L'antenne de Ripon filmée par CBS News. https://www.cbsnews.com/news/cell-tower-shut-down-some-california-parents-link-to-several-cases-of-childhood-cancer/

Il a fallu que quatre écoliers et trois enseignants reçoivent un diagnostic de cancer dans un délai de trois ans, et les protestations de parents en colère, pour qu’en 2019 l’entreprise Sprint démantèle une tour de téléphonie cellulaire installée sur le terrain d’une école primaire de Ripon, en Californie. La chirurgienne plastique Cindy Russell, dont la fille fréquentait l’école au nom peu romantique de K-8, s’est intéressée au dossier dès l’annonce du projet d’antenne, en 2010.

« Bien qu’il soit extrêmement difficile de cerner la cause d’un agrégat de cancer, les parents et les élèves de l’école du comté de San Joaquin sont convaincus qu’il y en a une et qu’elle provient de la tour cellulaire du campus », écrivait-elle sur le site mdsafetech.org de l’organisme Physicians for Safe Technology (Médecins pour une technologie sécuritaire).

Plusieurs parents ont retiré leur enfant de l’école K-8 après que des élèves ont développé quatre cancers rares – deux tumeurs cérébrales, un cancer du rein et un cancer du foie. « Des enquêtes non seulement sur le rayonnement des tours cellulaires, mais aussi sur la qualité de l’eau ont été lancées. Après que 200 parents ont pris d’assaut la réunion du conseil scolaire, les responsables de l’école ont été invités à demander que la tour de téléphonie cellulaire soit enlevée à l’école K-8. Sprint a accepté de le faire. » Tout cela peut être évité si les commissions scolaires interdisent l’érection d’antennes sur leurs terrains, comme celle de Los Angeles l’a fait en 2000.

Une deuxième conférence médicale américaine sur les dangers des ondes

Dre Cindy Russell

Ancienne vice-présidente de l’Association médicale californienne, la Dre Russell est à l’origine d’une résolution de cet organisme qui prône la précaution en matière d’exposition aux champs électromagnétiques (CEM) de radiofréquences (RF). « Aussitôt que la tour fut démantelée, les symptômes de ma fille ont disparu », a-t-elle raconté en prononçant l’allocution d’ouverture de l’EMF Conference 2021, conférence médicale virtuelle sur la prévention, le diagnostic et le traitement des problèmes de santé associés aux CEM, tenue à la fin janvier. Une experte des reconstructions mammaires, cette plasticienne est horrifiée par le nombre croissant de jeunes femmes, souvent dans la vingtaine, qui développent des tumeurs du sein après avoir souvent porté leur cellulaire allumé dans leur soutien-gorge.

En fouillant la littérature scientifique, la Dre Russell a vite découvert que les effets nocifs de l’exposition chronique au rayonnement de RF étaient abondamment décrits depuis les années 1960, mais en particulier depuis 20 ans. « Le rayonnement RF des technologies sans fil comme le Wi-Fi agit comme un agent toxique causant des dommages cumulatifs et silencieux, comme le font les produits chimiques. Il agit d’ailleurs en synergie avec les autres expositions toxiques, a-t-elle expliqué lors de son allocution. Ça affecte tous les organes, on sait qu’il y a des populations plus vulnérables, comme les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées, et que la nutrition et notre génétique ont indéniablement un impact sur notre réponse aux expositions toxiques causant des maladies. La science est abondante et robuste : elle montre que les RF causent notamment des dommages neurologiques, reproducteurs, immunitaires et le cancer. »

La Suisse reconnaît que les ondes oxydent le corps

À l’origine de ces dommages, le rayonnement de RF, y compris les micro-ondes polarisées qui sont constamment pulsées par les appareils sans fil, cause un stress oxydatif, ce que les membres du groupe d’experts BERENIS qui conseille le gouvernement suisse viennent de confirmer en janvier. « Les fours à micro-ondes qui utilisent des radiofréquences similaires à une puissance plus élevée cuisent par la chaleur; cependant, à une puissance inférieure, des effets biologiques néfastes ont été démontrés dans des études scientifiques sans chauffer ni brûler les tissus, explique-t-elle. Un mécanisme de toxicité clairement démontré est le dommage oxydatif, observé dans 93 des 100 études scientifiques (Yakymenko 2016). L’oxydation est un mécanisme commun de toxicité présent dans les polluants tels que les pesticides, les produits chimiques industriels, la fumée de cigarette et les métaux lourds. Ces polluants peuvent déclencher une inflammation et endommager les structures cellulaires telles que l’ADN, dont les mutations peuvent être un précurseur du cancer. Les dommages aux spermatozoïdes, l’affaiblissement des membranes cellulaires, la création d’espèces réactives de l’oxygène [comme les radicaux libres] et l’ouverture des canaux calciques par le voltage ont tous été confirmés dans les plus récentes études. Le rapport du groupe BERENIS est immensément important, c’est une analyse très puissante faite par certains des toxicologues les plus talentueux du monde. » Comme l'oxydation est une usure prématurée des cellules vivantes, la toxicologue ontarienne affirme que la perte de tolérance aux ondes devrait s'appeler syndrome du vieillissement accéléré (rapid aging syndrome).

Heureusement, les antioxydants, telles les vitamines A, C et E ainsi que la mélatonine, peuvent prévenir ou atténuer les dommages causés par les ondes, dont l’inflammation chronique menant aux maladies, ajoute Dre Russell. Mais le premier traitement est la réduction de l'exposition à l'agresseur.

Les enfants doivent particulièrement être protégés du rayonnement électromagnétique, non seulement parce que leurs organes en pleine croissance sont plus vulnérables face aux polluants, mais aussi parce que leur exposition aux ondes est plus élevée. « Leur crâne est plus mince que celui d’un adulte, ce qui augmente la pénétration des ondes, leur corps les absorbe davantage car il contient proportionnellement plus d’eau, et ils seront exposés toute leur vie durant », explique Cindy Russell.

En 1994, le neurochirurgien suédois Leif Salford découvrait que les ondes peuvent ouvrir la barrière hématoencéphalique censée empêcher la migration de microbes et de produits chimiques nocifs du sang vers le cerveau. « Il suffit d’une exposition de deux heures pour que cette barrière demeure ouverte pendant plusieurs semaines », précise la Dre Russell.

D’ailleurs, des études ont démontré que les antennes cellulaires placées près des écoles sont liées à un déclin des fonctions cognitives. Par exemple, des professeurs de médecine d’Arabie saoudite ont suivi 217 adolescents pendant deux ans. Dans leur étude publiée en 2018 dans l'American Journal of Men's Health, ils ont remarqué que les ados les plus exposés aux ondes des antennes présentaient plus de problèmes sur le plan de la motricité, de la mémoire et de l’attention que les moins exposés.

La Dre Russell affirme que découvrir l’immense littérature sur les méfaits des ondes est devenu presque envahissant pour elle, « comme boire d’un boyau de pompier ». Elle utilise cette analogie pour rappeler que des scanographies du cerveau faites par le Dr Gunnar Heuser confirmaient la présence de modifications ne pouvant être expliquées par l’inhalation de fumée et pouvant expliquer les problèmes de sommeil, de dépression, de tremblements, de temps de réaction ralenti, de concentration et de maux de tête sévères vécus par six pompiers sujets d’une étude. Cette étude a incité l’Association internationale des pompiers à adopter une résolution contre l’érection d’antennes sur leurs casernes, résolution qui a été honorée par certaines villes américaines.

« Pourtant, déplore Dre Russell, les enfants d’école n’ont aucun mot à dire » quand on leur impose des antennes dans le voisinage ou du Wi-Fi dans leur classe.

*

Dr Scott Eberle

Quel est le diagnostic, docteur?

Le patient était un professionnel très performant de 56 ans qui a soudainement connu un déclin de ses capacités mentales, des maux de tête violents et de l’insomnie. Il avait subi un empoisonnement chronique au monoxyde de carbone (CO) émis par un système de chauffage au gaz défectueux. Ses symptômes se sont grandement atténués après qu’il eut trouvé et retiré l’appareil fautif. Mais son rétablissement était lent et trois ans plus tard il a rechuté, vivant alors des épisodes de confusion sévères en plus de terribles maux de tête.

« Le patient, c’était moi, et au début de 2013 je ne fonctionnais plus bien du tout », raconte le médecin Scott Eberle dans un article paru à l’automne 2014 dans le magazine Sonoma Medicine, publié par l’association médicale du comté californien du même nom. Ce spécialiste des soins palliatifs a d’abord soupçonné les émissions chimiques d’un nouveau tapis installé dans ses bureaux, puis les champs électromagnétiques (CEM) émis notamment par les routeurs Wi-Fi. Son intuition fut confirmée après s’être soumis à une petite expérience scientifique chez lui avec l’aide d’un ami. Alors que le Dr Eberle avait les yeux fermés pendant 30 minutes, son ami devait activer la fonction Wi-Fi de son routeur sans l’aviser du moment exact. Lorsque le Dr Eberle s’est plaint d’un mal de tête perçant, son ami lui confirma que l’appareil était allumé depuis seulement une minute.

Ceci incita le médecin à se procurer un lecteur de radiofréquences (RF) pour mesurer les émissions des technologies sans fil dans son environnement, puis à embaucher un expert en baubiologie (biologie du bâtiment) afin de trouver et corriger les principales sources de CEM dans ses espaces de vie.

Il a découvert que réduire ou éliminer son exposition aux ondes avait un impact majeur sur sa santé qui périclitait à chaque exposition. « Il me faut 24 heures pour aller mieux et 48-72 heures pour revenir à la normale », a-t-il écrit en expliquant que la lecture de la littérature scientifique lui a fait comprendre que l’empoisonnement au CO avait probablement rendu perméable sa barrière hématoencéphalique censée protéger son cerveau des microbes et des polluants environnementaux. Ayant répété son expérience les yeux fermés près de 80 fois en un an, la preuve de cause-à-effet n’était plus à faire.