. » Or, il est possible d’intervenir efficacement pour éliminer les contaminants chimiques. Par exemple :
• Pour les comptoirs et les armoires, privilégier les panneaux de particules et les contreplaqués de feuillus dotés de la certification CARB ou E1 garantissant leurs faibles émissions de formaldéhyde. Notons que les contreplaqués de résineux (pour sous-planchers et revêtements muraux intermédiaires) et les panneaux de copeaux orientés (Aspenite ou OSB) contiennent une colle de phénol formol peu émissive;
• Utiliser de la peinture dont la base et les colorants sont exempts de composés organiques volatils (COV), irritants et certains même potentiellement cancérogènes;
• Privilégier les colles, teintures et autres finis à base d’eau et émettant le moins de COV possible de même que les finis à base d’huiles naturelles (par exemple, pour boiseries et planchers);
• Éviter les produits à base de vinyle souple émettant des plastifiants (phtalates) liés à des problèmes hormonaux, l’asthme et soupçonnés cancérogènes.
• Éviter les « sent bon » et autres produits parfumés qui masquent les odeurs et émettent souvent beaucoup de COV nocifs (il vaut mieux ventiler, nettoyer et à la limite utiliser un peu d’huile essentielle douce, par exemple à base de sapin);
• Éviter les produits nettoyants puissants à fort contenu chimique. Préférer les produits naturels à faible toxicité comme le bicarbonate de soude et le vinaigre ou les désinfectants et nettoyants affichant l’ÉcoLogo d’Environnement Canada ou une autre certification indépendante (ECOCERT, GreenGuard, Green Seal, etc.).
La radioactivité
Gaz radioactif issu du sol et qui s’infiltre dans les maisons, le radon est la deuxième cause de cancer du poumon après le tabagisme. Santé Canada recommande d’effectuer un test de radon dans toute maison et dans les étages inférieurs des immeubles à logement. Une récente étude de ce ministère a révélé que 9 % des résidences québécoises ne sont pas conformes à la ligne directrice fédérale sur le radon, qui recommande de ne pas dépasser une concentration de 200 becquerels par mètre cube d’air. Il faut corriger les sources d’infiltration de radon dans une maison lorsque ce niveau est atteint dans les espaces de vie habités au moins quatre heures par jour.
Pour savoir s’il y a du radon chez soi, il faut mandater une firme spécialisée telle Québec Radon, qui procédera à une mesure de ce gaz, idéalement durant jusqu’à trois mois et toujours en saison de chauffage, alors que les concentrations de radon sont plus représentatives de la réalité, car les maisons sont alors moins ventilées. Coût typique de l’opération : de 80 à 100 $.
Si l’air intérieur contient trop de radon, il existe des moyens simples de corriger la situation. Il faut colmater les fissures de la fondation, sceller les ouvertures en contact avec le sol, s’assurer que les puisards sont couverts et ventilés vers l’extérieur, et améliorer la ventilation, particulièrement au sous-sol. Si nécessaire, il faudra même ventiler (dépressuriser) sous la dalle de béton, une opération qui coûte environ 2 500 $ en rénovation.
Des études qui amélioreront la QAI
Certaines personnes sont plus sensibles aux polluants que d’autres. C’est le cas, par exemple, des personnes hypersensibles et des enfants asthmatiques. Ces derniers bénéficieront d’une qualité de l’air supérieure grâce au projet de recherche Impact de la ventilation sur la qualité de l’air intérieur et la santé des enfants souffrant de symptômes reliés à l’asthme dans les habitations (IVAIRE). Initié en 2008, il est réalisé par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et l’Institut de recherche en construction du Conseil national de recherches Canada (IRC-CNRC) avec la collaboration du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ). « Nous tentons de déterminer quel est le taux de renouvellement de l’air optimal dans les résidences où vit au moins un enfant asthmatique, affirme le Dr Pierre Lajoie, chercheur principal de l’étude à l’INSPQ. Parmi les résidences sélectionnées, un tiers n’avait pas de système de ventilation et les autres avaient soit un échangeur d’air ou un ventilateur récupérateur de chaleur (VRC). L’étude devrait amener des recommandations sur la ventilation et peut-être même entraîner des changements au Code du bâtiment à ce chapitre. » Le rapport final est attendu à la fin de 2012, mais l’étude pourrait même être prolongée.
En complément à cette étude, le CNRC procède à l’évaluation des technologies qui visent à améliorer la qualité de l'air intérieur, comme les ventilateurs récupérateurs de chaleur. Cette étude s’effectue dans le Laboratoire de recherche sur la qualité de l’air intérieur, situé sur le campus du CNRC, à Ottawa. Le projet étudiera, établira, élaborera et validera des protocoles efficaces qui aideront l'industrie à améliorer les technologies et les solutions de qualité de l'air, de même que la façon dont elles sont installées, utilisées et maintenues dans les bâtiments. « L’une des retombées de l’étude serait de permettre l’élaboration d’un système de cotation des systèmes de ventilation », explique le Dr Lajoie.
Le CNRC précise : « Cette étude a révélé que, dans de nombreuses maisons et en particulier dans les chambres d’enfant, les taux de ventilation ne satisfaisaient pas aux objectifs du Code du bâtiment. Les chercheurs ont pu augmenter suffisamment les taux de ventilation en installant soit un ventilateur récupérateur de chaleur (VRC), soit un ventilateur récupérateur d’énergie (VRÉ), ou encore en optimisant le système de ventilation existant. En préchauffant ou en prérefroidissant l’air entrant selon les besoins, les VRC et les VRÉ ont permis d’augmenter le volume d’air extérieur entrant dans la maison et de réduire les coûts de chauffage ou de climatisation normalement associés aux méthodes traditionnelles de ventilation naturelle ou mécanique des habitations.
« Dans un grand nombre de maisons, on a observé que le taux d’humidité relative (HR) de l’air était trop bas en hiver. Des taux HR faibles ont souvent un impact négatif sur le confort des occupants et peuvent aggraver les symptômes respiratoires. Comme l’apport d’un plus grand volume d’air extérieur en hiver réduit le taux HR, les maisons présentant un faible taux HR ont été sélectionnées pour recevoir un VRÉ (plutôt qu’un VRC) afin d’augmenter le taux de ventilation sans réduire indûment l’humidité relative ambiante. La membrane du VRÉ permet en effet de transférer l’humidité de l’air sortant à l’air entrant, ce qui empêche l’air de la maison de devenir trop sec. On ne sait pas encore si les contaminants présents dans l’air, comme le formaldéhyde, sont aussi transférés avec la vapeur d’eau à travers la membrane du VRÉ et redistribués dans la maison. »
L’électromagnétisme et l’ionisation
Les champs électromagnétiques (champs électriques et magnétiques ou CEM) sont également des polluants de l’environnement intérieur. En outre, les champs électriques artificiels et l’électricité statique naturelle, générés par les appareils électriques, l’air sec et les matériaux synthétiques, augmentent les risques d’absorber des particules nocives en leur donnant une charge électrique. (Détails dans cet article)
« L’humidité est nécessaire, car elle favorise un échange moins rapide des charges électriques », affirme Stéphane Bélainsky, directeur de l’entreprise 3E, spécialiste de l'hygiène électromagnétique à domicile.
M. Bélainsky précise qu’il faut éloigner la plupart des appareils électriques à au moins un ou deux mètres des endroits où l’on passe le plus de temps. Si l’on travaille à l’ordinateur, l’idéal est de remplacer un vieil écran cathodique par un écran plat et de prendre une pause à chaque heure pour reposer ses yeux et permettre au corps de récupérer de son exposition aux CEM.
Les appareils qui émettent des radiofréquences ou micro-ondes (four micro-ondes, Wi-Fi, téléphones sans fil, cellulaires, etc.) augmentent significativement la pollution électromagnétique. Il faut ajouter à cela les erreurs de câblage et les appareils électriques mal installés, par exemple non mis à la terre. « Même une maison dite saine peut émettre des CEM au-delà de ce qui est recommandé si on y trouve plusieurs appareils sans fil et des équipements électriques mal installés, explique M. Bélainsky. Cependant, un point positif, c’est que lors de l’évaluation des projets visant une certification LEED, certains inspecteurs vont tenir compte de l’électromagnétisme. Par exemple, si la résidence est située près d’une ligne à haute tension ou d’une antenne cellulaire, les ondes dégagées peuvent pénétrer dans la résidence. »
« Enfin, lorsqu’une maison a retrouvé son équilibre électromagnétique, l’achat d’un ionisateur (qui diffuse des ions négatifs dans la maison) s’avère inutile, car ces ions sont alors présents en quantité suffisante », conclut M. Bélainsky.
Article par Stéphane Gagné et André Fauteux
crédit photo: www.ecohab.ca