Ce texte est un exemple des nombreux défis que doivent surmonter les personnes qui vivent au quotidien avec l'hypersensibilité environnementale. L'auteure a un besoin urgent de logement plus sain. Nous vous invitons à communiquer avec nous pour toute offre ou ressource à ce sujet. AF
Voici ma petite épopée personnelle en gestion de l’environnement. Il relate les mesures employées par une personne “envirosensible” aux prises avec deux chantiers de construction et détaille le système qu’elle invente pour pouvoir respirer. Au terme de l’aventure, l’un des récents bâtiments pose un nouveau défi, de nature électromagnétique cette fois, que l’on doit surmonter rapidement. Ces événements se sont déroulés de l’été 2019 à l’hiver suivant, et une première version de cet article fut publiée sur maisonsaine.ca en juin 2020. L’auteure est toujours à la recherche d’un logis mieux adapté à sa condition.
« Vous allez me trouver ridicule, mais… je crois que je ne pourrais pas vivre sans respirer. » Ainsi s’exprime le personnage de Becky dans le célébrissime téléroman « Le cœur a ses raisons ».
En effet, comme il serait pratique de pouvoir cesser d’inhaler quand l’air devient autre chose que ce qu’il devrait être!
S’il est une leçon que j’ai apprise au cours des quelques trente années passées avec la condition de chimicosensibilité, c’est d’éviter les compromis face aux agents que l’on a identifiés comme nuisibles dans le lieu que l’on habite. Le déni, le scepticisme ou la simple négligence à se protéger adéquatement peuvent conduire à long terme à des résultats désastreux. J’en ai hélas été témoin chez mes pairs. Dans toute la mesure du possible, on doit mettre en place des mesures d’élimination, de protection ou de mitigation des irritants, l’évitement complet recommandé par les spécialistes n’étant pas toujours réalisable. L’effort en vaut la peine, et on a parfois de belles surprises.
Omniprésent formaldéhyde
Curieusement, la mousse isolante d’urée formaldéhyde (MIUF) a été bannie de l’intérieur de nos murs mais on introduit volontiers le formaldéhyde dans nos maisons comme ingrédient de la résine d'urée formol utilisée dans plusieurs types de produits en bois d'aggloméré : meubles et armoires en panneaux de particules, moulures en fibres de moyenne densité, planchers stratifiés (« flottants ») en fibres de haute densité, contreplaqué de feuillus, etc. Le contreplaqué d’extérieur, quant à lui, est fait de résineux (conifères) et collé à la résine de phénol formol, plus résistante à l'humidité et donc moins émissive, mais non inoffensive pour les hypersensibles.
Selon Santé Canada, « la présence de formaldéhyde dans l'air intérieur est très courante. Il peut causer une irritation des yeux, du nez et de la gorge et peut aggraver les symptômes d'asthme, surtout chez les enfants. (…) Lorsqu'il est présent à des niveaux élevés dans l'air, tel que ceux trouvés dans les milieux de travail, on le détecte par son odeur piquante et il est associé au cancer des voies nasales. »
Si cette odeur piquante indique un niveau élevé de formaldéhyde, cela signifie que ce gaz était présent à un niveau important dans la presque totalité des armoires - dont certaines âgées - au fini de mélamine ou de bois plaqué que j’ai pu échantillonner. J’ai également pu constater que le placage de bois, plus poreux que la mélamine, se laisse plus facilement traverser par les émanations de formaldéhyde.
Santé Canada a démontré que le formaldéhyde se dégage de plus de 90 % des produits de bois composite sélectionnés et testés, et le dégagement de la substance augmente lorsque les températures et les taux d'humidité sont élevés. Le 7 juillet 2021, le Règlement sur les émissions de formaldéhyde provenant des produits de bois composite final a été publié dans la Gazette du Canada, Partie II. La plupart des exigences du règlement prendront effet en janvier 2023.
À une époque où je me voulais plus « tolérante », j’avais habité un logement âgé de trois ans, avec planchers flottants et armoires de cuisine standard. Assaillie de plusieurs symptômes, je suspectai ces matériaux et appris à sceller temporairement les armoires ainsi que le plancher de ma chambre, lequel fut recouvert de papier pare-vapeur Scutan puis de panneaux de plexiglas de 4 x 8 pi. Vieillis et sans odeur, ils se révélèrent fort utiles dans des logements subséquents, où l’opération fut répétée aussi souvent que nécessaire.
La veille du déménagement vers un nouveau logis, toutes les protections furent retirées et dès la nuit suivante, les symptômes revenaient en force. Je trouve ce genre d’expérience intéressante et instructive – pour peu qu’elle ne se prolonge pas trop! – et décisive pour la future gestion de cette condition de santé, l’hypersensibilité environnementale, reconnue comme un handicap par les commissions canadienne et québécoise des droits de la personne.
Un handicap à gérer
Personne ne remet en question les mesures qu’une personne vivant avec une quelconque incapacité physique décide de prendre pour s’assurer un maximum de confort à l’intérieur de ses limites. Pourtant, plusieurs croient que les hypersensibles « exagèrent ». Mais un animal ou un enfant qui réagit à des facteurs environnementaux n’est pas en mesure d’exagérer, pas davantage qu’un adulte qui dort ou a le nez bouché! Divers polluants peuvent nous affecter, que l’on en perçoive ou non l’odeur (pensons au monoxyde de carbone inodore). Une fois que l’on a pu identifier nos réactions à un produit spécifique dont l’odeur est détectable, on peut par la suite, en vivant ces mêmes symptômes, savoir à quel type de polluant on a affaire, même sans le sentir – ce qui permet de gérer adéquatement la situation.
Les nécessités de survie ont agi comme un stimulant de la créativité et divers « patentages » se sont élaborés au fil des besoins, permettant de freiner ou ralentir la dégradation de ma santé en milieu non adapté. C’est une expérience gratifiante, quand cela fonctionne! Cela dit, je suis très consciente que toutes les personnes hypersensibles n’ont pas la possibilité de se lancer dans le genre de projets décrits ici. J’espère néanmoins que le partage de ces trucs, certains plus simples que d’autres, s’avérera utile.
Il y a bois… et bois
L’été 2019 aura été pour moi le théâtre d’expériences nouvelles qui ont nécessité des mesures exceptionnelles. En vedette : composés organiques volatils (COV) naturels de bois résineux, formaldéhyde, diésel, solvants et autres, le tout à l’extérieur, près de mes fenêtres.
Vers la mi-juillet, le propriétaire de mon logis décide de se construire un garage de deux étages sur la propriété, à faible distance de la façade de la maison. Toutes les fenêtres ouvrantes se trouvent de ce côté, à l’exception de celle de la cuisine sur le mur opposé, du côté du vent dominant (ouest). En prévision des émanations du chantier, cette fenêtre est donc mise à profit pour aérer le rez-de-chaussée et pour en tirer de façon mécanique l’air non pollué qui alimentera la chambre à l’étage, en particulier la nuit : il faut ventiler sous le lit baldaquin qui sert de protection contre les micro-ondes émises par les tours cellulaires, les compteurs intelligents et les émetteurs Wi-Fi des voisins. Par temps chaud, cette petite brise dans le lit est fort agréable. L’équipement nécessaire est peu coûteux : un ventilateur de salle de bains silencieux (moins de 1.5 sone), auquel on raccorde un fil électrique avec prise (fiche mâle). À la sortie d’air de 4 po de l’appareil, on branche un tuyau d’aluminium flexible de la longueur nécessaire (une ou deux sections de 25 pi) pour amener l’air où on le souhaite, par exemple au pied du lit baldaquin. On coince le ventilateur dans une fenêtre et le tour est joué.
Du moins le croyais-je. Mais un samedi matin de la fin juillet, réveillée par la scie à chaîne du voisin du côté de la fenêtre de cuisine, je vois chuter une majestueuse épinette. Plusieurs arbres matures seront ainsi abattus. Me doutant que le vaillant homme voudra sans doute brûler tout ce bois, je m’enquiers de son projet : un garage de deux étages!
Deux chantiers de garages, l’un devant, l’autre derrière, donnant sur les seuls murs fenestrés de la maison : voilà le menu estival et automnal.
C’est la déchiqueteuse qui sera mise à profit pour se défaire de la grande quantité d’arbres coupés chez le voisin. Au terme de cette journée de travail, l’air est envahi par une très forte odeur de résine de conifères. Trop intense : la fenêtre doit être fermée et la ventilation arrêtée.
Est-il possible de réagir aux émanations naturelles de bois? Oui, certainement. Selon les essences, les arbres émettent différents COV (terpènes et autres) qui indisposent certaines personnes. Pour ma part, les conifères sont généralement mes amis, je bois de la tisane de sapin et j’aime l’odeur de ces arbres. Mais les planches de pin nu m’indisposent, et cette première expérience avec l’odeur très prononcée et constante de cette montagne de copeaux d’arbres fraîchement abattus confirme que le dosage fait la différence. La forme aussi : transformé en planches, copeaux ou huiles essentielles, l’arbre n’est plus sous sa forme naturelle à dégagement très modéré de COV. Il s’agirait donc d’une « intolérance partielle ».
Pendant ce temps, mon propriétaire a monté l’ossature du garage. Pas trop méfiante à ce stade, je laisse les fenêtres ouvertes de ce côté quand le chantier est arrêté et que cesse la coupe de planches. Mais quand les murs de contreplaqué sont en place et que le vent tourne à l’est ou au nord-est, soit environ deux jours par semaine, des malaises apparaissent. Parfois l’odeur de contreplaqué est perceptible dans la maison, parfois non. Je dois me rendre à l’évidence : les réactions ressemblent à celles vécues dans le logement âgé de trois ans décrit plus haut. C’est donc la colle de ces panneaux qui m’affecterait et possiblement aussi les COV du bois.
Je déplace mon système de ventilation et pose le ventilateur dehors, au sol (sur un plexi), sur le côté de la maison dénué de fenêtre. Le tuyau entre à l’intérieur par une fenêtre avant. Cela fonctionne, selon l’humidité et la direction du vent.
Le débit d’air est toutefois très faible. Il faut trouver une solution pour ventiler davantage et en tout temps. Nous sommes en été et la maison n’est pas très saine au départ. Il faudrait aller chercher l’air dans un secteur du terrain libre d’émanations et acheminer cet air vers l’intérieur de la maison.
Les bons tuyaux
Le garage du voisin sera surdimensionné et situé très près de mon logement (à environ 15 pi ou 5 m), vis-à-vis de la fenêtre de cuisine, sur le mur ouest. Je marche sur le terrain et évalue jusqu’où se rendent les senteurs de copeaux. Même s’ils vont être enlevés, je peux ainsi évaluer les limites de dispersion des futures émanations diverses du chantier : diésel des camions et de la pelle mécanique, murs du garage, goudron du futur toit en bardeaux, etc. Fort heureusement, nous sommes dans la nature, le terrain est profond sur le côté de la maison. À environ 200 pieds (60 m) selon une évaluation sommaire, seule l’odeur des fleurs sauvages subsiste.
Je dois donc trouver cette longueur de tuyau pour pomper l’air pur dans la maison, à l’aide d’un appareil que je possède déjà ou peut-être d’un ventilateur plus puissant. À expérimenter.
Le défi : zéro dépense, car mon budget de survie est limité. Je rédige une demande d’équipement en commandite en échange d’un article sur ce site et l’envoie à quelques personnes, dont l’éditeur de La Maison du 21e siècle, André Fauteux, qui la relaie à quelques contacts susceptibles d’y répondre. Et on y répond : François Vanasse de Airia Brands, fabricants des produits Lifebreath, que j’avais rencontré dans le passé pour des opérations de ventilation, effectue quelques demandes pour moi et j’en fais également de mon côté. M. Vanasse me fait parvenir environ 35 pi (11 m) de tuyau d’aluminium flexible de 6 po de diamètre, 10 pi (3 m) de tuyau de 8 po ainsi qu’un puissant moteur de ventilation.
Par ailleurs, l’un de mes coups de fil donne un résultat au-delà de mes espérances.
Roger Demers se dit semi-retraité et très heureux dans la mission qu’il s’est donnée de rencontrer les gens chez eux et de les informer. Ex-propriétaire de Roger Demers Climatisation à Sherbrooke, il poursuit sa collaboration avec la compagnie par sa présence très généreuse auprès de la clientèle, et même avec une personne telle que moi, qui n’achèterai pourtant aucun service de cette entreprise. Mon projet l’intéresse.
Lors d’une première visite, j’ai pu mesurer l’étendue de son expérience et la richesse de ses connaissances. « N’utilisez pas de tuyau flexible, dit-il, les souris vont les percer et nicher dedans! » Vrai, j’en avais eu la surprise lors d’une visite au cabanon.
M. Demers m’explique la technique dite du « puits canadien » qui consiste à creuser une tranchée d’environ 4 pi (plus de 1 m) de profondeur et d’y enfouir le tuyau qui amène l’air à un échangeur d’air ou un ventilateur récupérateur de chaleur (VRC). L’air puisé est rafraîchi par la terre en été et protégé du froid en hiver par la couche de neige et en étant enterré sous la ligne de gel. Comme je suis locataire, il n’y aura pas d’excavation de tranchée. Il faut se procurer du tuyau rigide, en acier ou en aluminium.
Et le miracle se produit. Grâce aux contacts de M. Vanasse, un bon matin, un livreur sonne à ma porte pour venir déposer une palette chargée de 40 sections de 5 pi de tuyaux d’aluminium rigide, 6 coudes et 2 adaptateurs, gracieuseté de M. Michel Sornin de l’entreprise rougemontoise Le Matériel Industriel Ltée, fabricant de composantes pour la ventilation et le chauffage. Les tuyaux sont ouverts. Il s’agit de les refermer en les « clippant » puis de les embouveter l’un dans l’autre.
Il faut éviter de déposer ce long assemblage de tuyaux sur le sol, où l’humidité les envahirait. Même entourés de ruban, les joints ne sont pas parfaitement étanches, m’explique M. Demers. Après différentes expériences, j’opte pour les poser sur des pots à plantes remplis de pierres. La hauteur est suffisante par rapport au sol, et elle permettra aux tuyaux d’être recouverts et isolés par la neige en hiver. À l’extrémité se dresse une cheminée dont le bout est recourbé vers le bas, en guise de protection contre les précipitations (v. photo 1).
Choix de l’appareil qui aspirera et redistribuera cet air : l'épurateur à précipitation à flux turbulent (PFT)Lifebreath, acquis dans les années ’90 grâce à M. Vanasse. Il s’agit d’un haut boîtier de métal dans lequel s’insèrent huit filtres à particules plissés. Pour des fins de ventilation, je laisse l’appareil sans filtres, ce qui augmente beaucoup son débit. À l’aide de tuyaux branchés à l’entrée ou à la sortie, je peux puiser l’air et l’amener où je veux, créer une pression positive ou négative selon mes besoins, etc. Muni d’une prise avec mise à la terre, il s’est avéré un allié précieux et versatile au fil des ans.
Défi zéro dépense relevé, hormis pour le ruban qui scelle les conduits. Après une semaine de travail acharné, des effluves de fleurs sauvages se répandent à l’intérieur. Le diffuseur de parfum idéal!
L’installation prend la forme suivante : pour l’entrée de l’air dans la maison, le train de tuyaux extérieurs est connecté à une section de tuyau flexible de 4 po qui pénètre à l’intérieur par une fenêtre scellée au pourtour (v. photo 2). Ce tuyau est branché à l’entrée du PFT qui aspire l’air extérieur. La sortie de l’appareil est subdivisée pour les besoins des deux étages de la maison. Le tuyau flexible de 6 po qui monte à l’étage obstrue partiellement cette sortie ronde de 6 po du PFT. Le propulseur est suffisamment puissant pour qu’une partie de l’air se dirige dans ce tuyau malgré l’espace libre juste au-dessus de son site de connexion avec l’appareil (v. photo 3). Je peux augmenter le débit d’air à l’étage en obstruant partiellement ou totalement cet espace qui est destiné à ventiler le rez-de-chaussée.
Purification ou ventilation
On m’a demandé pourquoi je n’utilise pas simplement des purificateurs d’air au charbon activé pour filtrer les COV. D’abord, il faut échanger l’air d’une maison, pas seulement le recycler dans une machine. Avec des fenêtres ouvertes, l’air extérieur porteur de COV circulerait dans la maison avant de se rendre à l’appareil. Ensuite, le charbon activé a sa propre odeur. Il s’avère toutefois indispensable, entre autres pour les situations urgentes : entrée soudaine de fumées, gaz ou autres polluants; incidents à l’intérieur, comme la combustion accidentelle de plastique. Ainsi, lorsque le voisin a appliqué son scellant sur la dalle de béton du futur garage, un vent de 30 km/h soufflait pile en direction de ma fenêtre de cuisine que j’avais réouverte temporairement une fois les copeaux disparus. À 8 h du matin, les vapeurs de solvant ont envahi la maison.
Étape 1 : on enfile rapidement un masque avec filtre au charbon (tel le modèle 8247 de 3M); 2 : on ferme les fenêtres; 3 : on démarre les purificateurs au charbon activé. 4 : si la source du contaminant est inconnue, on sort avec le masque et on cherche à repérer sa provenance, visuellement d’abord (enlever le masque quelques secondes à la fois si le visuel ne fonctionne pas), afin de pouvoir gérer la suite. J’ai demandé au voisin de m’aviser en cas de seconde application de scellant – qui ne s’est pas produite.
Évidemment, une maison n’est pas étanche et même en fermant les fenêtres, l’air extérieur s’y introduit avec plus ou moins de force selon les vents, différences de température intérieure/extérieure, pression atmosphérique, etc. Il faut donc demeurer prudent et à l’écoute des symptômes au cas où l’odeur des contaminants ne serait plus pleinement perceptible. Le purificateur d’air devient alors une mesure de précaution pour les situations plus corsées ou incertaines.
Aménager ou déménager
On pourrait se demander à juste titre pourquoi l’auteure de cet article ne déménage pas, tout simplement. D’abord, il y a des irritants partout, en l’absence de projets domiciliaires adaptés à l’hypersensibilité environnementale; mais depuis quelques années, la réponse pourrait tenir en un mot : radiofréquences. Elles ont fait avorter plusieurs tentatives de départ. Si on est aux prises avec les deux formes de sensibilités, chimique et électromagnétique, alors on a intérêt à disposer d’un budget de taille comparable à celle de cette double problématique. Ce qui, hélas, n’est pas le cas de nombre d’entre nous.
Lorsqu’on ne peut vivre en multilogement (à cause des polluants émis par les voisins) et que le budget est limité, le choix de résidences unifamiliales en location est plus que restreint et la qualité souvent douteuse, surtout au plan des moisissures dont les sources sont si nombreuses. Que l’on songe seulement aux sous-sols, vides sanitaires ou dalles de béton sans pare-vapeur, non chauffées et avec sous-planchers non ventilés.
La maison que j’habite possède un pare-vapeur d’aluminium en ses murs ainsi qu’un toit de métal; ceux-ci agissent ensemble comme protection contre les micro-ondes. En ajoutant des moustiquaires d’aluminium dans les fenêtres, les ondes cellulaires n’y entrent pas. Elle est toutefois très mal isolée et présente des problèmes de moisissures. Les détails sur la mitigation de celles-ci allongeraient trop cet article (lire l’article Comment éliminer les moisissures sans se ruiner); en l’absence de rénovations majeures appropriées, des mesures de confinement et de scellement des zones sèches ont été appliquées, mais la situation demeure imparfaite et la ventilation continue est indispensable.
Changement de saison
Puisque la maison a besoin d’être aérée même en hiver, pourquoi ne pas ajouter une étape et utiliser le chauffage existant pour préchauffer cet air extérieur apporté par le tuyau, ce qui réduira les coûts de chauffage? Dans un logement précédent, j’avais déjà fabriqué une sorte de serpentin au-dessus du calorifère, avec du tuyau flexible de 4 po de diamètre. Un bon système : l’arrivée d’air frais, située près de mon visage pendant que je faisais la vaisselle, m’évitait de respirer l’air moins salubre de cette portion du logement. C’est ce que j’appelle la « technique du scaphandre ». Cependant, l’air froid à l’intérieur du tuyau, en amont du chauffage, amenait l’humidité intérieure à se condenser sur sa paroi extérieure plus froide, laquelle pouvait se couvrir de givre par grand froid.
Faute de matériau d’isolation du tuyau, j’opte pour glisser celui de 4 po à l’intérieur de l’autre de 8 po, dont l’extrémité ouverte sera positionnée au-dessus du Convectair, qui réchauffera ainsi l’air dans l’espace entre les deux tuyaux (à l’intérieur du plus gros) (v. photo 4). C’est efficace sur plus de la moitié de la longueur de tuyau vers son entrée dans la maison.
Moment de vérité : à une température extérieure ressentie de -13 °C, je démarre l’appareil : cela fonctionne, l’air qui en ressort est tiède! La merveilleuse odeur ozonée de la neige, si unique, se répand doucement dans les lieux. Le tuyau flexible de 6 po qui monte à l’étage semble avoir retenu le parfum de la verge d’or… Et tous les tuyaux donnés, rigides et flexibles, ont été mis à profit.
À l’usage, je constate que le Convectair doit toujours fonctionner au maximum pour que l’air du système soit suffisamment tiède. La pièce devient parfois inconfortable et les tuyaux du serpentin deviennent trop chauds. J’opte pour allonger le serpentin, afin d’augmenter l’exposition du tuyau à la chaleur; puis je l’éloigne un peu du chauffage et recouvre le montage d’un abri de papier d’aluminium épais qui reflète la chaleur. Une autre opération s’avère très avantageuse : une légère perforation du tuyau de 4 po près de son entrée dans la maison (v. photo 5) fait en sorte que l’air chaud du secteur du Convectair est aspiré dans le manchon de 8 po vers cette ouverture, ce qui a un triple effet : réchauffer les deux tuyaux dans la zone froide près de l’entrée, mélanger de l’air chaud intérieur avec l’air froid de l’extérieur, et prévenir toute humidité et développement de moisissures à l’intérieur des deux tuyaux (le 4 po et son manchon de 8 po). Le résultat est satisfaisant : manchon et tuyau sont tièdes, de même que l’air distribué.
Il va de soi que l’on doit parfois sacrifier l’esthétique au confort. L’effet visuel de tous les aménagements pour hypersensible (chimico et électro) dans cette maison semble saisissant pour les visiteurs : en 2016, j’étais parmi un groupe de personnes qui donnaient une entrevue sur l’électrosensibilité à un étudiant au doctorat avec Mme Louise Vandelac, sociologue spécialisée en environnement et professeur à l’UQAM. Impressionnée par tous ces aménagements, elle suggéra d’en faire une vidéo.
Pas de répit!
Tout cela dit et fait, ou fait et dit, un bon matin de décembre, j’aperçois par ma fenêtre de cuisine, le profil d’une embase vide pour un futur compteur intelligent sur le nouveau garage du voisin, lequel, comme je l’ai expliqué, est très près de mon logement (environ 15 pi ou 5 m). La puissance d’émission des ondes, et donc leur nocivité, est plus grande à proximité de la source. Situation préoccupante : y aura-t-il aussi un routeur Wi-Fi dans le garage? La panne de cinq jours du début novembre ne m’avait pas procuré le répit de symptômes d’électrosensibilité que j’escomptais : le voisin avait sa génératrice, et l’appareil couramment appelé acoustimètre (détecteur de radiofréquences AM-10, de EMFields) demeurait très bruyant à l’extérieur en raison des équipements de sa maison, située pourtant à plus de 200 pi (60 m) de chez moi. J’ai pu ainsi confirmer que la principale source de mes symptômes se situe chez ce voisin. Ces symptômes sont plus prononcés à l’extérieur.
Armée de courage, je m’en vais lui proposer d’installer à mes frais un écran métallique de mon côté de l’embase de son compteur. L’offre est (très vigoureusement) refusée, et il m’informe qu’il y aura aussi un routeur Wi-Fi dans le garage.
Me voilà avisée. Je savais que malgré les avantages de la maison, une partie des émissions Wi-Fi y fait son chemin quand même. L’application Wi-Fi d’un cellulaire l’évalue mieux que l’acoustimètre et le corps mieux encore que les deux autres. Il faut savoir que les appareils de télécommunication émettent différences fréquences, certaines plus pénétrantes que d'autres, et que seul un analyseur de spectre peut les identifier adéquatement.
On se remet au boulot, vite, avant que n’arrive le nouveau compteur. Afin de renforcer les protections déjà présentes, on monte un revêtement de moustiquaire métallique sur le mur extérieur de la maison, à hauteur du rez-de-chaussée (v. photo 6). L’étage, qui comporte une seule grande pièce de ce côté, sera blindé de l’intérieur avec du papier d’aluminium épais destiné à cette fin.
On est au début décembre, il vente fort, je suis en haut de l’escabeau, les bras en l’air à accrocher le grillage au câble d’Internet, devant l’embase qui me nargue… Un ras-le-bol fait irruption, et je sais alors que je ne finirai pas cet article uniquement dans l’ultra-positivisme et la belle aventure d’une originale sculpture de tuyaux ou d’une murale de moustiquaire. C’est une énorme quantité de travail, je ne suis pas en forme, et cette constante bataille pour survivre m’arrache un cri du cœur : le sort des hypersensibles est déplorable! Bien sûr, le monde va de travers et tous doivent assumer une certaine charge, mais ne pas exister socialement est un fardeau très particulier.
Même si tous mes aménagements m’aident beaucoup, j’ai parfois l’impression d’essayer de colmater une forteresse trouée et assaillie de toutes parts. Depuis trois décennies, ces équipements et installations ont sans doute considérablement ralenti la progression de mon problème de santé, mais ils ne l’ont pas freinée complètement, faute de logements adaptés. Et ils m’ont coûté cher au fil des ans.
Formation continue et doctorat en gestion des courants d’air
Ce n’est pas fini ici. Au printemps, ce sera la mise en place du revêtement de bardeaux d’asphalte du toit du garage de mon propriétaire (le voisin a opté pour le métal, j’applaudis), toit qui se trouve juste à hauteur de mes fenêtres d’étage en raison des talus. L’odeur de goudron envahira l’air, surtout quand le soleil plombera sur le toit – j’en ai fait l’expérience dans le passé. Au lieu du propulseur actuel, il faudra utiliser le puissant moteur donné par M. Vanasse et tenter de créer une pression positive qui pourra bloquer l’entrée des polluants quand le vent n’est pas trop fort, mais nuira à la ventilation, aux nécessaires courants d’air.
Pour créer une pression positive, on bloque toutes les issues, sauf une fenêtre scellée au pourtour d’un ventilateur ou autre équipement par lequel on force l’entrée d’air extérieur dans le logement. L’air s’accumule et exerce une pression qui empêche l’entrée des contaminants extérieurs par d’autres ouvertures. Cette technique peut s’avérer très utile dans les multi logements où circulent fumées, parfums et autres polluants, et où la lutte contre le vent est moins intensive que dans une maison unifamiliale avec tous ses murs exposés. L’air extérieur doit évidemment être d’une qualité acceptable. Cependant, cette approche ne permet pas à l’air de circuler et s’échanger aussi librement que dans une ventilation croisée, soit par entrée et sortie d’air par des fenêtres situées sur des murs opposés; s’il y a des moisissures dans le logis, elle peut s’avérer contre-productive.
En hiver, la ventilation par fenêtres étant restreinte de toute façon, je suis bien contente d’aller chercher l’air à l’autre bout du terrain la fin de semaine, quand les motoneiges passent en procession tout près de la maison pour se rendre à la piste voisine. Quelle pestilence, ces moteurs! Heureusement, j’ai l’immense privilège de n’être exposée que très rarement aux fumées des poêles à bois, je n’ai jamais habité de meilleur emplacement à cet égard. Rien de parfait donc, mais rien de totalement imparfait non plus. Des poêles à bois à proximité d’un logis sont un véritable calvaire en hiver (les foyers de masse exceptes), alors qu’on voudrait tant respirer l’odeur unique de cette saison et l’air pur exempt de moisissures.
Souffler le chaud et le froid
L’hiver se poursuit et je réalise que, quand le système de ventilation est arrêté, de l’air froid semble aspiré vers l’intérieur via le tuyau. Me rendant à son extrémité extérieure (cheminée) en raquettes, je longe le long tuyau rendu invisible, enfoui sous la neige et je constate que même la cheminée est presque entièrement submergée par les fortes chutes récentes. En repoussant un peu la neige sous la cheminée, je découvre un vaste trou d’air, où elle semble avoir fondu. Comment? L’air chaud sort de la maison et a fait fondre la neige, en même temps qu’entre de l’air froid par le même tuyau?
J’appelle M. Ventilation-secours, Roger Demers. Et il a l’explication : le tuyau agit comme une sorte d’autoroute à deux voies : l’air froid circule au bas, tandis que l’air chaud voyage en couche supérieure. L’air chaud se dilate et sort de la maison, l’air froid est attiré à l’intérieur pour le remplacer. Pas gagnant comme situation! Dans l’immédiat, quand la ventilation est arrêtée, je débranche les tuyaux à leur jonction près de l’entrée à l’extérieur (il suffit de glisser l’anneau de plastique) (v. photo 2). Par une fin de semaine douce avec de nombreuses motoneiges, je rebranche et laisse fonctionner le système, et si je l’arrête, soit je débranche dehors, soit je bloque le tuyau avec un chiffon à l’intérieur.
Voilà où j’en suis avec cette expérience-là. Si jamais l’air chaud circulant dans les tuyaux à l’extérieur a causé de la condensation à l’intérieur de ceux-ci (je n’en ai pas décelé), le risque de croissance fongique dans un tuyau de métal lisse et généralement froid est plutôt inexistant.
Vous vous demandez peut-être si le mur blindé protège efficacement contre le rayonnement Wi-Fi du garage voisin? Au vu des problèmes importants vécus dans le logement précédent dont le voisin (à 10 m) avait un routeur, je dirais que oui, mieux que j’aurais cru.
Comme protection supplémentaire, un rideau de fin maillage de cuivre/argent a été installé dans la fenêtre de cuisine. À mon tour de narguer le compteur en lavant la vaisselle…
Tout comme les technologies émettrices de radiofréquences et aussi de hautes fréquences transitoires (HFT, fréquences parasites produites par les appareils électroniques), l’électrosensibilité et ses manifestations sont des phénomènes complexes et en évolution; on ne peut rien tenir pour acquis. Il est parfois plus difficile qu'avec la chimicosensibilité de cerner la ou les causes des malaises, les sources d’électropollution étant multiples et difficiles à mesurer avec précision – et les très bons appareils se révèlent coûteux.. D’où l'urgente nécessité des projets domiciliaires adaptés, en zones protégées.
Nous constatons que les deux formes de sensibilités, chimique et électromagnétique, s’inter-influencent. Les moisissures semblent agir comme déclencheur de l’une et de l'autre. L’accès à l'air pur intérieur et extérieur aide certainement à résister aux assauts de plusieurs formes d'agressions environnementales.
Et la suite?
L'action se déroulait en 2019 et au début de 2020. Puis vint la COVID, et en décembre 2020, l'avis de reprise du logement par le propriétaire. Départ prévu pour le 30 juin 2021, en pleine crise du logement et explosion des loyers, Et, tel qu’énoncé ci-haut au sujet des empêchements au départ, les radiofréquences allaient se révéler le grand élément perturbateur. Perte des protections inhérentes au bâtiment, surprises et apprentissages divers étaient au rendez-vous. Ma recherche pour un logis mieux adapté se poursuit, de préférence en Estrie. Je vous invite à communiquer avec l’éditeur, M. Fauteux, si vous avez un lieu à offrir à proximité de la nature.
Début 2022, l'Association pour la santé environnementale du Québec nous apprenait qu'une membre ontarienne atteinte de chimicosensibilité avait demandé l'aide médicale à mourir après des années de démarches infructueuses pour tenter d'améliorer sa situation de logement. Elle nous a quittés le 22 février, au grand désarroi de la communauté.
Nous sommes nombreux à nous demander : quand arrivera la perte d’autonomie, où iront ceux et celles que les proches ne pourront prendre en charge?
En ces jours où le mourir dans la dignité semble assuré, vivre dans la dignité est inaccessible à toute une frange de la population totalement ignorée. Ils et elles sont nombreux et nombreuses à mériter la médaille du courage et de l’endurance.
Les propriétaires privés peuvent mettre en œuvre différentes formules pour loger ou dépanner les envirosensibles : annexe lofts, etc. Il est de plus en plus question que les municipalités assouplissent leurs règles, en raison de la crise du logement. Parlons-en aux membres de nos Conseils municipaux.
Enfin, il faudrait songer à mettre sur pied des maisons de fin de vie adaptées pour permettre une fin digne à ces humains.
Je remercie mes commanditaires, MM. Vanasse, Sornin et Demers, les aidants bénévoles dans l’exécution des tâches du projet et les retouches photos, ainsi que deux généreuses personnes électrosensibles, moins réactives que moi aux équipements informatiques, qui ont tapé une grande partie de ce texte.
En ces temps difficiles, partage et solidarité sont nos meilleures protections…
Santé Canada – formaldéhyde: