Grâce à des commandites, les prix de ces condos solaires — de 191 638 $ pour un 3 ½ de 765 pi2 à 301 878 $ pour un 4 ½ de 1 375 pi2 — ne représentent qu'un surcoût de 8 % par rapport à des habitations classiques de même taille. © Construction Voyer
Grâce à des commandites, les prix de ces condos solaires — de 191 638 $ pour un 3 ½ de 765 pi2 à 301 878 $ pour un 4 ½ de 1 375 pi2 — ne représentent qu'un surcoût de 8 % par rapport à des habitations classiques de même taille. © Construction Voyer

Imaginez un condo qui requiert l'équivalent de moins de 50 $ de chauffage par année, soit six fois moins que la consommation de ses appareils ménagers et d'éclairage, et doté de 146 capteurs solaires de 255 watts qui produiront autant d'électricité en une année que le propriétaire et ses cinq voisins en consommeront.

Unique au Québec, il s'agit du sixplex « à consommation énergétique nette zéro » que Construction Voyer vient de construire dans son lotissement Val des Ruisseaux, à deux pas du pont de l'autoroute 25, dans le quartier lavallois de Duvernay Est. Cofinancé par l'initiative écoÉNERGIE sur l'innovation de Ressources naturelles Canada (RNCan) et le fabricant d'isolation Owens Corning, il fait partie d'une initiative nationale de démonstration de collectivités écoénergétiques gérée par la firme Buildability.

« Ce projet est important car il démontre aux Canadiens qu'il sera possible d'acheter une habitation écoénergétique qui est à la fois économique pour les propriétaires, durable, et qui minimise leur impact environnemental en produisant et consommant l'énergie d'une manière plus écologique et plus efficace », fait valoir Philippe Saint-Jean, conseiller en sciences et en technologie à RNCan. Chacune de ces six habitations ne devrait en moyenne annuelle requérir que 6 945 kilowattheures, selon une modélisation énergétique réalisée par la firme Ameresco. Et en consommant ainsi moins de 30 kilowattheures par jour, chaque propriétaire ne sera facturé qu'au premier palier tarifaire d'Hydro-Québec (5,68 ¢/kWh en 2015), pour une facture annuelle totale moyenne de 395 $. Début février, deux des six unités étaient déjà vendues, nous apprend Jean-François Voyer, copropriétaire de Construction Voyer.

voyer sixplex nz2Hydro crédite les watts solaires
Grâce aux escomptes offertes par divers commanditaires, leur surcoût n'est que de 8 % (environ 13 000 $) par rapport à des unités semblables classiques, au lieu de 12 à 15 % (20 à 25 000 $) sans escompte, ajoute-t-il. Une aubaine, puisque le système PV Canadian Solar de 37,2 kW a coûté 112 000 $. Ce système convertissant la lumière en électricité est exempt de batteries : l'énergie non consommée en temps réel est exportée sur le réseau d'Hydro-Québec, qui les créditera sur la facture des propriétaires (détails sur hydroquebec.com/autoproduction).

« Étant donné l'espace restreint sur le toit des bâtiments, nous nous sommes basés sur l'objectif de réduire le plus possible le besoin en PV, explique M. Voyer. Ainsi, nous avons sélectionné les appareils les plus écoénergétiques et le niveau d'isolation le plus élevé possible, en conservant les techniques de construction traditionnelles. Il était important que notre concept puisse être reproduit par la majorité des équipes de sous-traitants dans l'industrie. Nous avons aussi ciblé une étanchéité à l'air optimiste, mais réaliste. »

 L'on peut suivre le bilan énergétique du condo modèle en temps réel sur http://my.eyedro.com/p/4593-f214a7e62610e5f8
L'on peut suivre le bilan énergétique du condo modèle en temps réel sur http://my.eyedro.com/p/4593-f214a7e62610e5f8

Caractéristiques écoénergétiques
« L'abordabilité des maisons nettes zéro passe par la conservation d'énergie avant sa production », confirme l'ingénieur Salvatore Ciarlo, directeur du service technique d'Owens Corning au Québec. Il explique les mesures les plus payantes appliquées par les Voyer, par ordre de priorité :
• une étanchéité à l'air de l'enveloppe du bâtiment en deçà d'un changement d'air à l'heure à une pression simulée de 50 pascals par un infiltromètre, un appareil de mesure qui dépressurise l'immeuble. Cette performance exceptionnelle fut réalisée à l'aide du système d'étanchéité à l'air CodeBord posé du côté extérieur de l'enveloppe. Ses principales
composantes sont les panneaux de polystyrène extrudé CodeBord (R-15) ainsi que le ruban adhésif JointSealR pour sceller les joints. Enfin, des bandes d'étanchéité cel-R-ROSE sont installées entre l'isolant et la charpente à des endroits stratégiques pour assurer la continuité du pare-air;
• une isolation supérieure (toit plat R-48 et en pente R-60, murs à ossature simple R-39, planchers exposés R-48, dalle et mur de gel R-15). Produits employés : la laine de verre Rose Fiberglas EcoTouch R-24 et le polystyrène extrudé CodeBord R-15;
• des fenêtres expérimentales en PVC/aluminium de marque Donat Flamand, de Jeld-Wen. Leur vitrage triple comprend trois pellicules faible émissivité équilibrant les gains de chauffage solaire passif (35 % du potentiel les traverse) et la faible conductivité thermique (valeur U de 1,02 W/m²·K équivalant à R-5,56 pour l'ensemble de la fenêtre);
• des équipements mécaniques écoénergétiques : l'air est chauffé par des pompes à chaleur de marque MDV, fabriquées par MIDEA, qui réduisent les coûts de chauffage d'environ 60 % par rapport à des plinthes électriques ; des chauffe-eau hybrides à thermopompe Rheem réduisant la facture d'eau chaude de moitié ; un récupérateur de chaleur des eaux de drainage Thermo-Drain réduisant les besoins annuels d'eau chaude d'environ 30 % ; et un ventilateur récupérateur de chaleur vänEE 90H-V, réduisant des deux tiers la consommation d'énergie (chauffage inclus) associée à l'échange d'air en hiver, notamment grâce à deux moteurs à commutation électronique ne consommant chacun que 13,5 watts.

Le promoteur a aussi appliqué diverses autres mesures assurant une bonne qualité de l'air intérieur. Par exemple, l'usage d'une peinture sans composés organiques volatils et la pose d'une canalisation permettant d'évacuer le radon cancérogène le cas échéant. Santé Canada recommande de tester toutes les maisons canadiennes pour la présence de ce gaz souterrain qui peut s'infiltrer et s'accumuler à des concentrations dangereuses (détails sur poumon.ca).

Évidemment, l'objectif de consommation annuelle nette zéro ne pourra être atteint qu'avec un autre élément essentiel, précise M. Ciarlo : « Il faut des occupants socialement et environnementalement responsables qui font leur part en pratiquant des comportements écoénergétiques. » Tel qu'expliqué au Téléjournal de Radio-Canada par Pascal Voyer, copropriétaire de l'entreprise avec son frère, RNCan a prévu un budget énergétique strict pour y arriver, dont une consommation quotidienne moyenne de 11,9 kWh par les appareils électriques et l'éclairage ainsi que le maintien du thermostat à 20 degrés Celsius en hiver et à 26 C en été. Comme les condos sont très étanches et très isolés, les murs, plafonds, vitrages et verres plus chauds assureront le confort des occupants à ces températures plus écoénergétiques. De plus, RNCan se base sur la consommation canadienne moyenne de 146 litres d'eau chaude par jour, pour une famille de trois personnes. Il faudra discipliner les ados car c'est très peu : une pomme de douche efficace consomme 7 litres d'eau par minute — mais évidemment pas juste d'eau chaude!

 Pascal Voyer
Pascal Voyer

De plus, l'énergie requise pour produire l'eau chaude est réduite au minimum dans les deux salles mécaniques qui desservent chacune trois unités et auxquelles on accède par l'extérieur du bâtiment. En premier lieu, l'air vicié expulsé par les ventilateurs récupérateurs de chaleur (VRC) est dirigé dans ces pièces où les chauffe-eau à thermopompe Rheem récupèrent sa chaleur résiduelle qu'un VRC évacuerait normalent à l'extérieur. En plus de récupérer la chaleur dans la pièce (chauffée aussi par une thermopompe mural et au besoin par un plinthe électrique), l'appareil Rheem reçoit aussi de l'eau municipale préchauffée par le récupérateur de chaleur des eaux de drainage ThermoDrain. « C'est de l'énergie que l'on jette habituellement dans les égouts et que l'on peut maintenant récupérer, dit Pascal Voyer. Une technologie simple qu'on devrait tous appliquer chez nous. » Enfin, le chauffe-eau à thermopompe Rheem est lié à deux chauffe-eau électriques standard. Ceux-ci stockent la chaleur qu'il produit et leurs éléments ne fonctionnent que quelques minutes par jour, question de maintenir la température de l'eau à 60 degrés Celsius (140 ºF) afin d'empêcher la formation de bactéries comme la Legionella pneumophilia à l'origine de pneumonies potentiellement mortelles.

Quant à Jean-François Voyer, il pense déjà à ses prochaines maisons à haute performance. « Pour nous, ce fut une belle expérience d'apprentissage technique que nous pourrons reproduire sans trop d'effort. Le prix des systèmes PV diminue tellement vite que nous voulons maintenant construire une maison modèle dite « prête pour nette zéro », précâblée pour le solaire et 50 % plus écoénergétique qu'une maison classique. Décernée par Owens Corning, cette certification sera validée par une tierce partie. »

Pour en savoir davantage
voyer.ca | owens corning.ca | rncan.gc.ca