Val-d’Or vient de condamner un puits d’appoint et Saint-Donat-de-Montcalm veut s’approvisionner en eau potable dans le lac Archambault d'ici un an depuis que des mesures ont révélé que l'eau de leurs nappes phréatiques dépasse la norme proposée par Santé Canada en matière de composés perfluorés (PFAS) qui sont nocifs à faible dose.
Les PFAS sont utilisés depuis des décennies pour leurs propriétés antiadhésives (Teflon), antitaches (Stainmaster), imperméabilisantes (Gore-Tex) et extincteurs de feu, mais les fabricants les remplacent par des substances censées être moins nocives, car de plus en plus d’études révèlent qu’ils peuvent être nocifs à long terme. On les retrouve notamment dans plusieurs emballages alimentaires et cosmétiques.
Ces substances à base de fluor posent problème parce qu’ils sont extrêmement persistants dans l’environnement, qu’ils se répandent partout et qu’ils s’accumulent dans les tissus vivants. C’est pourquoi les experts les ont désignés comme des « polluants éternels ».
Le 26 août 2022, l'Agence américaine pour la protection de l'environnement (l’EPA) a proposé de désigner les deux PFAS les plus courants, le PFOA et le PFOS, comme « substances dangereuses » au titre de la loi CERCLA (Comprehensive Environmental Response, Compensation and Liability Act). « Cette désignation aidera l'EPA à responsabiliser les pollueurs et à relancer le processus d'assainissement des sites dans tout le pays », explique l’organisme Environmental Working Group (EWG).
« Les PFAS les plus étudiés, le PFOA et le PFOS, sont liés à des lésions hépatiques, à l'hypercholestérolémie, à l'obésité, au diabète, au cancer, aux maladies thyroïdiennes, à l'asthme, au dysfonctionnement du système immunitaire, à la réduction de la fertilité, à l'insuffisance pondérale à la naissance et à des effets sur le développement cognitif et neurocomportemental de l'enfant, explique le Green Science Policy Institute américain. Lorsque l'eau potable est contaminée, elle peut constituer la principale source d'exposition. Dans d'autres régions, l'exposition due à l'alimentation – à la fois par l'emballage des aliments et par la chaîne alimentaire – peut prédominer. Dans les environnements intérieurs, les PFAS migrent des produits vers la poussière et l'air. »
Comme ils polluent tout l’environnement, on les retrouve dans le corps de tous les êtres vivants.
Comme le rapportait récemment Radio-Canada, le 7 février, Santé Canada proposait de fixer à 30 nanogrammes par litre (ng/L) l'objectif pour la somme des concentrations de PFAS totales détectées dans l'eau potable. Or, une étude dirigée par le chercheur Sébastien Sauvé, professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal, a révélé que les échantillons testés à Saint-Donat contenaient de 68 à 82 ng/L) de PFAS alors qu’à Val-d’Or, le puits fut contaminé parce que la concentration variait entre 35 et 171 ng/L. À Sainte-Adèle et Sainte-Cécile-de-Milton, les taux variaient entre 30 et 36 ng/L.
Le problème, c’est que les chercheurs ignorent encore quel est le seuil d’exposition sécuritaire. Des États américains comme le New Jersey ont même adopté des limites aussi basses que 13 parties par trillion, soit 0,013 ng/L, pour des composés comme l’acide perfluorononanoïque (PFNA).
Autre défi pour les particuliers, tester les PFAS coûte cher. « Le coût de cette analyse est élevé, il se chiffre à presque 1 000 $, explique la chimiste Séverine Cochard, directrice Compte client et service au laboratoire H2Lab. Pour le moment la Santé Publique a mis la norme à 30 Ng/L, mais c’est un point de départ. Ils ne savent pas encore si ce chiffre va augmenter ou baisser. »
Le site de l’EWG donne des conseils pour s’en protéger. En 2018, l’organisme expliquait que 71 produits avaient été certifiés par l’organisme NSF International pour leur efficacité à filtrer les PFAS. Les systèmes à osmose inverse sont les plus efficaces et les pichets filtrants au charbon activé dans une moindre mesure. Si votre budget se situe entre les deux, on peut notamment opter pour les purificateurs au charbon activé Berkey, certifiés comme retirant neuf types de PFAS.
Selon l'ingénieur Benoît Barbeau, cotitulaire de la Chaire industrielle spécialisée en traitement des eaux à Polytechnique Montréal et consultant pour la municipalité où il possède un chalet, des analyses ont révélé que la qualité de l’eau du lac Archambault est exceptionnelle. M. Barbeau a confié à Radio-Canada traiter son eau potable avec un pichet filtrant au charbon activé.
Le professeur agrégé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Marc-André Verner, rappelle que personne ne connaît le seuil de PFAS à partir duquel on observe des effets néfastes pour la santé. « Ce n'est donc pas mauvais de filtrer son eau, de changer de source d'eau », a-t-il dit au micro de la radio d'État, tout en conseillant de faire pression sur les élus municipaux.
Quant au chercheur Sébastien Sauvé qui a sonné l'alerte, il a abonde dans le même sens et filtre son eau montréalaise, même s'il a affirmé au magazine L'actualité ne pas croire que boire l'eau du robinet soit dangereux, car les niveaux de risque sont « très faibles ». Néanmoins, il a affirmé à Radio-Canada : « Pour moi, c'est clair que si j'avais de la famille à Saint-Donat ou à Val-d'Or, je recommanderais au moins d'essayer d'avoir un traitement supplémentaire à la maison et de faire pression pour qu'il y ait quelque chose qui se fasse parce que je serais un peu inquiet. »