Bien que le Québec jouisse d'une abondance d'eau et d'hydroélectricité en été, cet article américain lève le voile sur divers enjeux dont nous devons tenir compte en cette période de transition énergétique.
AF
Texte paru en anglais dans Meer Magazine, le 13 juin 2022 : https://www.meer.com/en/69934-when-utilities-warn-of-blackouts
Après des décennies de stabilité relative, plusieurs compagnies d'électricité américaines affirment aujourd'hui que cet été, elles n'auront pas assez d'énergie pour faire face à une vague de chaleur.1 En effet, ma compagnie d'électricité a récemment averti ses abonnés qu'ils devaient s'attendre à des coupures de courant cet été.
Dans ce cas, une compagnie d'électricité peut couper le courant dans un quartier pendant une heure, le rétablir, puis couper le courant dans une autre zone. Ces pannes ont tendance à se produire pendant les soirées chaudes, lorsque les gens rentrent du travail ou de l'école et font fonctionner les climatiseurs en préparant le dîner, en allumant les ordinateurs de bureau, en rechargeant les appareils mobiles, en regardant la télévision et en faisant la lessive.
Ce type de délestage ou de panne mobile soulève de nombreuses questions : qu'est-ce qui fait qu'une compagnie d'électricité n'est pas prête à répondre à la demande, alors qu'un nombre croissant de ménages ont acheté des appareils dits économes en énergie, des systèmes photovoltaïques et des véhicules électriques ? Comment les contribuables se préparent-ils aux pannes? Que peuvent faire les services publics et les contribuables pour les éviter?
Qu'est-ce qui fait qu'un service public n'est pas prêt à répondre à la demande?
J'habite au Nouveau-Mexique depuis plus de trente ans et c'est la première fois que ma compagnie d'électricité nous prévient d'éventuelles coupures de courant. Quel est le problème? Les températures sont-elles plus élevées et les climatiseurs plus nombreux?
Comment l'objectif de ma compagnie d'électricité de fermer une centrale au charbon et de la remplacer par des énergies renouvelables affecte-t-il sa livraison d'électricité ? (Le solaire et l'éolien ne fournissent qu'une énergie intermittente. Lorsque le soleil ne brille pas et que le vent ne souffle pas, les services publics puisent dans les réserves de gaz naturel ou de charbon - ou dans l'énergie nucléaire ou les batteries hautement toxiques). Mon service public ne dispose-t-il plus de réserves suffisantes de ces combustibles fossiles? Le fait de ne pas reconnaître que les énergies dites renouvelables dépendent des combustibles fossiles et ne sont pas biodégradables à la fin de leur utilisation contribue-t-il à nos demandes d'énergie non durables?
L'été dernier, lorsque l'État de Californie a demandé aux propriétaires de véhicules électriques de les recharger pendant la journée, je n'ai pas compris. Parce que, tout comme une conduite régulière sur l'autoroute, une livraison régulière d'électricité est plus efficace. Pour équilibrer la forte demande industrielle de la journée et la demande plus légère du soir, les services publics demandent généralement aux clients résidentiels de faire la lessive et d'autres activités consommatrices d'énergie le soir et le week-end. Pourquoi la Californie demanderait-elle aux propriétaires de VE de se recharger pendant la journée ?
Un ingénieur m'a expliqué que les clients qui utilisent l'énergie solaire sur leur toit (et qui envoient l'énergie inutilisée à leur société de services publics) produisent tellement d'énergie supplémentaire que les sociétés de services publics la vendent à d'autres sociétés de services publics - ou les paient pour qu'elles la prennent. Si la fréquence augmente suffisamment, le système de protection du service public arrête ses générateurs par mesure de sécurité. Ce technicien a émis l'hypothèse que le fait de charger les VE pendant la journée contribuerait à équilibrer ce qui entre dans le réseau et ce qui est consommé.
Le problème s'aggrave encore, explique-t-il, car les jours ensoleillés, les panneaux solaires photovoltaïques produisent de l'électricité de 11 heures à 15 heures. Cela ne correspond pas à la demande d'électricité, qui tend à culminer entre 16 et 21 heures.
En d'autres termes, l'ajout de nouvelles technologies "renouvelables" rend notre réseau plus complexe. Il n'assure pas notre "transition" vers l'abandon des combustibles fossiles (ou des extractions ou des déchets toxiques).
Et cela ne tient pas compte des impacts écologiques de la fabrication (extraction, fusion, transport des matières premières entre les stations, fabrication de produits chimiques) de systèmes photovoltaïques ou éoliens industriels. On parle trop peu de l'utilisation par la Chine du travail forcé des Ouïghours pour fabriquer des panneaux solaires.2 Il n'est pas question des combustibles fossiles utilisés pour fabriquer les tranches de panneaux.3 Et on commence à peine à s'inquiéter des produits chimiques perfluorés toxiques (PFA, les produits chimiques "éternels" qui ne s'éliminent pas des corps, des sols ou des eaux souterraines) contenus dans le cadre, la feuille avant, la feuille arrière et l'encapsulant d'un panneau solaire.4-8 Ces PFA rendent-ils les terres situées sous les panneaux solaires définitivement non cultivables? Qui surveille cette situation? Qui aide les utilisateurs de panneaux solaires en toiture à y faire face?
Qu'attendons-nous des services publics d'électricité ?
La plupart d'entre nous s'attendent à recevoir de l'électricité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, de manière sûre et fiable, à des tarifs justes et raisonnables. Désormais, nous la voulons également "propre", "sans fossile" et "durable".
En réalité, la fabrication à grande échelle de quoi que ce soit - y compris les panneaux solaires et les installations éoliennes industrielles - nécessite des combustibles fossiles, des extractions, des fonderies, de l'eau, des transports intercontinentaux de matières premières. La fabrication de quoi que ce soit génère du CO2, du méthane, des déchets toxiques et des risques pour les travailleurs.
En réalité, les systèmes énergétiques "propres", "sans fossile", "durables" et "neutres en carbone" ne sont pas possibles. Ce sont des termes de marketing.
Que peuvent faire les contribuables pour se préparer aux pannes ?
Si l'on répond à cette question ménage autonome par ménage autonome, les personnes ayant des moyens et celles dont le budget est limité auront différentes options.
Pour que le courant et les ordinateurs ne soient pas interrompus, les ménages aisés peuvent acheter des génératrices, des protections contre les surtensions et/ou des alimentations sans coupure (batteries). Ils peuvent acheter des ordinateurs portables avec des batteries longue durée et les garder chargées. Ils peuvent poser un système solaire sur leur toit avec avec une batterie de secours et s'isoler du réseau [ou du moins jouir d'une résilience en cas de panne].
Chacune de ces options nécessite la fabrication de nouveaux biens, ce qui signifie une augmentation de la consommation d'énergie, des extractions, de l'utilisation de l'eau, des émissions de CO2, des déchets toxiques, des expéditions internationales et de la dépendance vis-à-vis des chaînes d'approvisionnement internationales. Acheter l'une de ces options revient à vivre au-dessus de nos moyens écologiques.
Pour le meilleur ou pour le pire, ceux qui ont un budget limité n'ont pas ces options.
En mai dernier, une amie vivant dans une région rurale de Pennsylvanie, gestionnaire d'un site web, a subi trois coupures de courant en une semaine. Un jour, elle a été privée d'électricité pendant quatorze heures. Sans électricité, elle n'avait ni téléphone ni accès à Internet. (Les lignes fixes n'étant pas disponibles dans sa région, elle passe ses appels par un protocole de voix sur Internet.) Diabétique, mon amie a rempli son réfrigérateur de sacs de glace pour garder son insuline au frais. « J'ai fait des courses, m'a-t-elle dit. J'ai nettoyé la maison. Je faisais la sieste. Mon mari entrepreneur a travaillé sur des projets qui ne nécessitaient pas d'outils électriques. En gros, nous avons laissé tomber nos attentes de connectivité constante. Nous nous sommes adaptés. »
Que peuvent faire les contribuables pour réduire leur consommation d'énergie ?
Nous pouvons prendre les avertissements des services publics concernant les pannes d'électricité comme un encouragement à devenir autonomes. Mais comme l'eau, l'électricité est désormais un bien commun. Pourrions-nous considérer ces mises en garde comme des occasions de travailler collectivement et de réduire les risques de coupure pour tous?
Pourrions-nous peinturer les toits en blanc avec de la peinture réfléchissante?8 Pourrions-nous encourager l'utilisation de refroidisseurs à eau (et le nettoyage de leurs filtres) plutôt que de climatiseurs plus énergivores? Les fabricants pourraient-ils mettre au point des couvertures spatiales pour les toits afin de réfléchir la chaleur des maisons chaudes? Pourrions-nous nous en tenir à l'infrastructure de télécommunications déjà installée et renoncer à la 5G et aux autres mises à niveau énergivores?
Pourrions-nous apprendre des villes et des pays qui connaissent régulièrement des pannes d'électricité? Comment répartissent-ils l'énergie pour les hôpitaux, les écoles, les ménages pendant les saisons sujettes aux pannes?
Pourrions-nous vivre avec la question suivante : pour le bien commun, comment réduire la demande d'énergie et les risques de pannes? Si non, pourquoi?
RÉFÉRENCES
1 Halper, Evan, Wheezing power grid creates summer blackout risk, Washington Post, June 3, 2022.
2 Troszak, Thomas, The hidden costs of solar photovoltaic power, NATO Energy Security Centre, 2021.
3 North State Journal. (2018, February 16). Solar panels could be a source of GenX and other perfluorinated contaminants.
4 Arcella, V., Merlo, L., Pieri, R., Toniolo, P., Triulzi, F., & Apostolo, M. (2014). Fluoropolymers for Sustainable Energy. In D. Smith, S. Iacono, & S. Iyer (Eds.), Handbook of Fluoropolymer Science and Technology (pp. 393–412). Wiley Online Library.
5 Daikin. (2012). Business Review: Daikin Fluorochemical Products, in Chemwinfo.
6 AiT Technology. (2015). Transparent Encapsulating PVDF Front Sheet - AI Technology, Inc. AiT Technology.
7 Terreau, C., De, J., & Jenkins, S. (2014). Encapsulation of solar cells (USPTO Patent). Google Patents.
8 Kotecki, Peter, New York City has painted over 9.2 million square feet of rooftops white—and it could be a brilliant heat-fighting plan, Business Insider, Aug. 13, 2018.