Céleri, pêche, fraise, pomme, bleuet domestique, nectarine, poivron doux, épinard, etc. : on sait déjà que ce sont eux qui contiennent le plus de pesticides, et la liste complète, publiée sur www.foodnews.org, nous indique quels fruits et légumes certifiés biologiques il faut prioriser.
Ce qui est moins connu chez nous, c’est à quel point il faut privilégier la certification bio de la viande et d’autres aliments. Cette certification garantit que les semences n’ont pas été génétiquement modifiées et que les animaux n'ont pas été nourris avec des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Le problème, c’est que l’innocuité des toxines des OGM n’a jamais été testée sur des cellules humaines avant leur commercialisation. Or, les études les plus récentes démontrent que la santé publique est gravement menacée par les OGM, selon le lanceur d’alerte Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’Université de Caen (Basse Normandie).
Les semences OGM ont été manipulées génétiquement pour tolérer l’application répétée d’un herbicide et/ou pour produire elles-mêmes un insecticide, expliquait ce chercheur dès 1998. Par exemple, certains maïs génétiquement modifiés, comme le MON863 de la multinationale américaine Monsanto, contiennent un gène de résistance à un antibiotique. « La dissémination de résistances aux antibiotiques faisait déjà des dizaines de milliers de morts dans les hôpitaux avant même l’arrivée des OGM, explique ce docteur en biochimie et biologie moléculaire. Il ne faut certainement pas rajouter sur la diffusion de ces gènes. » Séralini était à Montréal le 11 mai dernier, au Cœur des Sciences, à titre de conférencier invité par la sociologue Louise Vandelac, professeure à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM. Co-organisée avec plusieurs autres partenaires, sa conférence s’intitulait Biotechnologies : le retard américain.
Monsanto et les tribunaux
Conseiller de plusieurs pays et expert à la Commission européenne en matière d’OGM, Gilles-Éric Séralini a cofondé le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), un groupe d’experts internationaux dont il préside le Conseil scientifique. Selon lui, la société Monsanto « est un éléphant au talon d’Achille, car elle a déjà perdu des procès pour manque de transparence sur les risques des OGM pour la santé ».
En janvier dernier, le Pr. Séralini a pour sa part remporté un procès en diffamation qu’il avait intenté contre Marc Fellous, généticien et président de l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV). Celui-ci l’avait traité de « marchand de la peur » en arguant que ses travaux n'étaient pas valables, car ils auraient été financés par Greenpeace, ce qui est faux. Il y a quelques années, un tribunal allemand a forcé Monsanto à rendre publiques les études animales ayant servi à faire autoriser la commercialisation d'un de ses maïs OGM.
La vérité fut révélée au grand jour : « Gilles-Éric Séralini est le premier à avoir réalisé des tests statistiques indépendants sur des produits de la firme Monsanto, relate Wikipédia. Il a prouvé que le maïs Monsanto MON863 provoque des signes de toxicité hépatique et rénale chez les animaux qui en consomment […]
En novembre 2007, les experts financés par Monsanto ont avoué qu'ils n'avaient pas jugé ces effets graves en particulier parce qu'ils n'étaient pas identiques entre les mâles et les femelles. »
Épidémie sous-estimée
Les experts de la multinationale ont en effet reconnu, dans une publication, que Monsanto écartait tout symptôme différent selon le sexe ou non proportionnel à la dose d'OGM chez des rats qui furent testés pendant seulement 90 jours. « “C’est comme ça qu’on fait depuis 60 ans quand on teste les médicaments ou les produits chimiques”, ont-ils dit », raconte Séralini. C’est ce qui explique, selon lui, la sous-estimation de l’épidémie de maladies chroniques comme le cancer, le diabète, les problèmes reproducteurs, les maladies immunitaires, nerveuses, cardiovasculaires, etc.
« La rentabilité même des 150 000 produits chimiques industriels en circulation serait remise en question s'il y avait transparence sur les analyses de sang des animaux qui reçoivent un produit avant la commercialisation, analyse le biochimiste. Il faudrait faire sauter ce système dont la rentabilité va avec le piétinement de la santé publique. »
Un des premiers et des principaux demandeurs du moratoire commercial européen sur les OGM agricoles, Gilles-Éric Séralini a contribué à tuer dans l’œuf le marché des OGM, du moins en Europe. La pression du public a même convaincu 160 pays d’adopter le premier accord sur les OGM, le Protocole de Carthagène sur la protection de la biodiversité et la prévention des risques biotechnologiques, un accord non signé par les États-Unis et non ratifié par le Canada. Depuis 2003, ces 160 pays imposent l’identification — au moins aux frontières — des aliments contenant des OGM, comme le réclament sans succès 85 % des Québécois. Selon Séralini, dans les Amériques règne l’obscurantisme au sujet des OGM. Dans nos médias, plus souvent qu’autrement, c’est l’omerta.
Malnutrition et carnivores
Le Canada est l’un des seuls pays à permettre l’importation des semences Terminator, qui font l’objet du moratoire international. Elles « permettent aux entreprises de commercialiser des semences dont les graines stériles ne peuvent pas se reproduire, explique Greenpeace. Les semences OGM Terminator sont une menace pour la sécurité alimentaire de 1,4 milliard de personnes qui dépendent des semences provenant de cultures de l’année précédente. » Présentées comme une solution à la faim dans le monde, les semences OGM semblent en effet plutôt contribuer à la famine du monde, selon Gilles-Éric Séralini. « Les OGM ont servi à plus de 95 % à nourrir les cochons des riches plutôt que les enfants des pays pauvres. »
Les principales cultures OGM alimentaires sont le soja, le maïs, le coton et le colza (ou canola). Or, quatre aliments à eux seuls représentent pas moins de 60 % de l’alimentation mondiale : le soja, le maïs, le riz et le blé. Pas moins de 90 % du soja et 40 % du maïs produits aux États-Unis ont été génétiquement modifiés, et la vaste majorité de ces deux aliments OGM sert à nourrir les animaux d’élevage, explique le biochimiste français. Les semences « Roundup Ready » de Monsanto sont sensées être tolérantes au pesticide Roundup qu’elles absorbent massivement. D'autres produisent leur propre insecticide (maïs Bt).
Or, d’autres études ont révélé que le Roundup de Monsanto perturbe le système endocrinien et cause la mort de cellules d’embryons. « Seul le principe actif a été testé sur les animaux à long terme, ce qui est une erreur », explique Gilles-Éric Séralini. C’est que Monsanto n’a testé qu’un seul ingrédient du Roundup, le glyphosate, et non le pesticide dans sa totalité, dont la formule est protégée par le secret industriel. « Nous savons que le Roundup contient un produit corrosif lui permettant d’entrer dans les cellules des semences et donc dans les cellules humaines aussi. Nous sommes les cobayes de ce système. » Les OGM représentent 19 % de toute l’agriculture aux États-Unis, et l'ensemble du continent américain (du nord au sud) est à l’origine de 97 % des OGM comestibles produits dans le monde depuis 15 ans.
« L’identification des OGM, conclut Gilles-Éric Séralini, c’est le plus grand frein à leur rentabilité parce qu’ils ne sont pas attrayants pour les consommateurs. »
Pour en savoir davantage :
Ces OGM qui changent le monde, Gilles-Éric Séralini, Flammarion, 2004, réédité en 2010.
OGM, le scandale, Nouvel Observateur, 18 septembre 2012